Annulation du titre foncier de Mme Touré Lala Badji Haïdara : Alain Achcar serait-il au-dessus de la loi ?

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Tout simplement écœurant. Ecœurant de se rendre compte que dans notre pays, c’est le foncier qui, au lieu d’être une source de vitalité et de cohésion, constitue un outil de déchirement du tissu social, allant même jusqu’à provoquer mort d’hommes. Pour preuve, selon le Rapport du Médiateur de la République, sur les 175 dossiers traités en 2013, près d’un sur trois concernent des litiges fonciers. Il y a le problème des terrains vendus plusieurs fois et dont plusieurs personnes revendiquent donc la propriété. Et il y a bien sûr tous les cas d’accaparement pur et simple des terres, à l’instar de ce qui se passe actuellement à Badalabougou-Est et qui oppose le puissant opérateur économique Alain Achcar à Mme Touré Lala Badji Haïdara, une malienne résidente à Dakar au Sénégal. Les faits.

 

Le litige qui oppose Mme Touré Lala Badji Haïdara à Alain Achcar, a débuté en 2004. Cette année, Mme Touré Lalla Badji Haïdara est officiellement propriétaire d’une parcelle sous le titre foncier N° 15710, inséré au livre foncier du District de Bamako, sous vol 80 folio 79 délivré par le chef de bureau des domaines et du cadastre de Bamako le 6 avril 2004. Elle a aurait acheté ladite parcelle aux mains d’un certain Djimbéré Keïta. Ce dernier a d’abord vu la parcelle lui être attribuée en 1996 par les autorités compétentes. Ce qui laisse voir qu’en matière de propriété, Lalla Badji qui acheté ladite parcelle avec Djimbéré Keïta, a des bases bien solides pour s’appuyer et faire de sa parcelle, l’usage qui lui conviendrait.

En face, Alain Achcar, un puissant opérateur économique qui bénéficie largement du soutien de l’Association des natifs de Bamako (Anaba). Cette Association dont le but serait de préserver l’environnement, est connue pour avoir, dans le passé, défendu des droits humains et naturels dans la circonscription de Bamako et environs. Fort de ce soutien, M. Achcar serait sur tous les fronts pour non seulement déposséder Mme de sa parcelle, mais aussi pour faire annuler tous les titres fonciers ayant servi à l’enregistrement de la zone vers le Sud. La raison est simple : M. Achcar ne voudrait voir ni maison, ni autre type de construction entre la sienne et le fleuve.

Selon Mme Touré, M. Achcar dont le domicile fait face à sa propriété refuse toute construction entre lui et le fleuve. «J’ai été étonné de voir qu’il refuse que je construise ma maison sur ma propre parcelle que j’ai achetée en bonne et due forme et acceptée par toutes les autorités administratives. Son motif est que ma parcelle se trouve dans le lit du fleuve», a dit M. Touré.

 

Mais, le hic dans cette affaire est que Mme Touré a reçu l’autorisation de construire n°39202/MCV du 20 septembre 2010 en bonne et due forme et tous ses documents ont été boudés par M. Achcar qui est plus que jamais décidé à empêcher toutes construction entre sa maison et le fleuve.

 

N’ayant pu obtenir gain de cause, M. Achcar s’est attaqué à l’autorisation de construire de Mme Touré Lala Badji Haidara devant le Tribunal administratif de Bamako à travers un recours en annulation. D’où le jugement n°61 du 10 février 2011 et l’arrêt n°250 du 22 aout 2013 de la Section administrative de la Cour suprême.

 

Rejeté sur toute la ligne dans ses prétentions, M. Alain Achcar s’est rabattu sur le Tribunal de première instance de la Commune V du District de Bamako pour annuler l’acte de cession initiale n°96-424/MFC-DNI du 29 mai 1996 du Directeur national des domaines et du cadastre, à en croire Mme Touré. Selon elle, le Tribunal administratif de Bamako, dans son jugement N°61 du 10 février 2011, a jugé illégal son permis de construire qui lui a été octroyé par la Mairie, arguant le même motif qu’Achcar. Et pis, la Section administrative de la Cour suprême du Mali, en son audience publique ordinaire du 22 aout 2013, a annulé le titre foncier de Mme Touré.

 

Dès lors, elle a rencontré plusieurs hautes autorités de la  justice de notre pays, mais sans suite. Il y a, entre autres, le ministre de la Justice, des Droits de l’Homme, et Garde des sceaux, Me Mohamed Ali Bathily et le président de la Cour suprême de Bamako.

 

Aujourd’hui, en partenariat avec l’Association Cellule des sans voix, cette Dame entend entreprendre d’autres démarches auprès des autorités coutumières et religieuses afin d’obtenir gain de cause. Mme Touré, à la différence de M. Achcar, serait en bonne posture, car elle détiendrait une décision à titre exceptionnel, prise par les autorités, il y a quelques années. Sa décision justifiant son droit à pouvoir construire sur la parcelle, peut être envoyée non seulement à la Cour Suprême, mais aussi à la Cour de Justice de la Cédéao. «Notre justice se trouve une fois de plus à la merci d’un individu, Alain Achcar. En lieu et place d’une justice sociale, comme l’aspire par le peuple malien, c’est plutôt celle au gré d’Achcar. S’il le faut, ce combat continuera jusque devant la Cour d’arbitrage de la Cédéao», clame-t-elle.

Bruno LOMA

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