Prorogation du mandat des conseillers municipaux : entre légalité et légitimité

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La loi N°2012-007 du 07 février 2012 portant code des collectivités territoriales fixe en son article 7 le mandat du conseil communal à cinq ans. Toutes fois, il peut être prorogé de six mois au plus, par décret motivé pris en conseil des Ministres.

 

A l’interprétation de cette disposition, les conseillers communaux élus en 2009 devrait boucler en principe  leur mandant en 2014. Mais au regard de  la crise politico sécuritaire qu’a connue notre pays en 2012, le  gouvernement nouvellement élu s’est trouvé dans l’impossibilité matérielle de renouveler les instances des collectivités. Ainsi, il a fait usage  de l’exception de l’article 7 en prorogeant  le mandant des élus de 6 mois consécutif.

 

En principe,  au terme de cette deuxième dérogation, le gouvernement devrait procéder à la dissolution des conseils communaux pour échéance de Mandat et procéder à la mise en place des délégations spéciales pour gérer les affaires courantes dans les 15 jours conforment aux articles 11, 12 et 13 de la loi portant libre administration des collectivités locales.

 

Malheureusement, au lieu de se conformer à ce principe législatif, le Gouvernement avec la bénédiction du cadre de concertation des partis politiques a tout simplement foulé le principe de la limitation des mandat des conseillers des collectivités en prorogeant à nouveau leur mandat.  En l’absence de motivation juridique, le Ministre développe  un argument sur la mauvaise gestion des délégations spéciales et d’un probable refus des partenaires techniques à accompagner les collectivités pendant cette transition dans la gouvernance locale.

 

Nous n’avons pas la prétention de juger du bien fondé du non respect de la disposition relative sur les délégations spéciales, mais ce comportement du Gouvernement nous interpelle en tant que citoyen attaché au principe de la démocratie à se demander sur les conséquences juridiques de cette non-conformité.

 

D’un point de vue de droit, l’acte de prorogation du mandat des conseillers des collectivités  par le gouvernement peut être assimilé à une violation  directe de la loi portant sur la libre administration des collectivités donc susceptible d’être attaquée pour illégalité en raison du contenu de l’acte.

 

L’adoption par l’assemblée nationale d’une loi prorogation  spéciale du mandat des  conseillers, le jeudi 16 avril 2015 n’enlève à rien  à la gravité    de la violation de la loi portant sur la libre administration.  Cette attitude  des Honorables députés est tout simplement révélatrice. Nos élus  viennent de prouver  qu’ils sont prêts à changer les règles du jeu en cours pour soit disant compromis ou consensus.  Le problème ne se pose pas sur l’exception mais plutôt sur le principe. En restant dans cette logique, nous sommes en droit de nous demander de la valeur juridique des actes posés jusqu’à ce jour  et qui pourraient être frappés de vice d’incompétence ratione temporis, car les auteurs  non plus la qualité d’agir dans le temps.

 

Politiquement et juridiquement, ces conseillers n’ont aucune légitimité vis-à-vis de leurs mandants. Ils avaient été élus par ceux-ci pour une période bien déterminée. La prorogation en la matière constitue une violation du suffrage des électeurs.

 

Cependant, il reste évident que le  gouvernement en acceptant d’organiser des élections municipales partielles  dans certaines collectivités aurait cautionné la partition et reconnaitrai du coup le contrôle des mouvements armés sur celles-ci. Ce qui veut dire que la tenue des élections reste liée à des conditions inclusives et sécurisées pour son organisation.

 

Mais  devant cette grande incertitude à laquelle malin est celui qui peut dire avec exactitude  que dans six mois les bandits armés vont  parapher l’accord  de paix et permettre au gouvernement de procéder au renouvellement des instances des collectivités.  Il était plus  sage politiquement et d’un point de vue droit au gouvernement de procéder à la mise en place des délégations spéciales.

 

Cette attitude du gouvernement, légalisée par l’Assemblée Nationale et observée par la cour constitutionnelle reste une entorse grave à l’Etat de droit qui exige le respect des règles de droit  établies et dont le respect s’impose à tous,  gouvernants comme gouvernés.

 

Le gouvernement  en rejetant le principe de la délégation spéciale, une forme de transition de gouvernance locale,   est sans doute en train de créer un  antécédent  qui pourrait malicieusement être utilisé à d’autres  occasions pour ne pas respecter un calendrier électoral.

 

Le plus perturbant dans cette affaire est le silence assourdissant de la Cour Constitutionnelle qui doit veiller sur la régularité des lois et autres textes régissant la vie de la Nation.

 

 

Mohamed  KANOUTE

                                                                                                          Administrateur Civil

(Article publié dans Info-Citoyen N°09 avril 2015)

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