Nahawa Doumbia, la reine du Didadi : ''Je possède des ''djinns … comme tout le monde

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C’est une Nahawa Doumbia très souriante et très déconcertée que nous avons rencontrée en cette veille de Noël à l’hôtel Djenné à Missira. "Je possède des ”djinns” …et il m’arrive d’avoir des visions prémonitoires comme tout le monde, mais je ne suis ni un marabout ni un féticheur", nous a déclaré la consécration de l’année. C’était en réponse à une question sur les pouvoirs extraordinaires qui lui sont prêtés par une certaine opinion, la faisant passer en quelque sorte pour une artiste un peu hors du commun. L’entretien s’est déroulé en bamanan. Traduction.

 

Bonsoir Nahawa, vous êtes à Bamako dans quel cadre ? Un programme d’animation pour les fêtes de fin d’année, ou quoi ?

Bonsoir ! Non, je suis juste de passage pour la Côte d’Ivoire. Je prends mon avion demain dans la matinée et ne serai de retour que le 30 de ce mois.

 

Ah, bon! Nahawa, vous venez de vous offrir le Tamani d’or… quelle sensation ça vous fait ? 

C’est une bonne chose. J’ai été surprise d’avoir été lauréate de ce grand prix.  Je ne m’y attendais pas. Je suis très contente d’avoir gagné ce grand trophée de la musique malienne et d’Afrique. Le Tamani est un honneur et a une grande renommé internationale. Je suis satisfaite et remercie les organisateurs et surtout mes fans à travers le Mali et l’Afrique entière dont le concours m’a permis d’être à ce niveau”.

 

Le fait de remporter le Tamani d’or, vous a apporté un autre motif de satisfaction ?

Oui, c’est une opportunité qui nous promeut mieux en jouant positivement sur notre popularité à travers l’Afrique et le monde entier. C’est une occasion pour nous faire connaître davantage. Car, certains vont nous découvrir à travers le Tamani d’or.

 

Nahawa aborde en général quels thèmes quand elle chante?

J’évoque dans mes chansons les préoccupations des femmes, les faits de société, les rapports qu’entretiennent les  individus entre eux à l’effet de susciter une vie sociale harmonieuse. Je parle également du mariage et de l’éducation des enfants dans la famille. En général, j’essaie, à travers mes chansons, d’orienter et de guider les gens sur la bonne voie. 

 

Combien d’albums avez-vous sur le marché discographique ?

Nous avons commencé à chanter longtemps, bien avant qu’on ne commence à produire des cassettes au Mali car la production d’albums est une activité récente dans notre pays. Et j’ai sorti un premier album et le deuxième est venu bien après. Je pense que je dois avoir plus d’une dizaine d’albums. Entre 11 et 12.

 

Votre dernier album, ”Kabako”, a beaucoup plu aux fans. Quel est le message que vous voulez à transmettre au public à travers son morceau- phare du même nom ?

”Bakoroni dougoutigui souroukou koro dunan do tina do kè nandji ye. Bama ni minignan ni ye o luw ye kèlè la, o ye kabako de ye o tè kèla”. Un bouc chef de village où l’hyène est l’étranger ? Inévitablement, l’un va faire de l’autre sa proie. Il n’y a en principe aucune raison que le caïman et le python se battent, quand cela se produit, c’est simplement un inédit. Ils vivent tellement en harmonie dans l’eau que leur collision ne peut être interprété que comme un signe annonciateur d’événements particuliers.

 

Les gens pensent que Nahawa a voulu exprimer ses connaissances mystiques à travers cette chanson. Qu’en pensez-vous ?

Non, ce n’est pas tout à fait ça. Les gens ont fait de moi un connaisseur, alors que je ne sais rien. Je devrais être un connaisseur mais, ce n’est pas encore le cas. Peut-être, ça viendra avec le temps. Je ne suis donc ni un marabout, ni un féticheur. Mais, on pense que je possède tout. Je reconnais tout de même que j’ai une bonne réflexion et qu’il m’arrive d’avoir des visions qui se réalisent par la suite. Quand je calcule (prédis) ce qui doit se produire généralement ça ne sort pas de mes prédictions. Quand je vois les choses venir de loin, je prends mes précautions. ”Ni a ma kè hadama denya doni ye a tè na kè walidjou ya doni ye ?”, (rires). En d’autres termes, cette faculté de lire dans le futur pourrait s’expliquer par l’expérience de la vie ou, peut-être, par une sorte de prophétie. Les signes sont nombreux. Les gens parlent aussi des relations que j’entretiendrais avec les djinns. On dit que je m’y connais.

 

Et alors, quelle est votre opinion ? 

Chacun de nous a un djinn. Il peut arriver que certains en aient en nombre important. Certains estiment que Nahawa en a suffisamment. (Elle a dit ça en riant). Ce que je vais te dire, chanter est un don pour moi. Dieu m’a donné plus de facilité dans la conception des chansons. Pour faire une chanson, je n’ai pas besoin d’aller cherche loin. 

 

Est-ce que vous avez un nouvel album en vue ?

Pas dans l’immédiat, c’est Doussou qui est en train de préparer un nouvel album. Après la sortie de cet album, je vais voir ce que je peux faire”.

 

Parlant de Doussou, vous pouvez nous dire ce que vous pensez d’elle?

Doussou est une débutante qui n’est pas encore mûre. Mon souhait est qu’elle aille de l’avant et qu’elle puisse un jour être comme moi. Et même me dépasser dans l’avenir. 

 

En dehors de la musique, est-ce que vous menez d’autres  activités ?

J’ai été infirmière. J’ai commencé ce travail étant très jeune. C’est grâce à la musique que j’ai pu devenir infirmière.  C’est en récompense de mon soutien à la jeunesse de Bougouni à travers la biennale que le régime du général Moussa Traoré a fait de moi une porteuse de blouse blanche.

 

Quand vous vous levez le matin, quelle est votre 1ère activité ?

Quand, je me réveille le matin, la première chose que je fais c’est de me laver et faire ma prière, faire des bénédictions au prophète (SPL), à moi-même, à ma fille et à mes parents. C’est la première des choses à faire. Si je n’ai pas de courses à faire, je suis toujours à la maison.

 

Que pensez-vous de la polygamie ?

Ce n’est pas une bonne chose car le polygame ne peut pas satisfaire toutes ses épouses. Le fait d’être dans de bonnes conditions pousse certains à la polygamie. Par contre, les difficultés d’avoir un enfant contraignent d’autres à être polygames. Dans certains cas, c’est la mésentente au sein du couple qui oblige des hommes à prendre d’autres femmes. Il ya certains qui épousent plusieurs femmes par plaisir, les raisons fondant cette option diffèrent.

 

Vos multiples voyages ne suscitent pas de divergence dans votre vie de couple ?

Ça ne cause pas de problème. N’importe quel homme qui prétend se marier avec moi sait que mon travail est mon premier mari. Nous nous engageons sur ça. Le travail représente aussi mon père et ma mère.

Certains pensent que vous êtes autoritaire sur votre mari, cela est-t-il vrai ? 

Tout dépend de la compréhension au sein du couple. Je ne domine pas mon mari, mais nous nous comprenons plutôt bien. ”Muso tè se cè la” la femme ne peut pas avoir d’autorité sur l’homme dans le foyer. Je peux dire que nous nous entendons bien seulement.

 

Qu’est ce que vous aimez dans la vie ?

C’est d’avoir une longue vie, une bonne santé et une bonne fin.

 

Et qu’est ce que vous détestez le plus ?

Je déteste le mensonge plus que tout. Je n’aime pas non plus qu’on m’oblige à aller au-delà de moi-même. Et on ne peut pas dire qu’on déteste la mort car elle est inévitable.

L’histoire de l’énigmatique Nahawa …

 

Ousmane Coulibaly

 

Dotée d’un physique de petite fille mutine, Nahawa Doumbia est incontestablement l’une de nos grandes chanteuses de renommée internationale.  Née à Mafélé, petit village proche de la frontière ivoirienne, elle fût élevée à Bougouni. Mais, au-delà des kilomètres qui peuvent séparer ces deux agglomérations, la petite Nahawa revient de bien plus loin. Sa mère est morte en la mettant au monde et son père, pris de folie et de douleur, a voulu enterrer ce bébé maudit à la naissance. Nahawa n’eut la vie sauve que grâce à l’intervention de sa grand-mère qui la recueillit. Mais, décidément, le destin semblait s’acharner sur ce nouveau-né puisque la vache de la grand-mère était trop âgée pour donner du lait. On trouva donc en catastrophe une autre vache pour nourrir l’enfant mais un orage éclata et la vache mourut, frappée par la foudre. La grand-mère de Nahawa fit alors le tour du village, quémandant du lait aux femmes qui venait d’accoucher. On devine sans peine que l’histoire de sa naissance et de sa survie miraculeuse a dû lui être racontée un certain nombre de fois, lui forgeant une légende à l’âge où d’autres se contentent de faire leurs premières dents. Par la suite, son parcours est plus classique. Découverte par les agents du ministère de la Culture alors qu’elle chantait en groupe avec ses amis, elle participe aux "Semaines de la Jeunesse" à l’échelon local tout d’abord puis régional. En 1980, elle prend part à la "Biennale de la jeunesse" -qui se regroupait tous les deux ans à Bamako- et gagne avec Tinye De Be Laban. Forte de son succès, elle se présente alors au "Concours Découvertes" de Radio France International dont elle a été lauréate en 1981. Fidèle à la tradition musicale du Wassoulou (balafon, kamele n’goni, guitares et percussions), Nahawa Doumbia a gagné ses galons sur la scène internationale.

Ses textes ont une dimension sociale, donnant des conseils sur la conduite à tenir ou commentant des évènements de la vie.  Bien qu’elle ne sache ni lire ni écrire, Nahawa Doumbia est l’auteur de la majeure partie de ses textes et de ses musiques. Elle puise son inspiration dans la vie de tous les jours, dans sa propre histoire comme miroir de la douleur du monde. Douleur qu’elle connaît malheureusement bien puisque, avant de devenir une chanteuse à succès, elle a travaillé pendant douze ans comme infirmière.

Source : Mondomix

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