Nord-Mali: vaincre les islamistes ne servira à rien

12

Alors que l’on sait désormais qu’une action militaire dans le Nord-Mali est inéluctable, les observateurs précipitent l’histoire en donnant vainqueurs par K.O. les pays ouest-africains contre les islamistes.

Si le scénario apparaît plus que plausible,  il va de soi qu’une victoire militaire ne sera pas chose facile, et que, seule, elle ne réglera en rien la crise que traverse le pays depuis presqu’un an maintenant.

L’intervention militaire ne sera pas une partie de plaisir

Le 26 novembre, les Nations Unies devront donner leur feu vert officiel pour que puisse débuter l’intervention militaire. Après cela… La partie de bowling pourra commencer.

On imagine déjà les bataillons de l’armée malienne, prêts à se rattraper de 10 mois  d’immobilisme humiliant,  de querelles fratricides, de cantine infecte et de dortoir collectif.

On se surprend à fantasmer sur la rapidité des opérations militaires, supposées déloger en moins de deux des djihadistes qui, il faut bien l’avouer, ne font plus frémir grand monde avec leurs pick-ups ensablés et leurs sandales de cuir.

Qu’importe que les troupes de la Cédéao apparaissent aujourd’hui encore désunies et mal formées ; qu’importe que l’Algérie, considérée comme la seule véritable puissance militaire de la région, exprime encore de sérieuses réticences à s’engager dans le conflit ; et qu’importe surtout que l’armée malienne se soit fait bouter hors de son propre champ de bataille par des troupes largement moins bien équipées et moins « moderne » qu’elle il y a quelques mois.

Chacun pense que le feu vert de l’ONU garantira à lui seul une victoire écrasante, et que la «reconquête du nord» sera l’affaire de quelques jours, ou, au pire, de quelques semaines.

Personne n’ose imaginer le contraire, et pourtant… Pour vaincre militairement, il ne suffira pas de crier plus fort que les autres, ni d’afficher une puissance de feu comparable à l’apocalypse. Il faudra aussi composer avec les éléments, la saison sèche précipitant les territoires du nord dans l’aridité la plus extrême.

Les armées ouest-africaines seront-elles aptes à combattre sur le terrain du Nord-Mali, immense et désertique ? En face d’elles se trouveront des hommes qui connaissent précisément ce terrain et ses caractéristiques comme leur poche.

Gagner une bataille ne veut pas dire gagner la guerre

Malgré tout, la mission de la Cédéao au Mali (Micema) semble largement capable de défaire rapidement les factions islamistes, qui ont déjà montré plusieurs signes de faiblesse et d’inquiétude ces derniers temps. Les tentatives de négociations d’Ansar Dine et les replis tactiques d’Aqmi et du Mujao témoignent d’une certaine fébrilité au sein des troupes djihadistes, constituées majoritairement de très jeunes miliciens.

Il ne faut toutefois pas être dupe quant à la stratégie qu’adopteront les islamistes. Dans une zone sahélienne où les frontières sont encore extrêmement perméables, il leur sera possible d’opérer des replis tactiques de toutes sortes, attendant leur heure comme les talibans dans les montagnes.

L’Algérie a beau avoir annoncé qu’elle fermerait sa frontière avec le Mali en cas d’intervention de la Cédéao, cela n’empêchera pas les groupes djihadistes de circuler plus ou moins librement dans le désert. Pensez-vous, contrôler 1400 kilomètres de frontière au beau milieu du Sahara, on a déjà vu choses plus aisée. Même pour l’Algérie.

C’est sans compter sur la porosité de la frontière avec la Mauritanie, qui tient en sus à conserver une certaine neutralité dans les conflits sahéliens.

Une fois les rejetons d’al-Qaida éloignés des grandes villes du Nord-Mali, qu’adviendra-t-il de la sécurité au Sahel ? Les troupes de la Cédéao ont prévu de rester sur place une année seulement, ce qui apparaît extrêmement court pour permettre au Mali de retrouver son intégrité territoriale, et surtout pour la conserver.

A la manière des techniques de guérilla et de terrorisme observées par exemple en Afghanistan, les conflits modernes ne se gagnent pas dans les tranchées ni sur le champ de bataille : ils se gagnent jour après jour. L’intervention militaire internationale ne garantit en rien que les forces islamistes ne parviennent à se reconstituer une fois la déferlante militaire passée.

Les kadhafistes, que l’on disait perdus, ont bien retrouvé de la vigueur en Libye…

Il faudra prendre le mal à la racine

La crise qui secoue le Nord-Mali depuis des mois a mis en évidence les contradictions et les manquements de la politique malienne depuis une vingtaine d’années.

Les lourds soupçons de corruption qui pèsent sur l’ancienne administration d’Amadou Toumani Touré, son manque de volonté quant à la résolution des problèmes du nord, et les rivalités internes à l’armée sont autant de maux qui ne seront pas effacés par la seule déroute des djihadistes, et la victoire militaire de la Cédéao.

Bien au contraire, il faudra alors repenser complètement l’idée du « vivre ensemble » malien, tant malmené par les revendications des uns et des autres. Reconstruire une unité nationale, loin des discours communautaires et religieuses, sera le principal défi du Mali.

En comprenant les logiques qui ont permis d’arriver à la partition d’un des plus grands pays de la sous-région, les maliens réussiront à surmonter les innombrables difficultés qui résultent d’une gestion calamiteuse par le pouvoir.

Ambroise Védrines  / slateafrique.com/

Commentaires via Facebook :

12 COMMENTAIRES

  1. Sur la photo, un marins américain apprend à nos militaires à charger un fusil…………

  2. Les différents experts du nord ne font reprendre les informations que les Touareg leur refilent.Il leur faut venir enquêter sur le terrain et non se contenter de ce que les Touareg disent. Tous ceux qui eu à servir dans le Nord du pays savent que l’Etat du Mali a fait ce qui était en son pouvoir. Une grande partie des fonds alloués au Mali par les partenaires financiers ont été investis au Nord.Un proberbe de chez nous ne dit-il pas qu’on ne peut remplir d’eau un canari dond le fond est troué? Le Sahara ne peut pas être reverdi aussi facilement qu’on le croit. Ou on s’en accommode ou on le quitte pour des zones plu clémentes. Les Touareg qui ont accepté la sédentarisation ne l’ont pas regretté.

  3. Soyons honnetes et realistes, il y a une part de realite dans cette article. C’est aux forces maliennes de prendre leurs responsabilites apres la reconquete du nord et surtout apres le retrait des troupes de la cedeao.

  4. On ne se trompe pas au Mali de ce qu’on fera après l’élimination du cancer. On sait aussi qu’il sera difficile de pardonner les criminels du MLNA à moins q’ils ne soient juger conformément à la loi sinon je vous jure ça va chauffer….

  5. ANALYSE BIDONNE… tout attardé peut faire une analyse sur n’importe quelle situation. Ambroise Vedrines est un autre ecervelé qui veut predire le resultat de quelque chose dont meme le present l’echappe. Je ne sait pas comment l’administarteur du Maliweb permet ces ordures d’acceder a notre presse…n’a t il pas un sense de detecter des gens de movaise foi ce Vedrines qui n’ont que des objectifs sinistres vis a vis de notre pays?

  6. Arretez avec vos conneries, personne ne peut dire que rien n’a ete fait pour les regions du Nord durant ces vinght dernieres annees. Ou bien vous voullez que certains travaillent pour d’autres? Qui est bien ne et qui ne l’est pas?
    Le probleme reel est que nos freres (les jeunes touaregs) gagnent 10 fois plus dans le trafic que dans l’armee. Et les fonds qui leurs sont alloues pour commence une activite generatrice de revenue leur sert de fond pour devenir narco-detaillant.
    LE VIVRE ENSEMBLE N’A JAMAIS ETE MIS EN CAUSE. CE SONT CERTAINHS QUI SE SONT MIS EN MARGE DE L’ETAT, DE LA NATION. IL FAUDRAIT QUE CHACUN ACCEPTE LES CONSEQUENCES DE SES ACTES.

Comments are closed.