Alioune Gueye, leader jeunesse a cœur ouvert : “En post crise, 200 000 emplois sont une goutte d’eau dans l’océan de désespoir”

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Alioune Gueye-CNJ
Alioune Gueye-CNJ

Dans une interview qu’il nous a accordée, l’ancien vice-président du Conseil national de la jeunesse du Mali, Alioune Guèye évoque son engagement pour l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le développement, de la lutte contre le chômage de jeunes, l’accord d’Alger, entre autres sujets. “Dans le contexte post crise, 200 000 emplois, c’est une goutte d’eau dans l’océan de désespoir”, a-t-il lancé.

 

Quel est le degré d’implication de la jeunesse africaine en général et malienne particulier dans l’atteinte des OMD ?

Il faut préciser que l’implication des jeunes pour l’accélération des OMD remonte en 2004 quand le Pnud a cru bon de mobiliser la jeunesse africaine autour des OMD à travers le 1er Sommet panafricain des jeunes leaders à Dakar au Sénégal sous l’impulsion de Dr. Djibril Diallo alors cadre au Pnud à New York.

Pour prendre part à cette importante rencontre, Mlle Catherine Konaté et moi-même avions été sélectionnés sur dossier par le Pnud/Mali. La rencontre de Dakar en 2004 a lancé ainsi les bases de l’implication des jeunes dans la réalisation des OMD.

La 2e étape importante de cette implication avec les jeunes a été la participation au 1er Sommet mondial des jeunes leaders qui a réuni en 2006 dans la salle de l’Assemblée générale des Nations unies à New York autour de Kofi Annan, ex-secrétaire général des Nations unies, plus de 500 jeunes leaders de tous les continents.

J’ai eu l’immense honneur de représenter l’Afrique dans le Panel de haut niveau qui mettait en face de cinq jeunes leaders représentants les cinq continents du monde, les patrons des agences du Système des Nations unies. Des engagements forts ont été pris tant par les jeunes que par les dirigeants du monde.

Ayant été désignés ambassadeurs de bonne volonté des Nations unies pour la mobilisation des jeunes en faveur des OMD, les jeunes leaders présents à New York se sont engagés à mobiliser leurs pairs au niveau pays et au niveau sous-régional en mettant en place des réseaux physiques.

C’est cet engagement qui nous a amené, mon camarade Abdoul Kassim Diallo qui était à New York au Sommet mondial et moi-même à procéder avec l’appui du Pnud/Mali à la mobilisation de la jeunesse malienne en 2007 avec la mise en place du 1er bureau du Rojalnu/Mali sous le nom de l’Alliance des jeunes leaders en faveur des OMD que M. Diallo présidait jusqu’en 2013.

Cet exercice a été fait par beaucoup de pays africains et d’ailleurs, ce qui a permis la formidable mobilisation des jeunes en faveur des OMD en Afrique et partout dans le monde.

 

Quelles ont été les grandes étapes de la mise en place du Réseau des jeunes leaders des nations unies pour les OMD en Afrique, Rojalnu/Afrique ?

Après la mise en place du Rojalnu/Mali et de celui du Burkina Faso, mon frère et ami Dakiri Sawadogo du Burkina et moi-même avions entrepris de lancer la dynamique sous-régionale. Nous avons réussi en 2009 à organiser à Bamako au Mali le 1er Forum ouest-africain des jeunes leaders des Nations unies pour l’atteinte des OMD avec le soutien de Soumaïla Cissé, alors président de la Commission de l’Uémoa et de Mme Touré Lobbo Traoré, ancienne première Dame du Mali et bien sûr celui des agences du Système des Nations unies. Le nom du Rojalnu a été prononcé pour la première fois au Mali.

Aux termes du forum de Bamako, les participants ont décidé de confier la présidence du Rojalnu en terme de réseau ouest-africain au Mali et de mettre le siège au Burkina Faso. C’est de là que nous avons travaillé à amener avec nous toutes les autres sous-régions qui ont aussi mis en place des réseaux pays. A la faveur de l’organisation du 3e Sommet panafricain à Ouagadougou au Burkina Faso, les délégués de tous les pays d’Afrique et de la diaspora ont décidé de transformer le réseau ouest-africain en un réseau panafricain tout en gardant le même sigle Rojalnu.

Le Mali a été confirmé à la présidence du Réseau panafricain et le Burkina Faso a gardé le siège. Et par la grâce de Dieu et avec le soutien des autorités nationales et de nos partenaires, le Rojalnu/Afrique reste un mouvement dynamique qui s’active au-delà des frontières africaines et participe aux grands débats mondiaux.

 

En tant que leader, quelle appréciation faites-vous de la lutte contre le chômage des jeunes par les autorités de notre pays ?

Comme dans tous les pays, la question de chômage des jeunes constitue une menace permanente sur la tête des autorités parce qu’elles n’arrivent pas à répondre aux besoins de ceux-ci  de manière concrète. Il y a plus de saupoudrage que de résultats, plus de promesses que d’action concrète. Le Mali ne fait pas exception à cela malheureusement.

 

Vous voulez parler de la promesse des 200 000 emplois promis par le président de la République en 5 ans ?

Dans le contexte malien post crise, vous conviendrez avec moi que 200 000 emplois, c’est une goutte d’eau dans l’océan de désespoir lorsque nous savons qu’à cause de la crise,  des centaines de milliers de jeunes sont retombés dans le chômage au nord comme au sud du pays. Et chaque année, c’est des milliers de jeunes qui sont versés sur le marché de l’emploi. Il n’y a qu’à consulter les données de l’Apej pour se rendre compte de l’ampleur du chômage au Mali. Les nouvelles autorités doivent être plus imaginatives et plus créatrices pour faire tache d’huile en matière d’insertion socio-économique des jeunes.

 

Quel regard portez-vous sur la démocratie malienne, par exemple le comportement de l’opposition et de la majorité présidentielle ?

Je pense que si les élections de 2013, qui ont vu la victoire claire et nette du président IBK, ont eu un mérite, c’est bien la clarté et la lisibilité que nous avons dans le jeu politique actuellement, avec une opposition responsable et non alimentaire et une majorité qui se renforce et se défend. Je salue en cela l’adoption du statut de l’opposition avec un chef de file qui jouera pleinement son rôle pour le renforcement de la démocratie. Il faut encourager cet esprit et faire en sorte que le jeu démocratique malien soit davantage clarifié.

 

Pensez-vous que la jeunesse malienne a eu toute sa place dans la sortie de crise ?

Nous devons saluer et être fiers du rôle éminemment historique joué par la jeunesse malienne pendant la crise politique, institutionnelle et sécuritaire de 2012. Elle a opposé un non catégorique au coup d’Etat stupide de 2012 et est restée dans la rue à dénoncer les violations des droits de l’Homme, les enlèvements et les tortures pendant que certains hommes politiques se sont terrés bunker ou cherchaient à avoir les faveurs des princes du jour.

La jeunesse malienne a encore refusé la partition de fait du pays et s’est fortement mobilisée contre les jihadistes et les narcotrafiquants au nord comme au sud. Souvenons-nous de la brave résistance des jeunes de Gao et cela continue encore. La jeunesse malienne a été le moteur de la sortie de crise et elle doit être écoutée si nous devons parvenir à une sortie durable de crise pour construire la paix.

 

Vous avez été commissaire à la défunte Commission dialogue et a réconciliation, qu’est-ce qui vous a marqué pendant cette courte période de recherche de la paix ?

C’est vrai que la Commission dialogue et réconciliation (CDR) à laquelle j’ai eu l’honneur d’appartenir sous la vision éclairée du président Mohamed Salia Sokona a été brusquement et brutalement dissoute par les nouvelles autorités alors qu’elle avait un rôle important à jouer dans le processus de sortie de crise. Néanmoins pendant son court mandat, la CDR avait commencé à poser les balises d’une paix durable au Mali avec l’amorce d’un dialogue constructif et ouvert.

Ce qui a retenu mon attention, c’est l’aspiration profonde du Malien à la paix  et son désir ardent de pardonner, de se réconcilier mais aussi sa ferme conviction que la paix ne se paie pas, mais qu’elle se construit. Partout où nous avons été, c’est ce sentiment que nous avons remarqué chez les Maliens. Et je rappelle que la CDR a été à la rencontre des populations de Kayes à Kidal pour amorcer le dialogue vrai avec le Mali profond.

 

Pensez-vous que le retour de l’ancien président ATT peut aider à la réconciliation, comme le réclament ses partisans ?

La réconciliation nationale ne doit pas être ce train qui va laisser un passager sur le quai, elle doit être inclusive et ouverte. Il est aujourd’hui de l’intérêt du Mali que le président de la République qui aura l’extraordinaire chance et le rôle historique de réconcilier les Maliens puisse faire le premier pas pour faire venir, rapidement, son cadet le président ATT au pays. Il a fait de gros efforts pour arrondir les angles en allant vers les présidents Moussa Traoré et Alpha Oumar Konaré.

Il est souhaitable qu’il puisse continuer ce travail avec celui qui n’est pas aujourd’hui dans le pays et qui peut aussi contribuer à réconcilier les Maliens. Au-delà des anciens présidents qui ont dirigé le pays, il faut arrondir les angles à tous les niveaux, car le Malien a besoin aujourd’hui de reconnaissance sur la base de la justice et de la vérité. Je crois que ce challenger est à portée de main du président IBK qui a placé son mandat sous le signe de la réconciliation nationale, il faut le rappeler.

 

Une bonne partie de la jeunesse malienne s’identifie à vous et si on vous demandait de donner un conseil lequel vous prodigueriez-vous ?

Seul le travail libère l’homme et il ne sert à rien de renier ses convictions, ses relations pour tel ou tel avantage. Dans la vie, il vaut mieux prendre l’escalier que d’empêtrer l’ascenseur car le second peut être en panne et redescendra vite alors que le premier restera solide et ne risquera pas de s’écrouler aussi rapidement.

 

Ces derniers temps, vos apparitions publiques sont rares. Est-ce-à-dire que vous pensez que tout va bien dans le pays ?

Des fois, c’est une bonne chose de prendre du recul. C’est ce que je fais actuellement. Je prie beaucoup pour mon pays, car je crois en le Mali et j’exhorte tous les maliens à faire de même à tout moment car Allah n’abandonnera pas le Mali qui est un pays bénit malgré le désespoir actuel.

 

Quel commentaire faites-vous  de l’accord d’Alger paraphé par le gouvernement le 1er mars dernier?

Comme je l’ai dit plus haut, la paix ne se paie pas, elle se construit sur la base de la confiance, de la  justice sociale, de la vérité et de l’équité. Aucun accord au monde ne peut satisfaire tout le monde et aucun ne fera la paix mais il constitue une base pour la paix. En ce qui concerne l’accord du 1er mars, il y a lieu de saluer d’abord l’exceptionnelle mobilisation de la communauté internationale aux côtés du Mali.

Il est bon aussi à ce stade de saluer les efforts et le sacrifice de la délégation gouvernementale qui a dû écouter tout le monde, subi et encaissé. Autant il y a des points à discussion dans cet accord, autant il y en a de positifs pour le Mali. Mais la paix dont nous rêvons, la paix que nous souhaitons c’est d’abord entre le Maliens. Il ne faudrait pas qu’on amène les Maliens à accepter pour le Nord ce qui n’est pas possible pour le Centre ou pour l’Ouest. Il ne faudrait pas non plus que par cet accord il y ait des Maliens de premier et de second ordre.

Je pense aussi qu’il y a beaucoup de points dans l’accord qui doivent être suffisamment expliqué aux Maliens au regard du contexte actuel. J’invite donc tous les Maliens au dialogue et au parlé franc autour de l’accord et que nous puissions tous nous inscrire dans la dynamique de la paix, tous ensemble, civiles, militaires, groupes armés, etc.

Propos recueillis par Alpha Mahamane Cissé

 

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