Le Pr. Younouss Hamèye Dicko : « Nous n’avons plus l’armée que Modibo Kéita nous a léguée »

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Younouss Hameye Dicko
Younouss Hameye Dicko

Nous marchions dans le vide, nous avons fait un mauvais réveil de voir que, finalement, le pays était laissé à lui-même, les populations à elles-mêmes et ça, il  y a un gouvernement qui en est responsable »

La mise en œuvre démarre difficilement. Que pensez-vous du quota des représentants de chaque partie?

Il faut aller à la mise en œuvre avec franchise, détermination et confiance. Les difficultés de la mise en œuvre ne sont ignorées de personne, ni le gouvernement malien, ni la communauté internationale, ni les mouvements armés de part et d’autre et surtout, ni le peuple malien. Nous savons que la mise en œuvre va être difficile, mais ce n’est pas pour cela que nous n’allons pas mettre en œuvre franchement. Nous sommes des hommes intelligents, les uns et les autres et il n’est pas interdit de croire que nous allons rencontrer des difficultés. Les difficultés, nous allons les examiner ensemble,  nous avons des médiateurs avec nous et la raison la plus raisonnable va prévaloir. Notre pays a des contraintes et il faut parler de coûts. La mise en œuvre est lourde, mais il y a plus lourd politiquement. Au début, ils ont dit qu’il faut développer le pays, nous avons tous cru que c’était ça. Mais, développer, développer, c’est arrivé à un niveau où c’est de la provocation. Nous sommes un pays dont les salaires des fonctionnaires sont quelquefois aidés par l’extérieur. Il ne faut pas nous demander un développement jusqu’à une certaine limite, car, nous ne pouvons pas…donc, il a profité pour dire : « je fais la guerre, parce vous avez développé ça ». C’est de la provocation. J’estime à ce niveau là qu’il y a des problèmes politiques plus difficiles que les problèmes financiers de mise en œuvre, parce que ce que nous ne pouvons pas, il ne faut pas nous le demander.  On ne va pas demander à la France et aux Etats unis de donner de l’argent sans contrepartie, sans rien et même si on te donnait ton indépendance, tu verras comment ça se passe. A propos des quotas, vous ne pouvez pas faire éclater la fonction publique malienne en y injectant des contingents qu’elle ne peut pas supporter. On ne peut pas injecter dans l’armée malienne des contingents qu’elle ne peut pas contenir. La discussion s’arrêtera là où la raison s’arrête.  Le problème qui s’est posé pour l’armée, par exemple… il fut un moment dans le Nord où on ne pouvait pas tenir militairement. Ce n’est même pas à cause du nombre de nos soldats présents dans le Nord, ce n’est pas à cause de l’armement de nos soldats présents au Nord. C’est à cause de la gouvernance de l’armée. Politiquement, l’armée était mal gérée, mal commandée, mal manœuvrée et même mal instruite et à ce titre, l’armée ne peut pas soutenir une guerre. Théoriquement, il n’y a pas un pouvoir politique fort derrière l’armée pour lui dire : c’est ça qu’il faut faire et non pour lui dire, il ne faut pas faire ça ! On a vu l’armée qui encercle l’ennemi et c’est de Koulouba qu’on lui dit de desserrer son étau. L’armée ne pouvait pas combattre dans ces conditions là. Ce qui veut dire aussi qu’il y a une armée qui n’est pas adaptée au terrain. Il est nécessaire dans ces conditions là, dans la nouvelle armée que nous voulons former qu’il y ait des hommes adaptés au terrain, des hommes qui connaissent le terrain, ça c’est important, mais naturellement ça ne signifie pas que ce sont seulement des Sonhraïs qu’il faut mettre là-bas et qu’il n’y ait pas de Sénoufos là-dedans, dans ce cas, ce n’est plus l’armée malienne. C’est ça le problème. Parce que ce que les gens craignent, c’est peut-être une erreur aussi. Si on met des hommes dans l’armée proportionnellement à leur représentativité, il n’y aura que des Sonhraï dans l’armée au Nord. Les autres n’auront qu’un ou deux. Donc, ce n’est pas comme ça que ça va se passer. On ne va pas amener rien que des Touarègues, rien que des Arabes, mais c’est tous les hommes qui connaissent le terrain, c’est-à-dire, les Sonhraïs, les Peuls, les Bambaras, les Senoufos, les Sarakolés… qui sont là-bas. Si la capitale du Mali était Gao, il n’y aurait jamais eu le problème de Kidal parce que Koulouba serait à Gao. Ce n’est pas sous son nez qu’on va faire des rébellions, il y a les hommes qu’il faut pour faire ce travail là. Je ne m’inquiète pas particulièrement pour  le moment, pour ce qui se passe à Sikasso. C’est parce que je sais que Koulouba est à côté et qu’on connait très bien ce qui se passe à Sikasso, on connait le terrain, on connait tout. Les hommes sont adaptés à Sikasso. La rébellion à Sikasso ne peut pas nous inquiéter autant que ça nous inquiète dans le Nord. Donc, je pense qu’il ne s’agit pas de mettre dans l’armée au Nord que des Arabes et des Touarègues, c’est inimaginable, ce serait une autre guerre, parce que les Sonhraïs ne l’accepteraient pas, les Peuls ne l’accepteraient pas, les Bambaras ne l’accepteraient pas, les Sarakolés ne l’accepteraient pas, ce sera  encore une fois de façon raisonnable que nous allons faire les intégrations dans l’armée et dans la fonction publique.

Ne pensez-vous pas que la décentralisation prévue dans l’Accord ne soit pas trop poussée ?

Oui ! Mais je crois que la décentralisation est très coûteuse, même celle qui n’existe pas dans les textes de l’Accord. Nous avons commencé notre décentralisation depuis 1998, 1999 et jusqu’aujourd’hui, il y a très peu de transfères financiers, en ressources humaines, au niveau des communes. Par contre, pour la plupart des communes qui marchent, c’est parce que c’est elles-mêmes qui génèrent leurs ressources et  c’est l’extérieur qui les aide. Effectivement, cette décentralisation a produit des effets miraculeux, dans le Nord, par exemple. La décentralisation a permis beaucoup de choses, il y a beaucoup d’écoles, de points d’eau qui n’auraient jamais existé si on avait laissé ça à l’Etat tout seul. Aujourd’hui, le problème qui se pose, c’est qu’on a rendu obligatoire, dans l’Accord, la décentralisation dans son aspect financier. Il est dit dans l’Accord que l’Etat transfère 30%  de son budget à l’ensemble des collectivités territoriales. Beaucoup de gens croient que les 30%, on les transfère sur Gao, Tombouctou et Kidal, c’est une erreur. Si nous avions suffisamment de ressources pour transférer sur Gao, Tombouctou et Kidal, pourquoi pas ? mais ce n’est pas le cas. Ce sont les 761 collectivités territoriales qui sont concernées. Pas seulement les 703 communes, mais il y a les cercles, les régions, qui, aujourd’hui, sont au nombre de 8, plus le district, donc, je crois que ça coûte vraiment très cher, mais il faut essayer. Ils ont oublié d’entrer, non plus dans la décentralisation, mais dans la régionalisation. Là aussi, il y a une grosse confusion chez les uns et les autres, il ne s’agit plus de décentralisation, il s’agit de régionalisation. La régionalisation est un acte politique. Elle n’est pas pareille que la décentralisation qui est administrative. Il s’agit de la régionalisation qui donne des pouvoirs aux Régionaux et qui peut inquiéter le pouvoir central. Le président de région est élu au suffrage universel, il répond devant les populations qui l’ont élu, mais dans le cadre de l’unité nationale, l’intégrité territoriale, dans le respect du caractère républicain  et laïc de l’Etat. Donc tout ça est balisé et il suffit d’avoir des hommes et des femmes à Koulouba pour réaliser cela. La décentralisation, voire la régionalisation a un très grand coût chez nous, mais la communauté internationale, garante de l’Accord, est impliquée, donc, elle va aussi participer à la dépense.

Cette décentralisation va-t-elle dissiper le sentiment d’abandon de certains ressortissants du Nord qui pensent être lâchés par le Sud ?

Je crois que c’est une erreur de langage, d’interprétation. Le Sud n’abandonne pas le Nord. Le Sud n’a pas de responsabilité dans ce problème. C’est le gouvernement qui en a et le gouvernement n’est pas sud, il n’est pas nord, c’est le gouvernement malien. Même s’il n’était constitué que d’hommes du Sud, c’est le gouvernement du Mali, ce n’est pas le Sud. D’autant plus que notre constitution ne fait pas état ni de Sud ni de Nord, ni de Centre, ne fait pas état d’ethnie, de région, nous avons toujours été une Nation. Avant ces mouvements là, quand le président formait son gouvernement, qui se préoccupait de savoir s’il y a là-dedans, un Sonrhaï, un Touarègue, un Bambara, ou ceci ou cela ? On pense qu’objectivement, une Nation constitue son gouvernement sur des bases légales et normales. Donc, c’est un tort de dire que le Sud a abandonné, le Sud n’a rien à voir dedans, c’est Koulouba qui a quelque chose à voir là-dedans, et à Koulouba, il y a tous les types dedans, il y a les Nordistes, les Sudistes, les Occidentaux, les Orientalistes, les Centristes, etc. etc. s’il y a un grief à faire, ce n’est pas au Sud, c’est au gouvernement. Je reste convaincu que pour la réconciliation nationale, il faut que le gouvernement malien présente ses excuses aux populationsCe n’est pas seulement la population du Nord, c’est la population malienne dont on a abandonné une partie de son territoire à des Jihadistes, à des criminels, pendant si longtemps. Ça, c’est la faute de la gouvernance, non de la population du Sud. L’histoire d’abandon ne vient pas du Sud, c’est l’abandon du Nord par le pouvoir du moment en place, mais le pouvoir est une continuité. S’il a fauté un moment, c’est un pouvoir qui n’a pas fauté qui présente ses excuses. On a vu ça dans le monde entier. Après ce que nous avons vécu ici en 2006, avec les accords d’Alger, en janvier 2012, avec l’invasion de notre pays, les 17 et 21 mai 2014, nous avons compris que nous n’avons plus ce que nous croyions avoir. Nous n’avons plus l’armée que Modibo Kéita nous a léguée. Nous marchions dans le vide, nous avons fait un mauvais réveil de voir que, finalement, le pays était laissé à lui-même, les populations à elles-mêmes et ça, il  y a un gouvernement qui en est responsable. Il faut dans ces conditions là que ce soit le gouvernement qui présente des excuses à la Nation malienne pour ne plus recommencer à abandonner les populations à leurs tortionnaires, puisque la prochaine fois, on ne sait pas ce qui va se passer. Ça, on ne peut le réussir qu’avec une armée bien en place, bien entrainée, solidement républicaine et solidement malienne… nationale.

B.D.

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11 COMMENTAIRES

  1. Le professeur n’est pas professeur pour rien , il a de la jugeote .
    Il serait très intéressant de lui donner très souvent la parole afin qu’il éclaire les maliens .
    Cet accord d’Alger très difficile qu’il soit dans son application , sera appliqué dans la limite du raisonnable et du supportable pour le Mali . Il ne sera nullement question de demander au Mali de faire l’impossible , car à l’impossible nul n’est tenu . Comme le dit si bien le professeur , nous sommes un peuple intelligent et certaines incohérences seront corrigées au fur et à mesure sur le terrain au moment de l’application de l’accord . Que dieu bénisse le Mali

  2. L’armée de Modibo keita a été décimée par Moussa Traoré et sa bande de roitelets . Pour les sots , le déclin de notre armée commença avec l’ère démocratique, ce qui est faux. C’est Moussa traoré qui a mis l’armée malienne par terre avec des purges imaginaires dans des complots bidons. Moussa traoré a tué 87 officiers maliens dont Yoro Diakité, Diby silas Diarra,Jean Bolon samaké, Abdoulaye Diallo dit DAX, colonel Sekou Traore etc…..et le temps de ATT arriva où on pouvait décrocher le grade de Lieutenant en invoquant seulement le nom de LOBBO.
    Le niveau général dans l’armée est tellement bas que vous aviez tous constaté le premier communiqué( des putschistes) lu par le Lieutenant Konaré qui lit comme un enfant de la 3 eme année. Une journaliste de RFI dira que le lieutenant lisait avec avec abnégation

  3. A chaque fois que je vois ce monsieur , je ris jusqu’aux larmes en me remémorant d’une de ses phrases assassines décochée contre IBK dans un journal de la place: il dit en substance que chaque fois qu’un cadre veut entamer une carrière politique , il se cherche un VILLAGE. En effet, IBK avait complètement oublié Koutiala pendant des décennies, c’est quand il créa le RPM qu’il commença à s y intéresser pour avoir au moins quoi dire….enfin pendant longtemps ibk voyageait avec un passeport français …qui a subitement disparu.. quand il sentit les odeurs des nectars de Koulouba. Qu’il est fort l’ami et le frère de Tomi le parrain des parrains.

  4. A chaque que je vois ce monsieur , je ris jusqu’aux larmes en me remémorant d’une de ses phrases assassines en parlant de IBK dans un journal de la place: il a dit en substance que chaque qu’un cadre veut entamer une carrière politique , il se cherche un VILLAGE. En effet, IBK avait complètement oublié Koutiala pendant des décennies, c’est quand il créa le RPM qu’il commença à s y intéresser pour avoir au moins quoi dire….enfin pendant longtemps ibk voyageait avec un passeport français …qui a subitement disparu.. quand il sentit les odeurs des nectars de Koulouba. Qu’il est fort l’ami et le frère de Tomi le parrain des parrains.

  5. Je reste convaincu que pour la réconciliation nationale, il faut que le gouvernement malien présente ses excuses aux populations. contradiction, pourqoui le Gouvernement doit impérativement présenter ses excuses aux population. Je pense notre professeur à un agendant. Qu’il nous dise exatement ses intentions.
    en tout cas , le conseil precieux que je lui propose est la suivaante:
    – il a fait son temps, maitenant qu’il nous laisse tranquille point bar

  6. Merci , professeur . A ce que je sache , un militaire bien entrainé , suffisamment instruit et mieux équipé pourra s’adapter à tous les terrains où qu’il soit sur l’oeukumen et s’orienter facilement à la faveur des NTI . Une armée dite nationale ne saurait se bâtir sur le fait originaire , contraire à l’unité et à l’esprit de la nation . Nous voulons une seule armée sans relent régionale redéployée et présente sur l’ensemble du territoire conformément à sa mission à côté d’une police territoriale rattachée à la police nationale .

  7. CE MONSIEUR EST UN GRAND ESCROC
    DEPUIS 1991 IL EST DANS TOUTES LES SAUCES
    CUBE MAGGI
    TRANSITION AVEC ATT
    LES DEUX MANDATS DE ALPHA
    LES DEUX MANDAT D’ ATT
    AVEC SANOGO
    AVEC DIONCOUNDA
    MAINTENANT AVEC IBK
    CE DERNIER DOIT BEAUCOUP FAIRE ATTENTION A CE MONSIEUR

  8. Mes très chers journalistes, il est important que vous multipliez les

    interview des professeurs pour que nous les jeunes apprennons.

    C’est par ce qu’il y a le vide, qu’on voit les donneurs de leçons de

    n’importe quel pays.

    On a des grandes écoles qui ont des professeurs, donc interviewez les.

    Mettons nos professeurs en valeurs.

  9. Oui, Professeur cela est une vérité indéniable, mais la confiance que Modibo KEITA a porté à son armée était trop grande, et c’est de cette même armée que la trahison a vue le jour avec le coup d’état de Novembre 1968. C’est ainsi que sous Alpha Oumar KONARE, la peur de cette armée a permis a ce dernier de commencer l’affaiblissement de l’armée et mettant en retraite anticipée tous les grandes hommes bien formés. C’est de ce point que l’armée a commencée à tomber en décrépitude pour ne devenir finalement qu’un cercle de généraux mal formés avec des hommes troupes sans entrainement et sans équipement sous ATT. Il faut avoir confiance à son armée tout en mettant des garde fou pour éviter ce qui est arrivé à Modibo KEITA, le coup d’état. Pourtant le coup d’état de Novembre 1968 était parfaitement légitime, car le peuple avait faim et ne savait pas à quel saint se vouer.

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