Chronique satirique : Ladji Bourama, le pilote à vue

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Ibrahim Boubacar Keïta, le 3 mai 2014 au palais de Koulouba. © Emmanuel Daou Bakary/Jeune Afrique

Dépourvu de programme de gouvernement, l’hôte de Koulouba n’a pas beaucoup de chances de conduire son peuple en terre sainte. Surtout par ces temps de grèves et…d’avion.

 

La grève de 48 heures observée par la centrale syndicale UNTM me fait sourire. Non que les dirigeants de la centrale manquent de sérieux, mais parce qu’ils me rappellent des habitants du désert qui rêvent de neige.

 

 

Voyez-vous, le trésor public est vide comme la poche d’un clochard.

 

Depuis que Ladji Bourama a gratté les fonds de caisses pour se payer un Boeing à 20 milliards, bailleurs de fonds et partenaires étrangers ont fermé à triple tour leur robinet. FMI, Banque Mondiale, Union Européenne, toutes ces charitables âmes ont gelé leurs financements, indignées de voir un vieux mendiant comme le Mali prendre un train de vie royal avec l’argent du contribuable occidental. Du coup, ce fut la croix et la bannière pour arriver à payer les salaires de la fonction publique en juillet 2014. En août, rien ne dit qu’ils seront payés ni qu’ils le seront à temps. Au contraire, il y a de sérieuses raisons de penser qu’en lieu et place de billets de banque, les fonctionnaires recevront de la bouillie de mil ou du couscous made in Koulouba. Dans ces conditions, comment une centrale syndicale ose-t-elle décréter une grève pour revendiquer une hausse de salaires ? Yacouba Katilé et les siens veulent-ils obliger Ladji Bourama à vendre son avion aux enchères ? Qu’ils se rassurent: Ladji n’est pas homme à se déplacer à dos d’âne ! Ceux qui en veulent à son avion, et que son ministre de la Communication traite tendrement d’“aigris”, devraient davantage songer à l’image du premier des Maliens. D’ailleurs, sans être membre de la célèbre compagnie des griots de Ladji Bourama, il y a lieu de s’interroger sur l’utilité de ces fonctionnaires qui passent le plus clair du temps à dévorer les programmes du PMU-MALI plutôt qu’à peaufiner les dossiers !

 

 

Le comble, c’est que les grévistes demandent une baisse des tarifs d’eau et d’électricité.

Sans blague ! Croient-ils donc que l’EDM fabrique l’électricité en recueillant de pluie dans des calebasses ? Les compères syndicalistes demandent également la diminution des loyers d’habitation. Seigneur Allah ! Pensent-ils que toutes les maisons de Bamako appartiennent à Ladji Bourama et qu’il suffirait d’un décret de celui-ci pour diviser par trois les loyers ? Ou bien se croient-ils à la belle époque de Thomas Sankara où l’Etat retirait de force aux riches leurs bâtiments pour y loger les pauvres ? Si quelqu’un ne les raisonne pas, nos charmants grévistes vont bientôt exiger le retour du “Vieux Commando” au pays, la libération du général Sanogo, voire le retour de Jésus sur terre !

 

 

 

Cela dit, UNTM ou pas, Ladji Bourama va devoir égrener bien du chapelet pour sortir le pays de la léthargie où il patauge depuis de longs mois.

Une chose est d’ores et déjà certaine : parler en grec ou conjuguer les verbes à l’imparfait du subjonctif ne remplit nullement le panier de la ménagère. Si le grec servait à quelque chose, la Grèce elle-même n’en serait pas réduite, depuis trois ans, à vendre ses marigots et ses monuments pour survivre, n’est-ce pas ? Quant au subjonctif, c’est un temps de moins en moins usité depuis la mort du dramaturge Pierre Corneille, lequel, pauvre comme Job, n’a pas légué un clou rouillé à ses héritiers.

 

 

Ladji Bourama semble chercher la solution dans des changements incessants de premier ministre.

Oumar Tatam Ly hier, Moussa Mara aujourd’hui, Bakary ou Djénéba demain… Cette stratégie du tourbillon n’a aucune chance de prospérer car elle prend la proie pour l’ombre, l’effet pour la cause. La vérité est que Ladji Bourama manque de programme. Celui qu’il nous a présenté pendant la campagne électorale se résume, hélas !, en deux petits mots : l’honneur du Mali et le bonheur des Maliens, inch Allah. Pas de quoi conduire un pays au Paradis, hein ? Dépourvus de programme, ne reposant sur aucune majorité parlementaire et devant leur poste à la souveraine volonté de Ladji Bourama, les premiers ministres, transformés en simples commis de bureau, ont un seul et unique tableau de bord: l’humeur du chef. Comme cette humeur change vingt fois entre la prière de l’aube et celle de midi, leur gouvernement va et vient à la manière d’une girouette météorologique.En français de France, cela s’appelle pilotage à vue. Un exercice fort périlleux qui a déjà valu à notre ancêtre explorateur, Aboubakari II, de sombrer, avec son bâteau de fortune, dans les eaux de l’océan atlantique, au large du Nicaragua. Comme Oumar Tatam Ly a une très nourrissante carrière à préserver à la BCEAO, il s’y est réfugié dare-dare. Moussa Mara, qui préfère faire de la politique (donc faire de vieux os à la primature), s’est spécialisé dans les histoires d’avion sans papiers au point que l’avionneur Boeing songe sérieusement à lui délivrer un brévet. Le prochain Premier Ministre ne fera sans doute pas mieux que Mara: ce dernier a, au moins, l’avantage de ne traîner aucune casserole et, en raison de son jeune âge, de travailler matin et soir.

 

 

Mais il n’est pas interdit de croire que l’économie est le cadet des soucis de Ladji Bourama. En effet, le pèlerin national ne dort plus que d’un oeil depuis la chute de Kidal le 21 mai 2014. Tout juste élu, il avait cru pouvoir faire plaisir à ses 77% d’électeurs en poursuivant en justice le “Vieux Commando” pour avoir employé des “officiers incompétents et au patriotisme douteux”. Grosse surprise : la défaite de Kidal lui a montré que cette race d’officiers est beaucoup plus nombreuse qu’il n’y paraît et qu’à leur exemple, les soldats ne tiennent pas non plus à mourir. Alors, faute d’armée, faut-il envoyer le patriote compétent Ladji Bourama lui-même au front ? L’idée ne manque pas de piquant: avant lui, Soundjata, Soumangourou et Samory menaient leurs troupes au combat, non ? Or, Ladji Bourama a sur ces trois illustres devanciers un avantage de taille : il a pratiqué, dans une autre vie, le karaté, discipline où il détient, à dire de griot, une ceinture noire. Alors, qu’attend-il?

 

Tiékorobani

 

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5 COMMENTAIRES

  1. S Goumbo tu as tout dit,j’aime les écrits satiriques,mais a ce niveau le satire ne signifie pas raconter du n’importe quoi;mais au contraire faire preuve d’esprit critique en décortiquant le mensonge de la vérité.
    Ce que je vois ici ,c’est un auteur qui veut pas se séparer de deux tranches : c’est triste.

  2. Pilote à vue vaut mieux qu’un pilote aveugle qui ne sait même pas là où il va ni savoir ce qui est noir ou blanc.

  3. si le developpement d’un pays se limite a l’achat d’un avion ce que ce pays n’avancera foutez nous la paix chaque achat d’un boeuing on en a marre

  4. Sacre Tiecorobani. Non seulement tu manies bien la langue de Moliere (sans avoir a employe le grec et le subjonctif), mais tu as aussi un bagage culturel substantiel et une dose d’impartialite.

    Bon vent

  5. Quand j’ai commencé à lire l’article qui s’en prenait à l’UNTM en écorchant et les travailleurs et l’UNTM, j’aai tenu à voir l’auteur. Sachant que c”est Tiécorobani, j’ai été un peu surpris, car il ne passe pas pour un des griots nationaux et il a toujours montré un intérêt pour la justice, la démocratie au Mali et une autre gestion pour le Mali. L’UNTM ne dit pas autre chose car avec les dépenses de prestige du gvnmt et de l’AN, il y a de l’argent caché qq part!! Oui, il y en a car comment comprendre que pendant qu’on demande aux travailleurs de s’ajuster, les députés ont multiplié leurs salaires et avantages par 2.5, soit 2.5 Million FCFA par mois. Et même lors de l’arbitrage budgétaire, ils ont touché à tous les budgets sauf à ceux des députés. Cela est vérifiable ds la Loi des Finances! Avec de tels députés où ira le Mali? Avec untel PR où ira le MAli? Leur seule préoccupation reste leur confort personnel et vous voulez que l’UNTM ne demande pas de penser aux pauvres travailleurs?

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