Abdoulah Coulibaly, président de la Fondation Forum de Bamako : ‘’Obnubilés par l’argent facile, de mafieuses cohortes de spéculateurs fonciers s’adonnent aux morcellements et constructions anarchiques’’

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« L’Afrique face aux défis de l’urbanisation : faire de la ville un levier de prospérité collective et d’harmonie sociale », tel est le thème de la 17ème édition du Forum de Bamako qui a ouvert ses portes hier jeudi 23 février 2017 et dont les travaux prendront fin demain samedi. Durant ces trois jours, plusieurs sous thèmes seront traités par ces orfèvres du développement. Parmi les thématiques, il y a « comment construire la ville africaine du XXIème siècle », le « financement du développement urbain en Afrique », la  « lutte contre le terrorisme : menace multidimensionnelle en Afrique ».  La cérémonie d’ouverture qui a eu lieu à l’hôtel Radisson Blu de Bamako, était présidée par le Premier ministre, Modibo Keïta, en présence du président de la Fondation Forum de Bamako, Abdoulah Coulibaly ; de l’ambassadeur de France au Mali, Evelyne Decorps ; de l’ambassadeur de l’Union Européenne au Mali, Alain Holleville ; de Mahamat Saleh Annadif de la Minusma ; de l’invité d’honneur du forum, l’Algérien, Ali Haddad et de nombreuses autres personnalités.

Au cours de la cérémonie d’ouverture, Abdoulah Coulibaly a vigoureusement dénoncé la spéculation foncière au Mali. « Obnubilés par l’argent facile et le pouvoir corrompu, de mafieuses cohortes de spéculateurs fonciers s’adonnent à cœur- joie aux morcèlements et constructions anarchiques », a-t-il dit.

Dans ses mots de bienvenue, le président de la Fondation Forum de Bamako a fait savoir que le Forum de Bamako est un espace de réflexion, de partage d’expériences et de points de vue sur les grands sujets de l’heure qui touchent le continent africain. «Est-il besoin de démontrer la pertinence et la grande actualité de ce thème quand on sait que la ville attire les ruraux, telle la lumière, les insectes ? La ville est un symbole et un mythe. Elle suscite tous les espoirs et éveille mille illusions. Aux yeux de l’homme rural, elle est le pôle d’attraction qui regorge d’infrastructures sanitaires, scolaires et universitaires », a-t-il souligné.

Selon lui, la question de l’urbanisation interpelle tout le monde. A l’en croire, la croissance urbaine n’a pas seulement changé Bamako, mais elle l’a aussi défigurée par endroits. Pour Abdoulah Coulibaly, l’accaparement de l’espace a fini de détruire ce que la nature avait mis des siècles à construire. « Ni les champs des pauvres paysans, ni les cimetières, ni les cours d’eau, ni les espaces verts, poches d’oxygénation indispensables à tous, n’échappent au déferlement de la ville. Par endroits, tout au long des berges du fleuve Niger, il y a un Bamako méconnaissable. Une ville perdue au milieu d’immondices, de charognes, d’eaux usées et de déchets de tous genres sur lesquels ne règnent que des colonies de mouches et de moustiques qui, de temps à autre, sont perturbés par des trieuses d’ordures. Tout a fui. Même les vautours et les charognards qui, il y a quelques décennies faisaient office de voirie naturelle. Obnubilés par l’argent facile et le pouvoir corrompu, de mafieuses cohortes de spéculateurs fonciers s’adonnent à cœur-joie, aux morcèlements et constructions anarchiques. Les quartiers spontanés et les bidons-villes prolifèrent. Le cercle vicieux de la paupérisation s’accentue. L’étau de l’injustice tenaille les pauvres ; approfondit les lignes de rupture entre gouvernants et gouvernés ; fraie le lit à la révolte, à l’incivisme et à l’insécurité », a martelé le président de la Fondation Forum de Bamako.

A ces problématiques, dit-il, s’ajoutent ceux de l’insuffisance des fonds alloués au développement urbain ; de l’insuffisance d’infrastructures de mobilité et de divertissement; de l’insuffisance des services urbains de base. Par ailleurs, Abdoulah Coulibaly a fait savoir qu’au Mali, le taux de divorce est 7 fois plus élevé dans les villes que dans les campagnes.

La population urbaine en Afrique va tripler au cours des 50 prochaines années
Pour sa part, le chef de la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali), Mahamat Salh Annadif a souhaité une maitrise parfaite de la croissance urbaine. Et pour cela, l’accompagnement des Nations Unies ne fera pas défaut, a-t-il promis.

Selon l’Ambassadeur de France au Mali, Evelyne Decorps, après le sommet Afrique France tenu les 13 et 14 janvier dernier, Bamako se trouve à nouveau au centre de l’Afrique et du monde. A l’en croire, la population mondiale s’élève à 7, 3 milliards d’habitants et parmi elles, 4 milliards de personnes vivent dans la ville.

Quand à l’Ambassadeur de l’Union Européenne au Mali, Alain Holleville, il fit savoir que de nouvelles stratégies pour les villes sont devenues indispensables pour faire en sorte que des politiques de développement (comme la lutte contre la pauvreté, pour l’éducation, l’égalité des sexes, la santé publique ou la croissance économique) puissent avoir un impact durable au bénéfice de la population, qui est et sera de plus en plus, majoritairement urbaine. « Le forum de Bamako constitue un espace exceptionnel où se développe l’échange des idées entres voix maliennes, africaines et contributions internationales, et ce, dans une totale interaction. C’est à travers de tels débats, à la fois ouverts et structurés, qu’une vision commune pourra émerger. Je suis persuadé que ces trois jours de discussions, d’échanges, permettront d’atteindre l’objectif de ce Forum: identifier les pistes d’actions à suggérer aux décideurs, afin de maîtriser l’urbanisation des pays africains, d’améliorer la gestion et le fonctionnement des villes, d’accroître leur contribution à la richesse nationale et de renforcer les liens sociaux et culturels entre les citadins », a-t-il dit.

Quant à l‘invité d’honneur, Ali HADDAD, président du Forum des chefs d’entreprise de l’Algérie, la thématique du forum de Bamako est d’actualité, car, plus de la moitié de la population mondiale vit dans les villes. Et l’invité de poursuivre en déclarant que dans les 20 prochaines années, un doublement de la population de la ville est attendu. « L’urbanisation est une croissance économique, une richesse, nos villes ne doivent pas être des citées dortoirs. Le secteur privé a un rôle à jouer dans l’urbanisation. Nos pays doivent lutter contre les inégalités, le chômage… », a-t-il déclaré.

Selon le Premier ministre, Modibo Keïta, on doit faire de nos villes, le pôle de développement. Il urge donc, selon lui, de créer les conditions de développement dans les villages à travers l’énergie. « Soyons modernes pour que les villes et les villages se rapprochent », a conclu le PM.
Aguibou Sogodogo

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