Abdourhamane Hinfa Touré, Sgal du syndicat de l’Ortm : «Grâce au CESC, il y a de forte chance que la grève illimitée soit évitée»

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Après une grève de 48 heures en décembre 2015, et une autre de 72 heures en fin janvier,  le comité syndical de l’Office de radiodiffusion  télévision du Mali (Ortm) a   menacé d’aller en grève illimitée. Pour en savoir davantage sur l’évolution du dossier, nous avons rencontré le secrétaire général dudit syndicat, Abdourhamane Hinfa Touré. Lisez plutôt l’entretien.

Le Prétoire : Ces derniers temps, nous assistons à des débrayages du syndicat de l’Ortm. Voulez-vous nous rappeler les motivations de ces grèves ? 

Je voulais saluer d’abord vos lecteurs   et leurs présenter  nos excuses.  Je voudrais rappeler un peu la genèse de ce qui nous a amenés jusqu’ici. En 2006, l’Union internationale des télécommunications (UIT) a tenu une conférence à Genève pour demander à tous les pays d’aller  vers la transition numérique. Et cette décision a été respectée par les pays, tel que le Mali où le syndicat de l’Ortm a assisté presqu’à toutes les réunions tenues par la direction et par le département sur le sujet en question. Ce qui a entrainé une restructuration au niveau de l’Ortm que le syndicat a approuvée. Il s’agit de la scission de l’Ortm en deux entités.  Une partie qu’on appelle l’Edition qui doit faire les programmes, et l’autre partie qu’on appelle la diffusion. Cette  décision  a été acceptée par le syndicat.

Mais là où le comité syndical de l’Ortm a eu des problèmes avec le département, c’est au niveau des statuts qui devaient être donnés  aux deux entités. Le syndicat a émis le vœu que  l’Ortm soit désormais un Epic (Etablissement public à caractère industriel et commercial). Car son statut d’EPA (Etablissement public à caractère administratif) depuis 1992  a atteint ses limites. Ce schéma permettra au personnel de cultiver l’esprit de l’entreprenariat, afin d’abandonner  le comportement qu’il adopte souvent et qui porte préjudice aux ressources.

Nous avons souhaité changer notre statut d’EPA en Epic, parce qu’aujourd’hui, nous sommes dans l’ouverture audiovisuelle  et il y a beaucoup de télévisions qui  concurrencent l’Ortm. Ce nouveau statut nous permettra donc de faire face à la concurrence.

Je rappelle qu’avec l’EPA, l’Etat est en plein dedans, mais avec  l’Epic, l’Etat va diminuer sa participation pour nous permettre d’avoir un tout petit peu de liberté pour concurrencer les autres. Parce que nous  allons avoir de la matière qui nous permettra d’être prêt pour la concurrence et de nous opposer à qui de droit. C’est pourquoi nous avons voulu l’Epic. A défaut de l’Epic, nous souhaitons  que le gouvernement améliore l’EPA que nous sommes actuellement, parce que dans cet EPA aujourd’hui, on n’a pas la redevance. La régie publicitaire, nous la partageons avec l’Amap. Il y a un statut qu’on appelle le statut particulier des fonctionnaires de la communication, une loi signée par Moussa Traoré en 1982, mais qui n’a jamais été appliquée. Nous leur avons demandé de relire cette loi pour qu’elle nous soit bénéfique tant au plan de la carrière qu’au plan des avantages.

Aussi, a-t-on souhaité que si l’Ortm doit rester un EPA, il faut que la nouvelle société de diffusion, Société malienne de transmission et de diffusion (Smtd), ait le même statut que l’Ortm et de permettre  qu’elle soit assistée par l’Ortm pendant un certain nombre d’années, car elle n’a pas de ressources sûres.   Ce sont ces points qui nous opposent au gouvernement.

Vous avez menacé d’aller en grève illimitée si vos revendications ne sont pas prises en compte. Où en êtes-vous avec ce projet ?

Après deux grèves qui n’ont pas abouti à la satisfaction de nos doléances, nous avons mis en place un comité  de rédaction de préavis de grève   que nous entendons déposer et suivre la loi de la grève.

Est-ce à dire que la  menace est toujours maintenue ?            

Oui, la menace est maintenue dans une certaine mesure parce qu’il y a des bonnes volontés qui entrent dans la danse et nous demandent de nous patienter. Il s’agit du Conseil économique, social et culturel. Nous sommes des Maliens, des hommes, nous ne sommes pas indifférents aux remarques des gens. Le Recotrade nous a rendu visite le jeudi 4 février pour nous émettre leurs vœux. Le Conseil économique, social et culturel nous a saisis le vendredi 5 février 2016 pour le même sujet. Le Président Boulkhassoum Haïdara a émis un avis à tous les membres du Conseil de s’engager dans cette crise pour aider les deux parties à trouver une solution honorable. A la suite de cela, nous avons promis d’observer un certain temps leur permettant de rencontrer l’autre partie.

Vous avez parlé d’un temps d’observation. Cette période peut-elle aller jusqu’à une semaine, un mois, ou une année ?

Nous ne donnerons pas de délai, car il y a beaucoup d’organisations qui s’activent  pour trouver une solution. Donc,  nous allons nous patienter.

Êtes-vous prêts à accepter les propositions des différentes organisations même si  vos revendications ne sont pas prises en compte ?

Nous pensons que ce sont des interventions qui entrent dans le  compte de nous aider à avoir ce  que nous cherchons. On ne peut pas tout de suite prédire du négatif. Pour dire qu’on ne va pas accepter jusqu’à ce qu’on soit satisfait. Nous pensons qu’ils nous aident à avoir ce que nous cherchons. Mais dans une moindre mesure, quand on cherche,  on aura ce qu’on peut avoir, mais on n’aura pas ce qu’on ne peut pas avoir. Nous disons tout simplement qu’ils sont les bienvenus. Et qu’ensemble, nous puissions trouver des solutions idoines à la question. Car, ce n’est pas notre volonté d’aller en grève.  Mais c’est notre avenir que nous préparons.

A l’analyse de vos propos, peut-on déduire que vous comptez beaucoup sur le Conseil Economique social et culturel et le Recotrade pour un dénouement heureux de la crise ? 

Nous comptons sur eux. Nous pensons que ce sont des poids dans ce pays. En intervenant, ils pourraient nous aider à trouver une solution et nous comptons sur d’autres personnes. Pour nous, il y aura d’autres interventions en  dehors de ces deux organisations. Nous sommes prêts à aller vers la société civile  pour lui faire mieux comprendre  la situation.

Rien n’est perdu pour le moment. Grâce au Conseil économique, social et culturel et  toutes les bonnes volontés qui sont en train de s’y mettre, il y a de forte chance que les Maliens échappent à cette grève illimitée. Car, nous sommes aussi des Maliens. Nous savons que nous faisons du mal à des compatriotes, mais de façon non délibérée. C’est parce que nous voulons qu’on nous écoute, qu’on nous entende et qu’on nous comprenne. Nous sommes en train de donner aux compatriotes leurs droits en nous acquittant de nos devoirs. Mais, il faut qu’on sache que nous avons aussi des droits que nous devons défendre. L’Ortm est presque abandonné à lui-même aujourd’hui.

Avez-vous un dernier message à l’endroit des compatriotes ?

Je présente mes excuses aux téléspectateurs et aux auditeurs qui, chaque jour, regardent ou écoutent l’Ortm. Ceux qui pensent que nous sommes opposés au gouvernement pour la séparation des entités, qu’ils comprennent que ce n’est pas cela. Le problème se situe au niveau des statuts des deux entités. Nous leur présentons toutes nos excuses pour les quelques jours de grève. Nous demandons leur compréhension et leur aide pour que nous aussi nous soyons dans nos droits.

Propos recueillis par Oumar KONATE 

 

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