22 septembre 1960 – 22 septembre 2017 : Indépendance Compromise

0
Dépôt de gerbe de fleurs au monument de l'indépendance
Dépôt de gerbe de fleurs au monument de l'indépendance

Les géographes pour illustrer une déaduce, une chute, parlent d’une précipitation depuis l’Everest (le sommet le plus élevé du globe) jusqu’aux fonds des Mariannes (les fosses les plus profondes de la Terre). Le Mali est – il dans une chute libre ? Hier débout, marchant tête haute. Aujourd’hui rampant, tête basse alors qu’il avance en âge. 22 septembre 1960 – 22 septembre 2017, qu’en est – il  ? Ainsi donc, la République du Mali a 57 ans.

Nous étions entrain de faire nos premiers pas, titubants, dans la vie. L’euphorie devait être grande si l’on sait que les artisans de l’Indépendance étaient fusionnellement en phase avec les aspirations, héritières d’une République Soudanaise, patrie des hommes intègres, héroïques, ayant le sens de l’honneur et de la dignité qui les rendait énigmatiques aux yeux du Colonisateur et des autres, mêmes Africains.

Nos parents croyaient sans doute que s’ouvrirait pour leurs progénitures une ère de liberté, de joie de vivre agrémentée par une prospérité générale, variée, croissante d’un mois à l’autre, d’une année à l’autre.

Sans doute, leurs pronostics n’ont pas été trahis de 1960 à 1968 quand le fils de Daba Keïta tenait la barre. Une Monnaie nationale, le Franc Malien, Cinquante – six (56) sociétés et entreprises d’Etat, une Armée Nationale, une Ecole nouvelle, une Jeunesse éduquée, entraînée à relever les grands défis. Le tout étant impulsé par un Plan quinquennal de développement, une Diplomatie d’une luminosité remarquable dans le monde entier, un Peuple débout, bâtissant son avenir.

Puis, les ténèbres du 19 novembre 1968 s’ouvrirent. Ce fut le début d’une chute vertigineuse, l’espoir brisé en mille morceaux sans la conduite d’un comité militaire dit de ” libération nationale ” tenu, selon tous les témoignages, par la racaille de l’Année nationale naissante de notre pays. Une racaille inculte au plan intellectuel, faible au plan militaire, bourrée de carences au plan moral. Telle sont encore, observe t – on, les caractéristiques les plus visibles du pouvoir au Mali.

Les lendemains du 26 mars 1991 (date de la fin de ce qui restait du comité militaire) passés, des efforts commencèrent à être déployés pour remise du pays dans la trajectoire des années 60, tragiquement obstruées par 23 ans de dépersonnalisation, de démantèlement des soubassements du développement, de déni de justice, des droits et libertés individuels et collectifs, de dictature non éclairée, sous les poussées du volontarisme politique du fils de Dougoukolo Konaré. Mais depuis 2008, notre pays semble couler de façon inéluctable. Déjà, le calvaire des jeunes diplômés, la croissance exponentielle des maux que sont la corruption, le népotisme, l’enrichissement fabuleux des proches du pouvoir, le clientélisme politique, notamment dans l’Administration, étaient à leur paroxysme. Ces maux s’approfondissent malheureusement depuis 2013 avec une incroyable utilisation démentielle des ressources publiques sans que le Peuple voie bouger, en régression, les précarités, les marginalisations, les injustices sociales qui l’accablent.

Nos parents ont fini de croire et d’attendre les promesses de l’Indépendance acquise en 1960 à un moment où le Soudan, désespérément oublié par le Colonisateur en matière d’infrastructures de développement, était un pays non maniable.

Aujourd’hui encore, il est peu enviable, quasi effacé de la scène internationale, par la volonté de l’ancienne puissance colonisatrice, manipulant de jeunes Touaregs, apatrides, mais aussi des bi -nationaux, Maliano -français tenus par les obligations, les exigences de leur ” francité “. Il ne parait aucun horizon fertile pour le développement du Mali, peut – on dire. Il n’y en aura pas tant que durera la mainmise française sur les rênes de notre cher Mali.

Dès lors, chacun peut comprendre aisément le discours creux à la Nation que livra le Président de la République, à l’occasion du 57ème anniversaire du 22 septembre.

Parce que, selon lui, le Mali ” a bien organisé le Sommet du G5 “, ” le Sommet Afrique – France “, il est ” débout “, il est ” de retour “. C’était tellement désespérant d’entendre de tels raisonnements dans l’entrée d’une adresse à la Nation. Cela devrait être, à notre entendement, un instant suprême pour insuffler aux populations toute l’énergie mentale, physique, toute l’espérance créative de l’avenir dont a besoin vraiment la Nation.

Il est vrai qu’il a dû sentir cette nécessité. Car, il s’est un peu plus étendu sur la question de la paix. Mais, des reproches sont à mettre à son passif. Elu pour régler la question dite du Nord du pays, rien que cela, dès sa prestation de serment, il refusa l’ouverture de discussions ” le dos au mur “, ” le couteau sur la gorge “. Dire aujourd’hui que toutes les concessions ” pour avoir la paix ” est un impératif, nous surprend car le temps des négociations, la mise en œuvre de l’Accord de paix, sont désormais exclusivement le fait de la CMA (la rébellion armée) et non de l’Etat malien.

Combien de fois, pour un ” oui ” ou pour un ” non, ” les délais ont été repoussés pour satisfaire les rebelles ? Y compris la libération des criminels.

Non ! Il y a eu des concessions inadmissibles dans l’honneur et la dignité du Mali.

Ces concessions sont, à notre avis, des compromissions dangereuses qui n’échappent pas à l’histoire. Parlant de la quête de la paix, le Président, comptant peut – être sur une mémoire courte de l’ensemble de la Nation affirma s’être mis à l’écoute de tout le monde. Non ! Le peuple, les partis politiques, associations de la Société civile, tous avaient réclamé en vain des concertations sur les Accords d’Alger, seuls les gouvernants et les hommes et femmes d’envergure favorable au pouvoir avaient été associés à la conception. Tout le monde sait que le pouvoir était dans un intégrisme politique qui ne souffrait pas de critiques des Accords, de vissions différentes.

C’est uniquement pour ne pas rajouter à la crise au Nord du pays que de façon raisonnable, les uns et les autres avaient décidé de s’accommoder desdits Accords qui étaient en réalité une atteinte à la souveraineté nationale, à l’honneur du Peuple malien, à l’intégrité du territoire, etc.

Le Chef de l’Etat se rend t – il compte que la déception ressentie dans l’application des Accords était de beaucoup dans le rejet du projet de réforme constitutionnelle ? Pour tout dire, la désespérance de nos parents, consécutive au fléchissement jusqu’à l’accroupissement du pays aux mains des gens peu ou pas du tout formés pour le gérer, et qui dans l’ignorance de leurs insuffisances ont osé s’accaparer de ses rênes pour nous couler tout de go, nous ont enserrés nous – aussi dans une désespérance plus étouffante encore.

Nos jeunes frères, diplômés ou non, ont été forcés à l’aventure dans le désert, ou sur la Méditerranée, préférant la mort à la honte, à l’indignité de vivre au chevet de leurs parents et grands – parents.

Le discours à la Nation est passé presqu’insensible aux charmes qui minent notre société, aux carences de l’architecture politique, mais surtout au tarissement du génie de Bâtisseur que les tenants du pouvoir n’ont pas hérité de l’expérience de leurs devanciers, en matière de développement économique. Ce fut un discours hermétique, ne donnant aucune lueur, aucune indication sur ce que demain sera fait. C’était donc le seuil absolu de dissipation de l’espoir.

Nous aurions aimé entendre le Chef de l’Etat sur la renaissance industrielle du pays, le bilan des privatisations, l’exploitation aurifère dont le produit est loin de briller pour les localités productrices, ni pour le Peuple.

Nous aurions aimé qu’il nous parlât, justement des slogans, car  c’en était un de la puissance agricole que nous disions vouloir construire. Au – delà des 15% de la part du Budget qui ne sont pas allés au plus grand nombre d’Agriculteurs, nous nous attendions à savoir le pourcentage de souveraineté alimentaire évalué, et ce qui sera fait pour l’autonomie du pays en la matière.

Nous aurions aimé entendre le Chef de l’Etat exposer les perspectives politiques du pays à l’heure où la IIIème République semble poser des pédales, où notre Démocratie cariée par le matérialisme parlementaire, les insuffisances de la Cour Constitutionnelle, et surtout les manifestations à caractère monarchique, aristocratique, qui enceintent l’exercice du pouvoir.

Contre les dispositions jugés inacceptables dans la réforme de la Constitution, comme le Sénat, l’altération du serment présidentiel…, nous aurions aimé que le Chef de l’Etat présentât les substituts acceptables. Car, il y en a qui nous feront gagner en maturité politique. Il fallait, bien sûr, un leadership libre, éclairé et non un ” servilisme. ”

Nous serions apaisés de connaître à ce jour si le retour de l’Administration, au – delà des effets d’annonces, des subterfuges à caractère électoraliste, trompeurs, et celui de l’Etat étaient des réalités.

Celles – ci signifieraient que l’Etat malien était maître de son territoire.

Devons-nous désormais rompre avec la politique des demi – vérités coulées dans du faux ? Le Mali n’est pas ” débout “. Il est encore très malade, ” couché “. Le Mali n’est pas ” de retour “, il est sous tutelle des Nations Unies et la France en profite au sens matériel et moral du terne. Cette France-là, 80% des Maliens en sont conscients, ne sera jamais un pays sincère, un pays ami, vis-à-vis du Mali. Les vrais amis du Mali sont bien connus.

Les Maliens, les vrais, connaissent bien leurs ennemis. En est – il de même pour les tenants du pouvoir, immigrés pendant longtemps et pour beaucoup en France dont ils possèdent aussi la nationalité ? Que faire pour une seconde libération nationale après 1960 afin que vivent dans les cœurs les pulsations d’espérance ?

Bientôt l’année électorale 2018, le Chef de l’Etat, s’il a tiré ” leçons des évènements qui en France, en Afrique et dans le reste du monde ont émaillé les successions de pouvoir, devrait parler à ses compatriotes, en les rassurant. Il y a des circonstances historiques, géo – politiques, qui transgressent les principes de gouvernance pour imposer des inversions inattendues. Personne n’y peut quelque chose. Mais ;, l’homme docte, la sagesse aidant, décrypte, et se détermine pour son bien, pour le bien du pays. Et de ces hommes – là, le Président de la République est à la croisée de courants contraires : Celui des principes de pouvoir, de la volonté politique, et celui du verdict de la géo -politique, de la poussée historique des évènements.

B. KONÉ

Commentaires via Facebook :