Fédération du Mali : La formation du gouvernement fédéral

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Conformément au programme adopté en commun,  le Sénégal procède  à des élections huit jours après le Soudan. Le revirement des leaders sénégalais, qui ont abandonné le mot d’ordre d’indépendance immédiate du Congrès de Cotonou,  provoque une scission au sein du parti (l’Union soudanaise RDA). Le PRS-Sénégal (une branche dissidente de l’UPS) présente des listes dans de nombreuses circonscriptions.

Par contre, le PAI (Parti africain de l’indépendance), dont l’implantation est faible à l’intérieur du pays, dispose d’un noyau de militants résolus à Dakar et dans certaines agglomérations. Certains chefs religieux, dont l’influence est importante au Sénégal, s’agitent. Il est de même de la turbulente Casamance, région Sud du Sénégal enserrée entre la Gambie et la Guinée portugaise. Cependant, malgré cette conjonction d’opposants, d’ailleurs disparate et contradictoire, l’UPS l’emporte largement et enlève tous les sièges à l’Assemblée législative. Dès lors, les événements se précipitent.

Les Assemblées législatives du Soudan et du Sénégal désignent chacune vingt représentants  qui seront membres de l’Assemblée fédérale, mais qui ne seront pas nécessairement membres des Assemblées législatives. Les députés fédéraux du Soudan sont : Modibo Keïta, Makane Macoumba Diabaté, Mamadou Doucouré, Dramane Coulibaly, Idrissa Diarra, Sounkalo Coulibaly, Alioune Sissoko, Mamadou Diarrah, Baréma Bocoum, Mahamane Alassane Haïdara, Ibrahima Sangho, Alhousseini Touré, Mamary Samaké, Mohamed El Mehdi, Ibrahima Sall, Ténéman Traoré,  Tidiani Faganda Traoré, Ya Doumbia, Amadou Thiam et  Tiécoura Konaté.

Dès la première réunion de l’Assemblée fédérale, Léopold Sedar Senghor en est élu Président. En réalité, il y avait eu une entente préalable : Senghor serait Président de l’Assemblée, et Modibo Keïta serait le Chef du gouvernement fédéral. Mais la formation de ce gouvernement donne lieu à une situation imprévue, du moins au sein de l’Union soudanaise (US). Une situation peu importante en apparence, mais  qui traduisait déjà (ce qu’on ne comprit en général que plus tard) les différences de conception entre les deux partenaires et le signe d’une  suspicion.

En effet, il était prévu que le gouvernement fédéral comprendrait six membres : trois Sénégalais et trois Soudanais dont Modibo Keïta qui serait Chef du gouvernement. Le choix des ministres fédéraux était laissé à l’appréciation de chacun des Etats. Le Soudan désigna Ousmane Bah et Mamadou Aw,  tous deux connaissant bien le Sénégal où ils avaient travaillé, l’un comme Médecin, l’autre comme Ingénieur. Or au début de la réunion (à Dakar) destinée à officialiser le gouvernement fédéral, la délégation sénégalaise propose une modification : il s’agissait de créer un poste de Vice-président qui serait confié à Mamadou Dia, le Président du gouvernement sénégalais. En contrepartie, le Soudan aurait un Ministre de plus : celui de l’Information et de la Sécurité.

Prise officiellement au dépourvu (encore que l’intention sénégalaise ait déjà filtré officieusement), mais séduite par un Ministère qui risquait de s’avérer important, la délégation soudanaise accepte la proposition. Reste à trouvait l’homme. Or à Dakar, autour de  Modibo Keïta ne se trouve pas la majorité des responsables du Bureau politique (de l’US) que (du moins jusqu’en 1963-1964) le Secrétaire général consultait avant de prendre une décision importante ou de fixer un choix individuel.

Un choix qui ne fait pas l’unanimité

C’est ainsi que dans l’éventail des possibilités existantes, Tidiani Faganda Traoré fut choisi, presque à l’improviste. Il présentait des avantages certains. Depuis longtemps habitué aux honneurs, incontestablement représentatif, doté d’une forte personnalité, il avait été grand Conseiller, ce qui l’avait fait connaître au Sénégal. En plus, il  connaissait bien les milieux politiques sénégalais dont la finesse et l’habileté étaient bien connues. Toutes ces raisons, et sa « présence » sur place à Dakar, emportèrent le choix de Modibo Keïta.

Au Soudan, les responsables, placés devant le fait accompli, n’apprécièrent guère le choix. Mais si l’on eut sans doute élevé des objections devant  Modibo Keïta, il n’était pas question d’en faire un problème. Et l’on accepta somme toute assez aisément cette désignation inopinée.  Quant aux arguments sénégalais, ils étaient parfaitement acceptables. Puisque le Chef du gouvernement fédéral était en même temps Chef du gouvernement  soudanais, il valait mieux, pour ne pas froisser l’amour-propre sénégalais, placer le propre Chef            du gouvernement sénégalais comme Vice-président.

Par ailleurs, de cette manière, la coordination entre le gouvernement fédéral et le gouvernement sénégalais en serait facilitée, et les pertes de temps ou les malentendus évités. Cependant, il est probable que derrière ces arguments, dont le second était irréprochable, se profilait déjà une certaine méfiance du côté sénégalais, et le souci de contrebalancer l’influence du Président du gouvernement Modibo Keïta.

Qui est Ousmane Bah ?

Ousmane Bah est né à Ségou en 1919. Ancien élève de l’Ecole normale William Ponty, il entre à l’Ecole de Médecine de Dakar. Médecin à Dakar, il est, dès la naissance du RDA, l’un des premiers militants et responsables de l’UDS. Muté en Haute Volta (actuel Burkina Faso), il devient Ministre de la Fonction publique lors de la constitution du premier gouvernement voltaïque à base RDA dirigé par Ouezzin Coulibaly. A la suite de l’épisode déjà évoqué, il retourne au Mali où il est aussitôt nommé Ministre délégué à la Présidence du gouvernement de la République soudanaise du 31 décembre 1958 au 15 avril 1959/

Nommé Ministre du Travail, de  la Fonction publique et de la Sécurité sociale du gouvernement de la Fédération du Mali, il demeure à ce poste jusqu’à l’éclatement de la Fédération.  Il devient ensuite Ministre de la Fonction publique et des Lois sociales de la République du Mali, puis Ministre de l’Intérieur, de l’Information  et du Tourisme en 1962, enfin Ministre des Affaires étrangères en 1966, poste où il demeurera jusqu’au coup d’Etat de Novembre 1968.

En 1962, lors du sixième Congrès, il avait été élu au Bureau politique de l’US comme Secrétaire à la Presse. Séduisant, courtois, brillant, très bon orateur, parfois violent, il est connu de toue l’Afrique occidentale politisée pour ses activités politiques et syndicales. A partir de 1965, il joue un rôle discret, mais réel, dans l’évolution du  régime vers la gauche. Coopté par le CNDR (Comité national de défense de la révolution, sous Modibo Keïta) lors de la dissolution du Bureau politique, il réussit  à éviter l’arrestation lors du coup d’État. Mais craignant de porter préjudice à ses hôtes, il se livre aux autorités quelques jours plus tard. Ousmane Bah fut emprisonné de 1968 à 1975, date à laquelle il s’exile à Paris.

 Oumar Diawara  « Le VIATOR »

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1 commentaire

  1. bonne chance pour les aigles du mali

    si on regarde le football du mali les dirigeant n,on pas sérieux. 😛 😛 😀 🙁 ❗ :mrgreen: 😆

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