Un film de notre confrère Lamine Coulibaly aiguise l’appétit des chercheurs : Le témoignage de Joseph Brulet-Jailly, Consultant et enseignant en Sciences Po à Paris

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Cher Monsieur,

C’est aujourd’hui seulement que j’ai pu regarder votre film sur Djenné dans la série Cahier d’hier de l’ORTM, dont vous avez bien voulu me procurer une copie. Il me reste à vous en remercier très chaleureusement, ce que je fais très volontiers, car ce film m’a beaucoup intéressé. A l’occasion, puis-je vous demander aussi de remercier de ma part M. Moise Traore, que j’ai rencontré il y a quelques années, et dont je savais l’attachement à Djenné.

Votre film m’a intéressé d’abord parce que j’ai vu y intervenir des amis très chers comme notamment MM. Amadou Tahirou Bah et Boubacar Cissé, enseignants, membres de notre association DJENNE PATRIMOINE, ou encore le marabout Sékou Cissé, beau-frère du premier président de cette association, feu Papa Moussa Cissé; mais c’est un plaisir également que d’écouter Younoussa Fané, le chef de la mission culturelle de Djenné comme M. Ali Kampo, le directeur régional de la culture de Djenné. Le film est donc riche et vivant !

Mais votre film m’a aussi intéressé parce qu’il devrait prêter à discussion dans les milieux cultivés. Par exemple, l’histoire de la mosquée de Djenné, ou plutôt des mosquées de Djenné, telle qu’elle est racontée par M. Amadou Tahirou Bah est encore plus compliquée que celle qui est rapportée par Jean-Louis Bourgeois au chapitre qu’il y consacre dans son livre passionnant “Spectacular Vernacular”. Elle est probablement trop compliquée ! Il est bien regrettable que M. Bourgeois n’ait jamais autorisé la traduction française que je lui avais soumise au moment où on préparait la célébration du centième anniversaire de la reconstruction de ce monument : le texte est donc resté inaccessible à tous ceux qui ne lisent pas l’anglais. Au temps où il travaillait à ce livre, M. Bourgeois était logé chez le chef de village de Djenné –Ba Hasseye, celui-là même qui est décédé il y a quelques mois- et il avait par ce patronage accès à tout ce que Djenné compte de dépositaires de la tradition orale. Autant qu’on puisse savoir, il n’y a donc jamais eu plus de trois mosquées à Djenné, alors que M. Bah en suppose cinq. A force de broder sur la tradition orale, sa vérité disparait…

Une autre surprise vient de la déclaration de M. Ali Kampo, selon lequel la mosquée de Sékou Amadou était à l’emplacement de l’actuel cimetière de Konofia. Là encore, le chapitre de M. Bourgeois contient un rappel des discussions approfondies qui ont eu lieu à l’époque à ce sujet. Et il en résulte que la décision a réalisé ce que les Peuls voulaient absolument éviter, la destruction du dernier bâtiment construit par Sékou Amadou après la chute de Hamdallaye. Cette mosquée de Sékou Amadou n’était pas à Konofia, mais bel et bien à l’emplacement actuel du groupe scolaire dont vous montrez le portail surdimensionné, juste à l’est du marché quotidien. Pour éviter d’enfreindre la loi islamique, on a laissé les Français détruire la mosquée de Sékou Amadou pour édifier sur ce même terrain la medersa à laquelle ils tenaient tant.

Vous avez bien fait d’enregistrer ces personnalités : c’est comme si elles avaient écrit, car on peut maintenant se reporter à leurs déclarations, et les discuter point par point. C’est comme cela que la science progresse, y compris la science historique, qui nous intéresse tant à propos de Djenné, cette cité qui nous est si chère, à vous, à moi, à nous tous !

Je suis ravi d’avoir fait votre connaissance, et j’espère que nous aurons un jour l’occasion de nous retrouver à Djenné, et de reprendre cet échange avec les intéressés !

Merci encore ! Bien cordialement !

 

 

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