L’ONU proteste contre un raid de l’armée dans un camp du Nigeria

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Les Nations unies ont protesté contre un raid de l’armée nigériane dans leur camp de base de Maiduguri, dans le nord-est du pays, dans un climat de mésentente croissante avec les organisations internationales opérant dans la région.

“Nous sommes extrêmement inquiets”, a expliqué à l’AFP la porte-parole de l’ONU à Abuja, Samantha Newport, dénonçant l’intrusion de membres des forces de sécurité dans la nuit de jeudi à vendredi dans le camp du Red Roof.

C’est là que sont basées une grande partie des employés de l’ONU et des ONG internationales mais l’armée nigériane soupçonnait un dirigeant jihadiste de pouvoir s’y cacher.

“Cela peut mettre en danger le travail que nous réalisons” dans cette région en proie aux violences des insurgés islamistes de Boko Haram, a poursuivi Mme Newport.

Selon un mémo interne des Nations unies obtenu par l’AFP, cette fouille fait suite à “des rumeurs qui se sont propagées hier (jeudi) sur les réseaux sociaux concernant la présence supposée d’Abubakar Shekau (le principal chef de Boko Haram) dans le camp”.

L’armée nigériane a confirmé dans un communiqué l’envoi de militaires dans “une propriété qui a été ensuite identifiée comme occupée par les Nations unies, bien que cette propriété ne porte aucun signe de l’ONU”.

A New York, un porte-parole de l’ONU a déclaré que l’organisation internationale “avait protesté auprès des autorités” nigérianes. “Le gouvernement nous a fait savoir qu’il s’agissait d’une erreur. Le raid n’aurait pas dû se produire”, a dit à la presse de Stéphane Dujarric.

Le Red Roof, situé près de l’aéroport, est un camp sécurisé composé d’une douzaine de containers transformés en dortoirs ainsi que d’un réfectoire. C’est le camp principal de l’organisation internationale dans l’Etat du Borno, d’où partent les missions humanitaires dans la région dévastée par le conflit avec Boko Haram et en proie à une manultrition aigüe.

L’opération conduite “pour intensifier le cordon de recherche contre Boko Haram”, dont le Borno est le fief historique, a été un “succès”, a déclaré le porte-parole militaire, Kingsley Samuel, “mais l’armée n’a procédé à aucune arrestation car aucun suspect n’a été trouvé.”

– ‘Violation des lois internationales’ –

Une source anonyme au sein de l’ONU a estimé auprès de l’AFP que cette fouille, “une violation des lois internationales”, témoigne de la mésentente croissante des autorités nigérianes avec l’ONU et les ONG.

Hasard du calendrier, le vice-président Yemi Osinbajo inaugurait vendredi un panel, composé de militaires et de la société civile, pour enquêter sur les exactions de l’armée.

Les huit membres de ce panel auront le devoir “d’enquêter sur les accusations de violation des lois internationales humanitaires et des droits de l’homme” dont le Nigeria est signataire, a indiqué M. Osinbajo, président en exercice du Nigeria en l’absence de Muhammadu Buhari.

L’armée nigériane est régulièrement critiquée pour son usage excessif de la force à l’encontre des civils par les défenseurs des droits de l’homme.

M. Osinbajo, avocat de formation et ancien ministre de la Justice de l’Etat de Lagos, a insisté pour que les victimes de ces exactions puissent avoir “un recours à la justice”. Cela contraste avec la politique du président Buhari, ancien général, qui est à Londres depuis trois mois pour des raisons de santé.

En janvier dernier, l’armée a bombardé “par erreur” un camp de déplacés, à Rann (extrême nord-est), faisant plus de 100 morts et des centaines de blessés parmi les civils. A la suite d’une enquête interne de six mois, l’armée s’est défendue en accusant les organisations humanitaires de n’avoir pas donné leur position géographique.

“Les relations entre l’armée nigérianes et les organisations internationales ont toujours été compliquées”, a estimé Yan St-Pierre consultant en contre-terrorisme pour MOSECON (Modern Security Consulting Group).

“L’armée et les services de renseignement se sentent menacés dans leur réputation par les organisations internationales, Amnesty International en tête, qui n’hésitent pas à critiquer leur travail et leur manière de gérer les conflits dans le pays”, a poursuivi l’expert.

“C’est perçu comme de l’ingérence dans les affaires de l’Etat”, a noté M. St Pierre. L’incident de cette nuit est selon lui, “une manière pour l’armée nigériane de montrer qui est le chef dans la région”.

(©AFP / 11 août 2017 20h17)

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