La présidente de l’APDF, Fatoumata Siré Diakité : “La journée du 8 mars doit être une tribune de revendications et non de folklore comme on le voit dans certains pays africains comme le nôtre”

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Chantage d’une militante des « droits des femmes » pour une candidature prochaine à la présidentielle?
Fatoumata Siré Diakité

Dans une interview exclusive qu’elle a bien voulu nous accorder à quelques jours du 8 mars, journée dédiée aux femmes dans le monde entier, la présidente de l’Association pour la promotion et la défense des femmes (Apdf), Fatoumata Siré Diakité, ex-ambassadeur du Mali en République fédérale d’Allemagne, explique la symbolique de cette journée, ainsi que les différents acquis et défis dans le cadre du combat pour la promotion du droit des femmes.

Aujourd’hui  : En tant que femme leader d’opinion de la société civile malienne, quelle est selon vous la symbolique du 8 mars ?

Fatoumata Siré Diakité : La symbolique du 8 mars est très importante et pour nous elle se situe dans le cadre de la revendication des droits des femmes. Car à titre de rappel, ce sont des femmes qui se sont  battues aux USA   pour que leurs droits soient respectés. Elles ont fait la grève jusqu’à ce que leurs revendications soient prises en compte. C’est à partir de ce combat que le 8 mars a été choisi par les Nations-unies comme Journée internationale des  droits des femmes.Cette journée au sens réel du terme est une journée de revendications et de bilan. Les femmes doivent profiter de cette journée pour faire le bilan des acquis et remettre aux autorités des revendications. Aujourd’hui, ces revendications ont pour noms : l’autonomisation des femmes, l’accès des femmes à la justice, la levée de la discrimination dont les femmes font l’objet.

Est-ce que c’est le cas au Mali ?

Malheureusement  non. Il n’y a que du folklore, des uniformes, et on se retrouve au Cicb avec des gros sacs, des défilés de mode. Juste vous dire jusqu’à quel point la journée du 8 mars a  été dénaturée complètement dans certains pays africains comme le nôtre.

S’agissant du bilan dans le cadre de la promotion du droit des femmes, quels sont de nos jours les acquis et les défis à relever ?

Je ne pourrais pas faire un bilan de façon globale sur les acquis au Mali. Je laisse le soin de le faire au ministre de la Promotion de la femme. Mais s’agissant de l’Apdf, nous pouvons dire que notre bilan est globalement positif. Car nous nous sommes fixé pour  objectif  de créer un  centre d’hébergement des femmes victimes de violences et nous l’avons créé ici à Bamako, avec  40 lits. A Mopti également, nous avons un centre pareil avec 20 lits, avec des salles de prises en charge psychologique, médicales. De  2015 à nos jours, ce sont plus d’une cinquantaine de femmes qui ont bénéficié de consultation psychologique. De janvier 2015 à aujourd’hui, plus de 300 femmes ont été écoutées par l’Apdf dans le domaine de l’aide juridique et l’assistance judiciaire. Et 6O ont bénéficié d’une prise en charge médicale. Même en début de cette semaine, nous avons reçu un couple en manque de communication. Pour la petite histoire, le mari voulait impérativement que sa femme travaille, qu’elle soit active avec son diplôme. Nous avons réglé ce différend en offrant à la jeune femme un stage à l’Apdf. Nous recevons quotidiennement des couples de ce  genre avec des motifs différents.

Il y a des femmes qui viennent nous voir aussi pour des problèmes fonciers, des problèmes d’héritage.

Dans la journée d’hier aussi, nous avons reçu une femme de Bafoulabé dont le mari est décédé. Bien vrai que son mari défunt a des héritiers, le maire de la localité a transféré le titre de propriété de sa maison au nom du frère du défunt, avec pour argument que le défunt mari avait déjà une maison à son nom et pourquoi ne pas donner celle-là. Vous avez vu comment les choses sont compliquées. Dans nos différentes actions sur le terrain, nous avons donné des actes de naissance aux enfants de  Tombouctou et Gao qui sont nés sous la crise car l’acte de naissance est le premier document administratif et civil d’une personne. Nous en avons donné  1 200 à Gao, 1 000 à Tombouctou. Nous allons faire 1 500 à Kidal, mais cette fois-ci ce ne serait pas avec les enfants nés sous la crise, mais les enfants nés entre  2009 et 2015. Et nous projetons de prendre en charge l’inscription des filles de Kidal à l’école pour la première année en leur donnant en même temps les fournitures scolaires. Après Kidal ville, nous allons établir des actes de naissance pour les enfants de Tessalit, à la demande du député de cette localité. Hombori et Douentza font partie de notre plan d’actions pour 2016.

Toutes ces actions demandent forcément des moyens. D’où tirez- vous donc  vos ressources financières ?

Nous faisons toutes ces actions grâce à l’accompagnement de  nos partenaires. C’est l’occasion pour nous de les remercier  pour leur confiance. Ces partenaires savent aussi que quand ils nous donnent de l’argent pour quelque chose, on investit dedans. C’est pourquoi, nous prenons soin aussi de leur envoyer les rapports des différentes activités. En plus d’une Ong allemande qui nous finance, tous les ans pour les actes de naissance, nous partons aussi vers le secteur privé comme la Fondation Bank of Afrika qui nous appuie beaucoup. Bref, nos partenaires sont nombreux. Je tiens aussi à vous préciser que nous célébrons des mariages civils entre des couples qui sont mariés de façon coutumière. Pour votre information, certains de ces mariages sont vieux de plus de 30 ans. Nous faisons aussi  la formation des hommes afin qu’ils soient nos ambassadeurs contre les violences faites aux femmes. Nous avons fait aussi la formation de la chaine professionnelle qui s’occupe de ces violences, à savoir les médecins, les policiers, les gendarmes, les magistrats, les avocats et les gardiens de prisons. Toute cette chaine de formation a été préparée par nos soins afin de les amener à un changement de comportement pour qu’on puisse avoir des points focaux au niveau de ces différents services

Dans le cadre de la protection des droits des femmes, avez-vous un appel à lancer aux autorités et aux femmes maliennes ?

J’invite les autorités à avoir une volonté politique affichée et progressiste car nous avons eu la loi sur la promotion du genre, mais nous, à l’Apdf, nous pensons que les femmes maliennes méritent  plus que les 30% qui demeurent en deçà de l’engagement des femmes dans le développement de notre pays. Les femmes sénégalaises en sont à la parité. Elles ne sont  pas meilleures que nous dans le cadre de leur implication dans la vie active. Si nous commençons par 30%, quand atteindrons-nous la parité ? Par ailleurs, je demande aux autorités de faire en sorte que le  code de la famille et des personnes qui  a été adopté dans la précipitation et sous le chantage en 2011 soit déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale pour qu’elle soit en phase avec nos époques et les réalités du pays.

L’autre phénomène sur lequel je vais insister, c’est le fait que, de plus en plus  de femmes sont tuées par leur conjoint. Cela est inacceptable et inadmissible. Nous avons assisté ces derniers temps à des scènes horribles et aucun membre du gouvernement n’a réagi pour condamner ces actes barbares, je voudrais parler du cas Kamissa et d’autres. En plus de cela, une autre  fille a reçu plusieurs balles de son mari. La fille est parvenue à faire condamner l’auteur des coups à cinq ans de prison au tribunal, avant que la justice, après appel de son bourreau, ne le blanchisse encore plus tard. Ce sont ces injustices judiciaires dont les femmes sont victimes. Les femmes maliennes ont besoin de justice.L’appel que j’ai à lancer aux femmes, c’est de les inviter à l’unité. Nous devons mettre de côté nos  ambitions personnelles afin que les autorités puissent prendre au sérieux nos préoccupations.

Réalisé par Kassoum THERA

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