Commission spéciale d’enquête sur les crimes d’Aguelhoc : Les attentes déçues

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Chargée d’enquêter sur les atrocités commises dans la localité d’Aguelhoc, la Commission spéciale mise en place par le président Amadou Toumani Touré, n’a produit qu’une piètre littérature. Doit-on douter de la compétence de ses membres ?

Cdt Diamouténé, président de la comission d'enquête

La Commission avait pour mission d’enquêter sur le terrain sur les circonstances de l’assassinat de plusieurs dizaines de soldats maliens survenu le 18 et 24 janvier dernier dans la garnison d’Aguelhoc. Elle devrait recueillir les preuves physiques et les témoignages vivants sur les crimes. Dans un rapport bien détaillé, la Commission devait ensuite informer l’opinion nationale et internationale sur le caractère crapuleux de la barbarie perpétrée par les assaillants qui devraient être identifiés non pas par la taille de leur barbe, mais plutôt par leurs origines. En tout cas, voila ce que le président de la République attendait de la Commission dite spéciale et présidée par un inspecteur général de police, Alioune Badara Diamouténé.
En les recevant au palais de Koulouba, ATT ne se doutait pas un seul instant qu’il allait plutôt recevoir de la littérature plutôt qu’un rapport détaillé digne d’un  groupe d’officiers chevronnés. Notre déception en tant que journalistes fut plus douloureuse que tous ceux qui espéraient enfin connaître la vérité, toute la vérité sur cette ténébreuse affaire.
En tout et pour tout, nous n’avons eu droit qu’à une déclaration aussi piètre que vide.
Pourtant,  la Commission spéciale d’enquête présidée par l’inspecteur général de police Alioune Badara Diamouténé et composée d’officiers supérieurs des forces armées et de sécurité s’est belle et bien rendue sur le terrain pour, dit-on, mener les investigations nécessaires à la manifestation de la vérité sur les cas d’atteinte à la vie, à l’intégrité physique des personnes et de leurs biens.
Dans ladite déclaration, nulle part, il n’est mentionné le nombre de personnes tuées et de rescapés.
Dans un rapport d’enquête, on devrait pouvoir dire quand (c’est-à-dire l’heure) et comment les assaillants ont opéré. Là-dessus, nos enquêteurs restent superbement muets.
Selon le document, la Commission aurait recueilli des preuves et des témoignages des rescapés militaires et civils soutenus par des images qui attestent que des combattants de l’armée malienne désarmés ont bien été arrêtés, ligotés, les mains au dos, avant d’être froidement abattus.
Questions : comment se fait il qu’en temps d’intense guerre sur la zone que presque tous les soldats d’une garnison soient désarmés ?
Qui a pu pendant l’opération faire les images auxquelles le rapport fait allusion ? Comment les rescapés militaires ont-ils pu échapper ?
«Des élèves et enseignants de l’Institut de formation des Maîtres (IFM) ont été utilisés comme boucliers humains, par les assaillants en difficulté lors de l’attaque du 18 janvier 2012 » écrivent les enquêteurs. Comment les assaillants peuvent-ils être en difficulté alors qu’ils avaient à faire avec des combattants désarmés comme c’est dit dans le même document ?
«L’habillement de la plupart de ces combattants barbus, le mode d’exécution de militaires désarmés, attestent la participation d’AQMI aux combats aux côtés du Mouvement National de Libération de l’Azawad lors des attaques des 18, 20 et 24 janvier 2012 contre le camp militaire, l’Institut de Formation des Maîtres et la ville d’Aguelhoc ».
Très clairement, les auteurs du rapport mettent l’accent sur la barbe des présumés coupable du crime. Veut-on nous faire croire que tous les barbus pourraient appartenir à AQMI ? Si tel est le cas, il y a un malentendu gravissime dont on pourrait faire économie.
En invitant la presse à cette rencontre, la Commission devrait prendre des dispositions pour rendre public le résultat de leur travail. Nous avons pu comprendre que l’Etat n’ait pas encore jeté de l’argent par la fenêtre. Nous savons d’expérience que ces types de commissions sont extrêmement budgétivores. Combien a-t-elle englouti pour un si piètre résultat ? Nous attendons la réponse !
Abdoulaye Niangaly

Massacre des soldats de l’armée malienne à Aguelhoc
La Commission d’enquête restitue les faits

Avant-hier mardi, le président de la République a reçu au palais présidentiel de Koulouba les sept membres de la Commission spéciale d’enquête sur le massacre d’Aguelhoc. A l’issue de cette rencontre avec le chef de l’Etat, une déclaration a été lue.

Du 18 au 24 janvier dernier, des combats terribles avaient opposé les troupes du Mouvement  national de libération de l’Azawad (MNLA) mélangées, selon les sources officielles,  à celles d’Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), dans la ville d’Aguelhoc. Plus d’une centaine de militaires de l’Armée malienne ont été faits prisonniers, puis exécutés de manière horrible. Un véritable carnage dont l’Etat cherche désespérément les vrais auteurs. L’Etat malien indexe le MNLA et AQMI. Mais les deux accusés se rejetaient la responsabilité entre eux. Le MNLA prétextant que l’exécution sommaire ne fait pas partie de son mode opératoire.  Qui fallait-il alors croire ?
L’Etat malien était vraiment embêté par cette affaire car pendant que se déroulait ce jeu de ping-pong sur la responsabilité du massacre, ceux qui attisent le  conflit mettaient les images de ces actes barbares sur internet, pour mettre en grogne l’opinion nationale et internationale. Si ATT n’avait pas fait preuve de sagesse et de retenue, en appelant le peuple au sens du discernement, le pays allait être à feu et à sang car il y a eu quelques incidents regrettables, notamment des chasses aux peaux claires dont beaucoup, arabes comme touaregs, étaient obligés de fuir pour sortir du territoire.
Quand les condamnations à l’échelle internationale se multiplient, les assaillants tentent, alors, de rendre l’Etat malien responsable du massacre d’Aguelhoc. Ce dernier, confus, honteux, ne sachant plus sur quel pied danser, blessé dans son amour-propre, met en place une Commission spéciale d’enquête. Ladite Commission est présidée par l’inspecteur général de police Alioune Badra Diamoutèné et comprend six autres membres : colonel major Eloi Togo de l’Etat Major Général des Armées (EMGA); Colonel Békaye Samaké de la Direction de la sécurité militaire (DSM) ; colonel Lassine Doumbia de la Présidence de la République ; colonel Satigui dit Moro Sidibé de la Direction de la justice militaire (DJM) ; lieutenant-colonel Ibrahima Maïga de l’Inspection générale des armées et services (IGAS) et major Mahamadou Diarra de la Direction générale de la gendarmerie nationale (DGN). Ils ont mené une enquête de dix jours sur le terrain pour reconstituer le film des atrocités. C’est mardi après-midi que cette Commission est allée rendre compte au chef suprême des armées, Amadou Toumani Touré.
La déclaration lue à la sortie de l’audience stipule que des preuves ont été collectées grâce à des témoignages de rescapés militaires et civils. Lesquels témoignages attestent que l’Armée malienne a bel et bien été désarmée par ses ennemis. Les prisonniers ont ensuite vu leurs mains attachées part derrière avant d’être abattus froidement. Des atrocités qui rappellent les périodes noires de la percée du nazisme et qui appellent donc des ripostes à hauteur de la gravité des actes commis pour mettre désormais les auteurs et leurs complices hors d’état de nuire.
On peut ainsi comprendre, à travers les lignes de cette déclaration, que l’Etat malien veut se défaire de l’anathème jeté sur lui par les familles des victimes en tentant de faire croire que le MNLA, seul,  n’a pas pu mener la sanglante bataille d’Aguelhoc. Ce qu’il fallait démontrer : le MNLA était épaulé par AQMI. C’est tout ce qui est  sorti de l’enquête dite spéciale qui n’a rien appris aux gens en termes d’atrocités et de déroulement des opérations. Peut-être que pour des raisons d’Etat et de sécurité, des aspects ont été soigneusement gardés secrets. Mais dans tous les cas, cela ne change rien à l’option militaire radicale nécessaire pour en finir avec ces bandes du crime organisé qui se font pompeusement passer pour des combattants d’une cause indépendantiste plus que chimérique.
 Rokia Diabaté

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2 COMMENTAIRES

  1. Ah nos journaleux!puisque Monsieur Niangaly met en doute ce que la mission a pu leur livrer, lui en tant que journaliste qui l’empêche de faire une enquète contradictoire. D’autres journalistes le font. Niangaly , est -il MNLA aussi?

  2. Ça doit pas être facile de faire des enquêtes dans des conditions pareilles. Au pire la communauté internationale pourra faire d’autres enquêtes au moment opportun. Les preuves des attrocités commises par les bandits armés ne doivent pas être difficiles à déterminer. Comme le MNLA coopère avec l’AQMI ils se veront classifiés bientôt comme organisation terroriste. Le MNLA joue avec le feu.

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