57eme anniversaire de l’indépendance du Mali : Les Maliens désenchantés, IBK danse

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22 septembre 1960-22 septembre 2017, le Mali (in)dépendant a 57 ans. Pour fêter l’accession du pays à la souveraineté nationale, le président du Mali Ibrahim Boubacar Kéita a, à un an de la fin de son premier mandat, sacrifié au rituel qui consiste à déposer un dépôt de gerbes de fleurs au monument de l’indépendance et à la prise d’armes à Kati. Lors de cette dernière cérémonie, on a vu un président presque dansant sur le rythme de la fanfare nationale. Ce débordement de joie d’IBK contraste fortement avec le désenchantement des Maliens qui sont aujourd’hui préoccupés par la situation du pays après plus d’un demi-siècle d’indépendance. Mais où est donc notre souveraineté ? S’interrogent certains, estimant que le Mali n’a jamais été aussi divisé qu’aujourd’hui. L’indépendance a été  fêtée, une fois de plus, sans Kidal dans le giron du Mali ; il ne se passe pratiquement pas une journée sans qu’un militaire malien ne soit tué au Nord et au Centre du pays dont plusieurs parties sont occupées par les terroristes;  des centaines de milliers de Maliens vivent aujourd’hui en exil forcé et plus de 500 écoles sont fermées au centre et dans le nord du pays…

La veille de la 57eme commémoration de l’accession du Mali à l’indépendance, Ibrahim Boubacar Kéïta, le président de la République du Mali s’est adressé, à travers un discours à la télévision nationale, au peuple malien. Reconnaissance du leadership du Mali sur la scène régionale et internationale, les efforts et les « avancées » dans l’application de l’Accord, le réarmement moral des Famas , le renforcement de leurs capacités opérationnelles et l’amélioration de leurs conditions de vie, l’allocation de 15 % du budget national au développement rural  et la mise en œuvre effective du programme présidentiel d’urgences sociales, ont été les grands thèmes évoqués par IBK lors de ce discours.  « …J’ai décidé de ne jamais permettre l’éclosion de périls nouveaux au moment même où nous avons tant de défis à relever », a aussi déclaré le président de la République.

Le lendemain, le vendredi 22 septembre 2017, c’est un IBK, visiblement, content et très fier qui s’est « déhanché » sur le rythme de la fanfare nationale lors de la cérémonie de prise d’armes à Kati. Le journal de 20h de la télévision nationale va s’ouvrir sur les images de cette grande joie du premier responsable du pays. Et pourtant le même jour, des Maliens, à l’appel du mouvement « On a tout compris-Waati Sera », vont manifester à Bamako pour plus d’indépendance du Mali.

Les manifestants, de la place de la liberté se rendent à l’Ambassade de France où ils seront empêchés, par les forces de l’ordre, de manifester.  « Nous sommes ici devant l’ambassade de France, pas contre le peuple français, mais contre la politique française à travers sa force Barkhane qui agit tous les jours dans notre pays pour y maintenir  une situation d’instabilité propice à son installation dans la durée en vue d’accomplir ses desseins inavoués…Encore une fois le mouvement « On a tout compris – Waati sera » réaffirme sa détermination sans faille à continuer à dénoncer l’attitude ambigüe et incompréhensible de la France à soutenir mordicus son projet de dislocation de la nation malienne et de partition de notre pays en s’appuyant sur des groupuscules séparatistes, terroristes et narcotrafiquants qu’elle manipule à sa guise », indiquent, dans leur déclaration, les manifestants.

Selon eux, le constat est amer 57 ans après la proclamation de l’indépendance du pays : « Nos dirigeants sont muselés, nos économies sont phagocytées, nos ressources sont pillées, nos armées sont fragilisées, notre éducation est bafouée, nos citoyens sont piétinés, méprisés à l’intérieur comme à l’extérieur…la liste est loin d’être exhaustive », poursuivent les manifestants.

Territoire occupé

Une chose reste certaine: le Mali actuel est très loin du pays que les pères de l’indépendance ont voulu léguer à leurs progénitures. Malgré la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation, le 20 juin 2015 à Bamako, entre les sécessionnistes du Nord du pays et le gouvernement malien, une grande partie du territoire dont Kidal échappe au contrôle des autorités. Certes, les groupes armés (la CMA et la Plateforme) qui s’affrontaient violemment et régulièrement pour le contrôle de Kidal ont, le mercredi 20 septembre dernier, enfin décidé d’enterrer définitivement la hache de guerre. Mais combien de temps ?

Un jour avant, le mardi 19 septembre, Sidi Mohamed Ag Icharach, le gouverneur de la région de Kidal, a pu rejoindre définitivement l’Adrar des Ifoghas. Un pas de plus dans le redéploiement de l’Etat malien à Kidal où depuis 2012, la fête de l’indépendance n’est plus fêtée. L’unanimité est faite aujourd’hui que l’accord de paix souffre en effet, deux ans après sa signature, des engagements non tenus de part et d’autres.

Autres faits qui noircissent le tableau: plusieurs localités de la région de Mopti et de Ségou échappent au contrôle de l’Etat malien. Ces localités sont sous la coupe réglée des terroristes. Les morts civils et militaires se comptent par milliers. Pas plus tard que le mercredi passé, un soldat malien a trouvé mort lors d’une attaque contre un convoi à Ménaka.

Selon Soumaïla Cissé, le chef de file de l’opposition, notre pays doit recouvrer son intégrité territoriale et assurer le retour des populations déplacées tant celles de l’intérieur que de l’extérieur. « Cette année, et comme depuis plusieurs années déjà, notre fête d’indépendance se déroule dans un contexte particulier marqué par la violence et l’insécurité….Le nord et le centre de notre pays vivent des moments de tristesse et de désolation du fait de l’insécurité. La liberté de circuler est entravée par des attaques poussant les populations à vivre dans l’inquiétude et la méfiance », a expliqué le Chef de file de l’opposition.

Ils sont en, effet, des centaines de milliers de Maliens à vivre dans des camps de réfugiés à cause de la crise malienne. Plus de 500 établissements scolaires sont aujourd’hui fermés dans le Nord et le Centre du Mali. Plus de 150 000 enfants ne peuvent pas aller à l’école en raison du manque de sécurité dans les mêmes zones, indique Amnesty International dans son nouveau rapport intitulé Mali: Violations and abuses as instability spreads. « Des dizaines de milliers d’enfants paient le prix fort dans un contexte où la violence et l’insécurité persistent dans le nord et s’étendent à présent au centre du Mali. La privation de leur droit à l’éducation a atteint un seuil critique. Cela doit cesser », indique Gaëtan Mootoo, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International.

Madiassa Kaba Diakité

 

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