Crise au Mali: “la France est condamnée à marcher sur des oeufs”

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Eric Denécé est directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R) et coauteur d’un rapport sur l'”avenir incertain” de la Libye et de son environnement, publié en mai 2011. Pour L’Express, il analyse les enjeux de la crise malienne.

Dans le nord du Mali, l'issue de la rivalité entre les hommes du MNLA et les djihadistes demeure incertaine. AFP/MNLA

Comment peut évoluer, dans la moitié nord du Mali, le rapport de forces entre les Touareg du Mouvement national de libération de l’Azawad [MNLA] et les factions djihadistes?

Le paysage demeure à ce stade assez confus, notamment parce que l’on manque de données fiables quant aux effectifs respectifs. Sur le papier, les Touareg sont beaucoup plus nombreux, mais beaucoup moins armés. Grosso modo, le groupe islamiste Ansar ed-Dine disposerait de plusieurs centaines d’hommes -moins d’un millier, à coup sûr- et Aqmi, de 300 à 500 combattants.

Autre incertitude quant aux volontaires rentrés de Libye: combien ont rallié le MNLA, et combien, la mouvance djihadiste ? Même question pour la répartition des armements, des stocks de munitions et des véhicules. S’agissant de l’issue de ce bras de fer, mieux vaut se montrer circonspect. Pour autant, le phénomène le plus frappant reste la montée en puissance rapide d’Ansar ed-Dine; alors même que tous les légionnaires de Kadhafi n’étaient pas -loin de là- de sensibilité islamiste. Nombre d’entre eux sont devenus citoyens de la Jamahiriya et certains ont combattu dès 1996 les maquisards du Groupe islamique combattant libyen [GICL].

La reconquête par Bamako des territoires “libérés” du Nord est-elle envisageable ? Si oui, à quel prix?

Pour Eric Dénécé, les islamistes d'Aqmi et d'Ansar ed-Dine "s'inscriront durablement dans le paysage comme des éléments perturbateurs". Ouest-France/ M.Ollivier

Qu’elle soit conduite, avec l’appui des Occidentaux, par l’armée malienne ou par une force de l’Union africaine, elle peut se faire sans grande difficulté dans les tout prochains mois. Dans une zone à ce point désertique, il suffit de reprendre et de tenir les villes.

En l’occurrence, Gao, Tombouctou, Kidal et Tessalit. En face, il y aura des miliciens certes aguerris, mais dotés de moyens légers et plus redoutés pour leur mobilité que pour leur aptitude au combat urbain, et guère soutenus par les populations locales. Cela posé, on refoulera vers le désert des bandes sorties de l’aventure renforcées en armes, en moyens de transports, en effectifs et en ressources financières.

Aqmi et Ansar ed-Dine s’inscriront durablement dans le paysage comme des éléments perturbateurs.

Y a-t-il, pour le Niger voisin, un risque de contagion?

La question se pose non seulement pour le Niger, mais aussi pour l’Algérie et la Mauritanie. Adossée à une revendication ancienne, la question touareg appelle une solution politique; même si Mouammar Kadhafi, qui fut l’un des pyromanes de la cause, s’est employé à souffler sur les braises. Or chaque pays a son mode de traitement particulier. Et peut donc s’orienter soit vers un durcissement, soit vers le compromis.

Comment jugez-vous, à l’aune de cet épisode, la performance des autorités françaises?

La séquence reflète avant tout une absence de réflexion ahurissante. Tout vient, ne l’oublions jamais, de l’intervention en Libye, cette énorme erreur stratégique qui a déstabilisé toute la région.

Quelle que soit l’antipathie qu’inspirait le colonel Kadhafi, le remède aura été pire que le mal. Soumeylou Boubèye Maïga, ancien patron du renseignement malien et ministre sortant des Affaires étrangères, venait une fois par mois à Paris tirer le signal d’alarme. “Maintenant que vous avez mis le bazar chez nous en dépit de nos mises en garde répétées, insistait-il, qu’allez-vous faire pour nous aider?”

Autre écueil, l’incapacité de la France à s’entendre avec l’Algérie -laquelle, il est vrai, n’y met pas vraiment du sien non plus. Or il ne peut y avoir de remède efficace sans coopération entre les deux pays, qui ont à la fois les moyens d’agir et la connaissance du terrain.

Enfin, Paris s’est enfermé dans une contradiction totale: on agit en Libye, en violation de la résolution 1973 d’ailleurs; mais, quand l’espace subsaharien s’embrase, le Quai d’Orsay plaide en faveur d’une forme de neutralité. Quitte à bafouer cette fois les accords de défense qui nous lient aux capitales concernées. Résultat: la France n’a plus la cote au Mali et les Algériens ne veulent plus nous voir dans les parages. Bref, nous voilà condamnés à marcher sur des oeufs.

Source: L’express.fr – Propos recueillis par Vincent Hugeux, publié le 11/04/2012 à 18:27

 

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25 COMMENTAIRES

  1. Est ce qu’il a bien lu l’article même?
    Soit il a rien compris, soit il es aveuglé par autre chose.

  2. Mr Éric juste pour t’apporter une précision le MNLA ne gère rien du tout au nord ils ont juste profité de l’arrivé des combattant libyens pour se mêler à la danse comme l’a dit Mr cliclac le MNLA est et demeure dans vos studio France 24 et R FI.

  3. Mr Eric juste un ptit truc pour votre précision: le mnla est et demeure dans les studios chez vs à France24 et RFI. Les maliens ont à faire avec tous les produits toxiques occidentaux d’afrique. Maintenant ils veulent un état pour continuer leur expansion; mon oeil oui 😯 😯

  4. je dirais que c’est Mr Sarckosy et sa mauvaise politique extérieure surtout africaine qui est le seul et l’unique coupable de toute cette déstabilisation de la zone sahélo-saharienne en intervenant en Lybie.Notre grande patrie en ce qui nous concerne ça prendra le temps que ça prendra même sans l’aide de qui que ce soit nous finirons par déloger ces bandits armés de notre territoire.

  5. Il y a bien longtemps que je n’ai pas lu un article aussi objectif venant d’un Francais. Cela fait du bien de savoir qu’il y aura toujours quelques hommes de bonne volonte. Toutefois, je ne suis pas sur que les Maliens ont interet a faire une difference entre Ansar Dine et le MNLA. Il n’y pas, d’un cote, de bons autonomistes ou separatistes et de l’autre, les ”terroristes”, qui sont presentes comme les seuls mauvais. Pour moi ces deux organisations se sont entendues pour se partager les roles politiques, c’est tout. Et elles sont aidees en cela par la France qui se sert des ”terroristes” pour vouloir legitimer la revendication des ”Touaregs”. Cet analyste lui aussi fait la difference entre ceux qu’il appelle ”les Touaregs” (faux, car les Touaregs maliens sont, dans leur ecrasante majorite fideles a leur patrie) et ceux qu’il appelle ”les terroristes” comme si ces terroristes venaient d’ailleurs et n’etaient pas eux-memes ”Touaregs” (ce qui ne veut pas dire que tout Touareg est un terroriste).

    Bref! Il y a encore des zones d’ombre dans son discours et lui aussi ne s’eloigne pas trop de la legitimation du MNLA en vue d’un ”dialogue politique”, de ”negociations” pour l’autonomie.

    • La France a toujours des hommes de valeur qui ne cachent pas la verité surtout dans le milieu universitaire! cet homme est une illustration de ces personnalités pourvues d’objectivité! nous ne comprennons cette neutralité de la France dans la situation malienne qui trouve en réalité sa source dans l’intervention malienne en Libye!

  6. Si cela ne tenait qu’à moi, la france ne se mêlera de cette lutte sous aucun pretexte. Elle ne défend juque là que ses interêts égoïtes au detriment de la vie des milliers de maliens. Pour pouvoir sauver 6 français, la france a permit au mnla-aqmi-ançar ed dine de foutre le bordel chez nous.

  7. Ce journaliste n’est pas malien n’est ce pas ??? En plus c’est Eric Dénécé qui a un lien avec les renseignements qui parle !!! Ceux qui se foutaient de Dicko de l’Inter de Bamako doivent avoir honte!!! Il n’y a pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir 8) 8) 8)

  8. Merci Mr. Hugeux pour ces quelques eclairessissements, d’ailleurs je vous cite encore: Qu’elle soit conduite, avec l’appui des Occidentaux, par l’armée malienne ou par une force de l’Union africaine, elle peut se faire sans grande difficulté dans les tout prochains mois. Dans une zone à ce point désertique, il suffit de reprendre et de tenir les villes.

    En l’occurrence, Gao, Tombouctou, Kidal et Tessalit. En face, il y aura des miliciens certes aguerris, mais dotés de moyens légers et plus redoutés pour leur mobilité que pour leur aptitude au combat urbain, et guère soutenus par les populations locales. Cela posé, on refoulera vers le désert des bandes sorties de l’aventure renforcées en armes, en moyens de transports, en effectifs et en ressources financières.

    Aqmi et Ansar ed-Dine s’inscriront durablement dans le paysage comme des éléments perturbateurs.
    Soumeylou Boubèye Maïga, ancien patron du renseignement malien et ministre sortant des Affaires étrangères, venait une fois par mois à Paris tirer le signal d’alarme. « Maintenant que vous avez mis le bazar chez nous en dépit de nos mises en garde répétées, insistait-il, qu’allez-vous faire pour nous aider? »

    Autre écueil, l’incapacité de la France à s’entendre avec l’Algérie -laquelle, il est vrai, n’y met pas vraiment du sien non plus. Or il ne peut y avoir de remède efficace sans coopération entre les deux pays, qui ont à la fois les moyens d’agir et la connaissance du terrain.

    Enfin, Paris s’est enfermé dans une contradiction totale: on agit en Libye, en violation de la résolution 1973 d’ailleurs; mais, quand l’espace subsaharien s’embrase, le Quai d’Orsay plaide en faveur d’une forme de neutralité. Quitte à bafouer cette fois les accords de défense qui nous lient aux capitales concernées. Résultat: la France n’a plus la cote au Mali et les Algériens ne veulent plus nous voir dans les parages. Bref, nous voilà condamnés à marcher sur des oeufs.
    La france, dans la politiue des affaires etrangeres, a toujours seme le bordel partout. La politique de diviser pour mieux regner est toujours en vigeur de les temps coloniaux, juste pour des interets contrainement a la notion d’aider. Et les grandes puissances (usa en tete, la france, la grande bretagne se partagent le monde a leurs guises.
    La france doit absolument revoir ces politiques, sinon tot ou tard ca risque de retourner contre lui.

  9. Au moins il y a quelqu’un qui a les tetes sur le epaules dans ce pays pour reconnaitre sa part de responsabilité.. Chacun a sa part de responsabilité dans ce se passe actuellement au nord du Mali, évidemment, le Mali est le plus grand responsable..

  10. Je n’ai pas lu l’intégralité de cette interview, mais d’ores et déjà elle tranche avec les racontars des nombreux pseudos “spécialistes” du Mali qui passent quotidiennement sur certains médias d’Etat français. J’ajouterais seulement que l’Etat du Mali doit désormais se comporter comme devrait le faire un Etat situé dans une zone de risques, entouré de voisins dont certains ne lui veulent pas de bien. Il faudrait à jamais s’écarter de ces relations à caractère “sentimental” que notre pays a entretenu aussi bien avec la Libye que l’Algérie : le souvenir de l’aide apportée au FNL pendant la guerre d’Algérie ne constitue qu’un vieux souvenir et rien que cela, il ne pèse rien face aux intérêts stratégiques du clan au pouvoir en Algérie. Les relations dégradantes entretenues avec la Libye par nos chefs d’Etat depuis 20 ans ont conduit à l’auto aveuglement en ce qui concerne la gestion des problèmes du Nord. La rancune à l’égard de la France pour ce qui est de sa complaisance réelle envers le MNLA peut se comprendre mais elle ne doit pas nous empêcher d’adopter un point de vue rationnel : chacun joue son jeu, au Mali aussi de jouer le sien, en s’appuyant sur ceux des Etats dont les intérêts rejoignent les nôtres dans cette affaire. Si nous abdiquons nous même, personne ne se battra à notre place. Pensez un peu : si la France insiste sur la nécessité de négocier avec les rebelles du MNLA, qui le premier a dit et répété cela en croyant naïvement que cela nous ferait apparaître comme des pacifistes agressés ne cherchant que la paix ? Posez vous tous cette question

  11. Au moins on voit la face demon de la France au grand jour contre le Mali et les pays ouest Africain. Nous ne voulons pas de la France sur notre terre vue qu elle est la cause de cette situation et nous allons reprendre notre teeritoire par la meme force qui la prise.

      • Oui, les temps ont bien changes et c’est le Mali qui a change dans le sens de la degradation: les temps sont biens loin quand Modibo KEITA n’avait meme pas besoins d’envoyer son armee mais plutot les miliciens de Kayes pour botter le cul de ces militaires mauritaniens qui voulaient envahir le Mali (l’affaire s’est termine autour d’un mechoui en territoire mauritanien…). Et aujourd’hui, c’est un petit maure qui vient nous dire sur maliweb que nous avons une armee de froussards… il a bien fallu que ATT passe par la!

        • Mon ami Angaran laisse ce poltron dire ce que bon le semble,on dit rira bien celui qui rira le dernier.C’est un problème qui leur concerne aussi.Tôt au tard leur case prendra feu et là c’est pas l’eau de mer qui pourra l’éteindre. 😆 😆 😆 😆 :mrgreen:

        • je ne suis pas un petit maure;pour ton info tes histoires de kaye c du pipo 2 exPLIquE MOI cette defection 3 POUR INFO NOs soldats sont forme dans desert 4 ils plus De 20870 DONC le triple de l armee malienne avec un equipement plus moderne ;ils font le boulot a votre place sans rancune mon frere

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