Sud Soudan : Bienvenu en enfer

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L’année 2011 restera longtemps encore, pour les Africains, la plus riche en événements politiques majeurs. Donc, forcément, la plus riche en commentaires de tous genres et de toutes origines, des plus sobres aux plus enflammés. Des analyses intelligentes et réalistes à des gloses anarchistes qui tuent le bon sens et puent la mauvaise foi, au nom d’un certain africanisme.

 

Personnellement, ce sont les faits qui m’intéressent. Leur interprétation est une question de niveau d’éducation, de culture ou de compréhension, si ce n’est en fonction de l’orientation politique.

 

Aujourd’hui, des peuples vivent enfoncés dans la détresse en Libye, tiraillés entre le doute et l’espoir au Maroc, submergés de contradictions en Tunisie, bourrés d’interrogations en Egypte et, dans la plupart des autres pays d’Afrique, tenaillés par la peur de demain, l’incertitude face à un avenir flou ou en pointillés.

 

Sur ce tableau sombre et angoissant, il y a pourtant des points de lumière, des zones claires où les hommes et les femmes travaillent pour sortir du tunnel des misères ou du cycle des malédictions.

 

Il y a des peuples qui, sortis récemment de la zone de turbulence, se consacrent à la reconstruction nationale et à la réconciliation des cœurs. Ils savent que longue sera la voie de la cohésion après des mois, parfois des décennies de conflits ouverts ou latents pendant lesquels la haine a poussé partout et endurci les cœurs. Mais ils y croient et cela leur donne la force de persévérer dans l’effort.

 

C’est dans cette ambiance d’heurs et de malheurs qu’un nouvel Etat s’ajoute aux cinquante-trois autres africains. Le Sud Soudan vient de naître dans la douleur dans un continent qui, en plusieurs endroits, vit dans la douleur. « Bienvenu, en enfer ! » pourrait-on crier à Salva Kiir Mayardit, le président investi avant-hier, 9 juillet, à la tête de ce pays qui jaillit comme un lotus de la tombe de John Garang qui l’avait déjà imaginé mais qui n’aura pas la chance de le voir naître physiquement.

 

Au-delà des manifestations de joie dans les rues de Juba la capitale et de bien d’autres villes du Sud Soudan, au-delà des motions de soutien et des déclarations en faveur des dirigeants du 173ème Etat du monde, une question taraude de nombreux penseurs et chefs d’Etat africains. Etait-il vraiment nécessaire de créer un Etat de plus en Afrique ? La naissance de Sud Soudan ne va-t-il pas réveiller des velléités sécessionnistes assoupies faute de soutien ? Le Cameroun, la République démocratique du Congo, le Nigeria, le Sénégal, entre autres, ne risquent-ils pas de faire face à des revendications allant dans le sens de l’indépendance d’une partie de leurs territoires respectifs ? La timide réaction des chefs d’Etat africains depuis les résultats du référendum d’autodétermination du Sud Soudan est la preuve que le nouveau-né n’est pas vraiment le bienvenu dans la poudrière africaine. Mais le vin est tiré, il faut le boire. Aucune jérémiade ne fera retourner le Sud Soudan dans les fers de Béchir. Le nouveau pays devra faire l’expérience de sa propre douleur en pénétrant les arcanes du pouvoir et en faisant l’effort de comprendre la véritable signification de l’indépendance qui est loin d’être synonyme de liberté et de bonheur.  Le Sud Soudan devra se battre pour confirmer son statut d’Etat indépendant et cela ne se fait jamais sans écueil.

 

Personnellement, je me réjouis de cette indépendance. Parce que je pense que chaque fois qu’un groupe d’individus se sentant bafoué, humilié, sous-estimé, ignoré, dans un grand ensemble, exige de sortir du grand ensemble pour construire sa vie par lui-même, pour sauvegarder sa dignité piétinée, il faut lui accorder ce droit de ‘’partir’’. Maintenant, il appartient aux Sud Soudanais de savoir gérer leur indépendance pour en faire une source de bonheur pour chacun d’entre eux. Bien sûr, beaucoup d’’’africanistes’’ aigris verront encore un autre complot ourdi contre l’Afrique par  des néo colonialistes, des impérialistes occidentaux. Ils ne tiendront pas compte de la souffrance endurée par les populations sud soudanaises depuis des décennies ou bien ils occulteront, de mauvaise foi, ces moments terribles qui ont coûté à l’ensemble du Soudan plusieurs pertes en vies humaines…

Ailleurs, en Afrique, on parle beaucoup des élections de 2012 au Mali. Une élection à laquelle l’actuel président ne se présentera pas, pour avoir épuisé ses deux mandats. C’est déjà une cause de tension de moins. Reste à élucider la question récurrente du fichier électoral. Tout le monde semble être d’accord que le Ravec (Recensement administratif à vocation d’Etat-civil) est hors jeu. Mais le Race (Recensement administratif à caractère électoral) qui, soulagé de quelques imperfections, pourrait être le fichier du consensus, n’a pas l’adhésion de toutes les formations politiques du pays.

Quelque trente-deux partis regroupés au sein d’une alliance proposent un fichier biométrique. Seront-ils suivis ? Pour le moment nul ne peut le dire. Il semble que les partis les plus ‘’importants’’ sont déjà du côté du ministère de l’Administration territoriale et des Collectivités locales  qui a clairement opté pour le fichier Race ‘’nettoyé’’…

 

Du côté du Sénégal, pour faire oublier les récentes mauvaises passes du président Wade, on a jeté comme un pavé dans la mare, la nouvelle de l’extradition, dès aujourd’hui, de l’ex président tchadien Hissène Habré. L’ancien homme fort de Ndjaména est exilé au pays de la téranga depuis sa chute du pouvoir en 1990. Après vingt-et-un ans d’hésitation, Dakar accepte enfin de livrer son hôte encombrant à la justice tchadienne. Si les parents des victimes du pouvoir meurtrier d’Hissène Habré sont heureux d’apprendre cette nouvelle, les avocats de l’ancien potentat, eux, crient au désastre : « On va le livrer à des gens qui vont l’assassiner », a déjà réagi un des avocats d’Habré…

 

En Guinée, Alpha Condé tente, tant bien que mal, de travailler et de faire travailler les Guinéens. La télévision montre des chantiers en cours. Surtout des routes ! Au Niger aussi, le président Issoufou s’installe confortablement et prend la main. J’ai retenu de son interview d’hier sur la chaîne de télévision Africa24 une phrase forte : « Le Niger n’est pas un pays pauvre ; le Niger est un pays mal géré. » Et cela est tellement vrai pour bien des pays d’Afrique ! Pays riches, mais mal gérés. Mal gérés par qui ? Par les Occidentaux impérialistes, néo colonialistes ? NON ! Par des classes politiques dirigées par des adultes immatures qui profitent de leur passage au pouvoir pour enrichir non pas ces Occidentaux au dos large que nous accusons sans vergogne de tous nos maux, mais leurs propres  familles, leurs propres amis…

 

En Côte d’Ivoire, même s’il reste encore d’énormes efforts à fournir avant qu’on ne puisse parler de situation revenue définitivement à la normale, on sent la vie. Beaucoup d’Ivoiriens sont d’accord pour que la parenthèse de la guerre se ferme à jamais. Même si certains aigris regrettent encore que les militaires de Gbagbo  n’aient pas fait écrouler l’Hôtel du Golf sur tous ceux qui s’y réfugiaient. Mais ce n’est pas encore tard ! Demain, Gbagbo reviendra au pouvoir. Son prophète dit que Dieu le lui a encore dit ! Alors, que tous les ‘’africanistes’’ qui traitent d’apatrides tous ceux qui ne pensent pas comme eux, se rendent au bord de la lagune Ebrié. Demain. Pour rêver ! Bien à vous

Par Minga S. Siddick

 

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