Aissata Cissé Haidara dite Chatto, Présidente des femmes parlementaires du G5 Sahel

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Membre de la commission défense de l’Assemblée nationale du Mali, l’élue UM-RDA de Bourem vient d’être portée à la tête du tout nouveau réseau des femmes parlementaires du G5 Sahel composé du Mali, de la Mauritanie, du Burkina Faso, du Niger et du Tchad. Elle revient ici sur les missions de ce réseau, la conférence extraordinaire des chefs d’Etat du G5 Sahel de dimanche dernier à Bamako, des perspectives du réseau qui entend efficacement jouer son rôle de contrôle auprès des chefs d’Etat et des Premières Dames des pays membres.

 

Le Point :Vous avez été portée par vos sœurs du G5 Sahel à la tête de son réseau de femmes parlementaires. Quel rôle va jouer cette institution de cette nouvelle institution sous-régionale qu’est le G5 Sahel ?

Aïssata Cissé : Effectivement, il y a eu une conférence des femmes parlementaires du G5 Sahel à N’Djamena du 19 au 20 juin en collaboration avec Onu-Femmes, l’Assemblée Nationale du Tchad, le Secrétaire permanent du G5 Sahel et l’Union Africaine. Au cours de cette conférence, il a été prouvé la nécessité pour les femmes parlementaires de s’organiser parce qu’aujourd’hui, avec tout ce qui se passe dans le Sahel, on s’est dit qu’il faut beaucoup investir dans la paix. L’investissement dans la paix commence d’abord par la prévention. Il a été beaucoup question de prévenir les conflits au lieu de chercher à éteindre les feux, il faut donc faire en sorte que ça ne s’allume pas.

Egalement, tout le monde sait que la femme a un rôle très important à jouer dans la communauté puisqu’elle gère la famille. Quand je dis la femme gère la famille, il faut bien attendu le prendre au sens figuré… Cela veut dire que la femme peut apaiser les tensions entre les enfants. La femme peut régler les problèmes entre le mari et ses frères, entre le mari et ses amis ou entre le mari et sa famille. Donc, on s’est dit que les femmes parlementaires peuvent quand même constituer un tremplin pour la simple raison qu’elles sont des élues et qu’elles peuvent parler au nom de leurs peuples. La légitimité est là.  Parce que quand tu es élu, tu es légitime pour parler au nom des gens. Souvent, les femmes parlementaires font des restitutions et, au cours de ces restitutions, elles peuvent profiter pour sensibiliser. Parce que pour qu’il n’y ait pas de crises, de guerres, il faut de la sensibilisation.

On a parlé d’un autre aspect (au cours de cette conférence de Ndjamena, ndlr). Des problèmes peuvent survenir entre les chefs d’Etat eux-mêmes et entre les chefs d’Etat et les populations lors des élections, notamment parce que les élections constituent une source de conflits et, on a décidé de travailler de façon régulière avec les Premières Dames parce que les Premières Dames aussi peuvent pacifier. Elles ont un rôle très important à jouer auprès de leurs époux et on a dit aussi qu’on peut parler à nos enfants, à nos frères, à nos époux et cela ne peut pas se faire dans un cadre désorganisé. Il faut que ça se fasse dans un cadre organisé.  D’où la nécessité de créer le réseau des femmes parlementaires du G5 Sahel.

Ce réseau a été créé et je ne dirai pas que j’ai l’honneur mais plutôt la lourde tâche de présider aux destinées… J’ai la lourde tâche, je dirais même, d’inventer puisque je vais être la première présidente des femmes parlementaires du G5 Sahel. On va donc être obligée de tout mettre en place, de tout organiser. J’en suis la présidente, Haidara Aichata Cissé du Mali, la première vice-présidence revient à la Mauritanie, la deuxième au Tchad, le Secrétariat général au Burkina Faso et la Trésorerie Générale au Niger.

Notre baptême de feu a été la conférence extraordinaire du G5 Sahel à Bamako du 2 juillet dernier. Je profite de l’occasion pour remercier les autorités maliennes, qui ont très vite compris que cette organisation était nécessaire et qu’on en aura besoin, mais aussi pour avoir accepté de nous considérer parmi les délégués officiels de cette rencontre.

Je remercie aussi les partenaires dont Onu-Femmes, qui a pris en charge les frais de billets d’avion et d’hôtel, etc. On a aussi eu des rencontres bilatérales, on a rencontré le parlementaire français qui s’occupe de l’Afrique de l’ouest et qui a accompagné le président Macron. On a parlé avec lui de notre plan d’action et de ce qu’on a l’intention de faire. On a eu une audience avec le Directeur de l’Agence française du Développement (AFD).

On a rencontré le Secrétaire permanent du G5 Sahel la veille du sommet pour un dîner de travail. C’est un embryon. On vient de naître mais je pense qu’en tant que parlementaires, on a l’expérience nécessaire pour avancer et pour que la paix soit une paix définitive dans les régions du Sahel et pour que nous puissions jouer notre rôle.

Contribuer à la déradicalisation et aux politiques de développement des Etats membres 

Aïssata Cissé : Nous avons également parlé de développement car nous parlons toujours certes de sécurité, de paix, mais on ne parle pas trop de ce qui amène les guerres, les conflits et qui est le sous-développement. Une réunion des femmes du G5 Sahel, en marge de la rencontre des chefs d’Etat, a ébauché un premier plan d’action. Il va parler des questions de migrations et des jeunes qui s’y adonnent laissant leurs parents. Des parents n’étant pas dans les conditions peuvent être tentés de laisser leurs enfants même avec des gens mal intentionnés comme des jihadistes. Il y sera question aussi d’autonomisation des femmes.

Pour réfléchir, il faut que tu manges bien, tu dormes bien et que tu te rassures que tes enfants puissent aller à l’école tranquillement et qu’une fois les études terminées puissent avoir du travail. Ce sont les grands axes de notre rencontre : développement, paix, cohésion, autonomisation des femmes, sensibilisation sur la scolarisation des filles et sur la déradicalisation des jeunes, etc. De plus en plus en effet, on utilise des femmes jeunes pour se faire exploser, comment sensibiliser pour que cela s’arrête. Voilà les grandes lignes de ce qui va être fait.

L’ONU a donné son aval pour la création de force du G5 Sahel. Mais un problème de taille reste à résoudre, à savoir la question de leur financement. Que fera le réseau que vous dirigez pour amener les Etats membres et les partenaires à mettre la main à la poche ?

Aïssata Cissé : Nous ne pouvons pas parler au nom des forces vives. C’est des problèmes étatiques et les pouvoirs sont séparés entre les parlementaires et les exécutifs. C’est aux Etats de chercher ces financements. Le rôle des parlementaires consistera à contrôler les actions des gouvernements des pays membres. Rassurer que l’argent qui sera alloué va servir à la cause pour lequel il a été mobilisé. Nous sommes certes complémentaires mais nous sommes plus pour servir de tampon et veiller sur la bonne gestion des ressources récoltées, comment sensibiliser, comment alerter et comment aider l’exécutif à jouer son rôle. Cela va être surtout un travail de plaidoyer au profit des populations.

Le Tchad, après la création de la Force du G5 Sahel, a menacé de retirer ses troupes du Sahel. Allez-vous, en tant que réseau de parlementaires, de faire un travail de plaidoyer pour convaincre le président du Tchad que la présence de ses forces est indispensable dans le Sahel ?

Aïssata Cissé : Bien sûr que nous ferons un travail de plaidoyer mais il ne faut pas que l’arbre cache la forêt ! Je comprends parfaitement le président du Tchad, qui s’est beaucoup investi dans les conflits qui secouent le Sahel et je dirai que le Mali en a plus profité que les autres pays. On a eu le gros lot. Et, en dehors des pertes humaines qui posent quand même des problèmes sur le plan politique s’il faut que financièrement il ne soit pas soutenu, qu’il soit obligé d’utiliser l’argent de son pays, c’est bien la solidarité mais il ne faudrait pas que la solidarité lui crée aussi des problèmes ! Ceci n’est pas l’avis de la présidente du réseau des femmes parlementaires du G5 Sahel que je donne, mais un avis personnel. Et, personnellement, je trouve qu’il a tout à fait raison d’alerter pour qu’on l’aide parce qu’à un moment donné, si on l’aide pas, il ne pourra plus, même s’il a la volonté, il s’arrête.

Entretien réalisé par Amaye Maki

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