Massacre de Doungoura : Une réalité masquée… qui dérange

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    Du 17 Janvier 2012 et pour plus de trois  ans, suite à l’agression de notre pays par des narco – terroristes et autres  indépendantistes, suivie d’ un coup d’Etat d’une absurdité aussi crasse que moribonde, les populations maliennes auront connu des  souffrances indescriptibles, inoubliables, quasiment  inexcusables : des   amputations de membres pour des peccadilles, des viols collectifs, des vols en plein soleil, des  mariages  forcés, l’humiliation de vénérables personnalités, l’assujettissement à  des pratiques religieuses rébarbatives, la destruction par arrogance de majestueux fleurons de notre patrimoine culturel …

    Ces vilenies ont été infligées à tous les Maliens, ont affecté tous les Maliens : les Maliens  du Nord et ceux du Sud, les Maliens de l’Est et ceux de l’Ouest, les Maliens établis à  l’extérieur, les Maliens de toutes conditions, de toutes confessions, de toutes obédiences…

    La résistance héroïque de notre peuple à travers  ses différents compartiments face aux envahisseurs et la solidarité  historique de la communauté internationale ont cependant  permis le retour effectif  de notre pays  à une vie constitutionnelle normale sanctionnée  par des élections présidentielles et législatives estimées de bonne facture, puis la signature de l’Accord pour la paix et réconciliation au Mali issu du Processus d’Alger.

    A présent, notre pays s’achemine, inexorablement, gaillardement et malgré quelques vents  encore contraires et des sirènes aux chants morbides, vers la réunification totale de son territoire national, la reconstruction de la paix et la réconciliation de tous ses fils afin de pouvoir faire face à  l’ultime combat qui vaille ; celui de  son développement socio – économique et culturel.

    Nous devons cependant nous convaincre, chacun, tous et ensemble, que le chemin  pour accéder au Graal de nos rêves, à présent en ligne de mire, est  escarpé, sinueux.

    Et pour autant, nous devons y parvenir : pour l’honneur de nos Glorieux Aînés d’hier, pour la permanence de la grandeur que nous avons mission de conférer aujourd’hui aux couleurs Vert – Or –  Rouge de notre fanion  et par devoir à l’endroit des générations futures à qui nous avons comptes propres  à rendre.

    Et pour mériter du passé et du futur, il nous faudrait  résolument nous engager à réajuster nos comportements asymétriques, à déraciner nos  postures déficientes, à nous débarrasser d’une  panoplie d’écarts ubuesques, mais aussi et surtout à mettre en corrélation, au quotidien, nos paroles et nos actes, nos engagements et nos agissements.

    Oui ! Les auteurs de la crise sécuritaire à partir du septentrion de notre pays  ont poignardé  notre fière Nation au cœur.

    Ils ont  cultivé et semé la haine entre des peuples qui n’ont  que célébré des fraternités imbibées d’altruisme. Ils ont porté le deuil dans des tentes et des huttes, sur des dunes et au bord de mares  où s’entrelaçaient les faisceaux  d’un arc- en- ciel humain fécondant. Ils ont aussi, hélas,  ciselé les  fils vivifiants  des tentures du puzzle ethnoculturel réputé  fédérateur.

    Malgré tout, il n’est cependant de choix pour les Maliens que le Mali : le Mali un et multiple, le Mali unique et divers.

    Nous  parviendrons au Graal de nos rêves par  la compréhension mutuelle et le pardon. Compréhension et pardon qui ne peuvent prospérer sans identification des préjudices, sans  reconnaissance et réparation des torts et sans dispositif institutionnel pérenne garantissant la non répétition des faits.

    Oui ! Les victimes du massacre jusque – là officiellement « ignoré » de Doungoura et leurs ayants – droit attendent reconnaissance et réparation des abominables préjudices perpétrés contre eux  pour le pardon au nom de leur Mali, eux aussi, qu’ils veulent Eternel.

     

    Silence d’Etat sur un carnage !

    A propos de ce massacre, il convient de rappeler que dans l’après – midi du lundi 18 Mars 2013, des forains, sur l’axe Dioura-Léré, ont été interceptés dans la plaine dite de Ngagna par des bandits armés enturbannés, à bord de deux véhicules.

    Ils furent dépouillés  de tous  leurs biens, puis, attachés, les yeux bandés, transportés au lieu-dit Neenga, à une dizaine de kilomètres du village de Doungoura (commune rurale de Toguéré Coumbé, cercle de Ténenkou).

    En ce lieu, dans la pénombre et dans  une furie indescriptible, les Cerbères des temps modernes  abattent au feu une vingtaine d’entre eux qu’ils  trainent  dans les profondeurs d’un  vieux puits.

    Et depuis, aucune poursuite n’a été engagée contre les auteurs du crime, alors qu’ils ont été formellement identifiés par des rescapés. Et depuis, hélas, les  dépositions des témoins sont restées sans suite.

    Pis, aucune autorité administrative et politique majeure  ne s’est présentée sur les lieux : pour constater les faits, pour témoigner les regrets de la Nation aux populations terrifiées, pour consoler les familles  éplorées, les veuves en peine et  les orphelins encore en  sanglots.

    Les multiples démarches entreprises par les parents des victimes, par des responsables d’organisations  de la société civile comme Tabital Pulaaku (Association des Amis de la Culture Peule) et Jikke suudu – baaba (Espoir de la patrie) auprès des autorités régionales et nationales n’y ont rien fait.

    Sur ce dossier, la presse (nationale et internationale) pourtant largement informée et à temps est  restée  sourde  et aphone, les organismes et associations de défense des  droits de l’Homme saisis observent  un silence lugubre, ténébreux, éloquent.

    C’est le lieu de saluer la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation du Mali (MINUSMA) qui, à travers son département chargé des droits humains,  s’est rendue à Doungoura du 2 au 4 Avril  2014,  pour observer  les  faits et échanger avec les populations.

    Le silence d’Etat sur le massacre de Doungoura est,  au bas mot,  inexplicable et difficilement justifiable.

    Il a engendré un sentiment de frustration et de révolte intérieure devant  la hiérarchisation des attitudes face au malheur entre les fils d’un même pays qu’il sied d’endiguer.

    Il a suscité des questionnements et des interrogations  aux réponses redoutables.

    Un silence qui apparait comme un quitus royalement octroyé aux malfaiteurs qui ont commis les forfaitures plus tard à quelques encablures de Doungoura.

    Oui ! il n’était plus étonnant que Boubou Tiéllo TAMBOURA, accusé d’excès de loyauté  soit froidement abattu dans sa concession, devant femmes et enfants  à Saré – Kouyé (commune rurale de Toguéré Coumbé) le 4 Mars 2015,  que le chef du poste forestier de Diafarabé,  parce que symbolisant la République, soit criblé de balles  sur son lieu de travail le 6 Avril 2015 , que le fier chef du village de Dogo (cercle de Youwarou), Amadou Issa Mody DICKO  soit assommé, dans son village, pour refus de se soumette au diktat d’ennemis de la paix  le 22 Avril 2015.

    Nous estimons qu’il  est de notre commun devoir, et davantage celui de l’Etat républicain, d’engager des actions devant atténuer les  frustrations  et désamorcer la révolte intérieure en vue de parvenir à la réconciliation entre les populations et l’Etat, entre les parties prenantes en dissonance.

    C’est donc au nom de la paix et de la réconciliation, au nom de la justice et de l’égalité entre tous les citoyens du même pays  que le Collectif Justice pour les Victimes de Doungoura (COJVD) invite l’Etat malien, la communauté internationale ainsi que les organismes de défense des droits de l’homme à s’intéresser enfin au massacre de Doungoura, notamment dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et réconciliation au Mali issu du Processus d’Alger.

    Il est temps que les nobles âmes de Goury Kola de Niafunké qui réjoignait son domicile pour le baptème de son enfant, de Demba Almamy de Dougoura, fils unique de son vieux père, de Sogoya  Demba de Gathy ( cercle de Youwarou)   dont l’épouse attendait un enfant, entre autres, cessent d’errer en pauvres hères.

    Il est vraiment temps de permettre aux  épouses meurtries d’entamer dans  la dignité leur deuil.

    Il est tout aussi  temps d’œuvrer à convaincre les vivants que mourir pour la grandeur  du Mali est un sort plutôt enviable.

     

                                                                     Bamako, le 7 Août 2015

                                                                                                                                                                                        Dr. Témoré Tioulenta

                                                                    Président du COJVD                             

                                                                                                                                                       

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