Maroc-Afrique Subsaharienne :Un modèle réussi du partenariat Sud-Sud

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Malgré son retrait de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) en 1984, le Maroc a su construire au fil des années des relations diplomatiques solides avec les Etats frères Africains, en particulier ceux au sud du Sahara. Ces relations qui, faut-il le rappeler, reposent sur un ancrage historique indéfectible. En effet l’espace saharien a longtemps été une aire d’échanges culturels, commerciaux et de flux migratoires entre le Maroc d’où partaient les expéditions caravanières et l’actuelle Afrique Occidentale. Ces contacts ont permis d’ores et déjà d’établir entre le Maroc et les pays d’Afrique Subsaharienne des liens séculaires couvrant les dimensions sociale, commerciale, culturelle, intellectuelle et spirituelle.

 

Mais c’est depuis une dizaine d’années que nous constatons une intensification des relations Maroc-Afrique subsaharienne à travers une diplomatie économique marocaine très agressive. Telle est désormais la priorité stratégique tracée par Sa Majesté, le Roi Mohammed VI, en matière de politique étrangère.

 

Une vision royale qui sera rapidement matérialisée par des actions concrètes de solidarité telles que l’annulation de la dette qu’ont les pays Africains les moins avancés  envers le Maroc et l’exonération de leurs produits de droits de douane à l’entrée du marché marocain ,la régularisations de ressortissants d’Afrique subsaharienne en situation irrégulière au Maroc, entre autres.

 

Les nombreuses visites effectuées par le Souverain Chérifien ces dernières années en terre d’Afrique Subsaharienne témoignent de l’importance capitale accordée à cette région. Cette stratégie impulsée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI couvre désormais tous les domaines qu’ils soient politiques, culturels, spirituels et bien entendu économiques.

 

Sur le plan politique et dans un contexte géopolitique marqué par l’insécurité grandissante au Sahel, le Maroc a plus que jamais besoin de renforcer ses liens de fraternité et d’amitié avec les états frères d’Afrique Subsaharienne et veut désormais jouer un rôle majeur dans les différentes problématiques auxquelles sont confrontés les pays sahelo-saharien en mettant en avant plusieurs atouts dont son islam modéré qu’il partage avec plus de 50% des populations de cette région aux yeux desquelles le Roi du Maroc représente plus qu’un simple Leader politique mais il est avant tout un chef religieux islamique : « Amir Al Mouminine » c’est-à-dire « Commandant des croyants ». C’est au nom de cet islam solidaire que des centaines d’Imams Maliens ont été récemment formés au Maroc en vue de renforcer les valeurs communes de tolérance et d’ouverture à l’autre que ces deux pays partagent déjà ensemble. Par ailleurs, cette diplomatie de proximité permettra aussi au Maroc de réaffirmer et de consolider le soutien politique tant précieux que ces pays lui apportent au sujet de la question du Sahara.

 

Sur le plan économique, le Maroc a compris, depuis la crise financière de 2008 survenue en Europe qu’il se devait de diversifier ses partenaires économiques en revenant plus au Sud tout en conservant son statut avancé acquis auprès de l’Union Européenne.

 

L’Afrique subsaharienne apparait ainsi pour le Maroc, réconforté par son fort ancrage séculaire, comme étant son environnement naturel pour la diversification de son économie.

 

En effet, le potentiel de croissance de l’Afrique, en particulier la zone subsaharienne, reste encore très important et inexploité. Le continent a réalisé un taux de croissance annuel moyen de 5% les dix dernières années et à en croire les statistiques de la Commission Economique  Africaine de l’ONU (CEA/UN), il serait encore en 2016 de 4,5% en moyenne dont  5,2% pour Afrique de l’ouest et 6,8% pour l’Afrique de l’Est. En plus de regorger 30% des réserves mondiales en minerais de tous types, l’Afrique subsaharienne, c’est aussi 800 millions de consommateurs potentiels aujourd’hui, une population qui va croitre pour atteindre 1,3  milliards en 2030 selon les estimations de l’ONU. En un mot, l’Afrique est devenu en l’espace de deux décennies le relais de la croissance mondiale, la région où se déploie une compétition acharnée, la risée de tous les espoirs d’investissements économiques.

 

L’approche Marocaine du partenariat Sud-Sud s’avère être aujourd’hui la plus efficace puisqu’elle sort des schémas classiques de coopération fondés sur les conditionnalités, le maintien des pays Africains dans un statut d’exportateurs de matières premières et d’importateurs de produits finis, de pays endettés à des taux d’intérêt volatils en imposant des méthodes de gestion du type programme d’ajustement structurel, en totale incohérence avec les réalités africaines.

Le modèle que propose le Maroc repose avant tout sur la mise en exergue de valeurs africaines fondamentales que sont la solidarité, les développements humain, social et culturel tout en ayant pour finalité l’établissement de relations économiques équitables mutuellement bénéfiques. Il s’agit pour le Maroc d’établir un nouveau type de relation diplomatique « Gagnant–Gagnant » où les dimensions humaine et sociale sont au cœur des préoccupations.

 

Il est utile de remarquer que cette coopération a positivement évolué en plusieurs périodes :

 

  • Avant l’an 2000 :

L’engagement du Maroc envers ses pays frères d’Afrique subsaharienne était visible dans la coopération militaire et à travers l’implication des entreprises publiques marocaines (ONE, ONEP, AMCI,…) dans des projets d’infrastructure de base tels la construction de routes et de barrages, l’électrification, la gestion des ressources en eau, l’irrigation, la santé et la formation.

Précisons que depuis cette époque jusqu’à nos jours, le Maroc octroie chaque année des milliers de bourses d’études aux étudiants ressortissants de ces pays en vue de les former dans ses meilleures universités contribuant ainsi à préparer l’élite africaine de demain ;

 

  • De 2000 à 2014 :

 

La présence du Maroc en Afrique Subsaharienne est visible à travers son secteur privé et ses « Champions nationaux » comme Royal Air Maroc, Maroc Telecom , BMCE Bank, Attijariwafabak, BCP, Managem, OCP, Addoha, Saham… dont les performances n’ont rien à envier à celles des multinationales européennes et américaines sur place. Mieux encore, des géants Français comme BNP Paribas actifs en Afrique subsaharienne depuis fort longtemps perdent des parts de marché face à l’agressivité des banques marocaines. Toutefois est il que la crise financière et économique de 2008 ait été un facteur non négligeable dans le désengagement progressif des banques françaises ou européennes de leurs filiales africaines au profit des groupes Africains.

 

  • Depuis 2015 :

Une stratégie globale de co-développement économique est amorcée par le Maroc qui entend désormais inscrire son action dans le long terme en vue d’un développement durable au profit des peuples d’Afrique et pour l’émergence économique de l’Afrique.

 

C’est dans ce cadre que le Maroc envisage désormais une intégration régionale plus poussée que des rapports de coopération ont été établis avec les communautés économiques régionales comme l’UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine) ou la CEMAC (Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale) dans l’objectif d’établir des accords de libres échange.

Mais le défi majeur à relever par le Maroc, afin d’atteindre cet objectif d’intégration économique africaine, reste d’aller au-delà des deux régions  occidentale et centrale de l’Afrique pour conquérir les marchés des zones Est et Sud de l’Afrique très attractifs en termes de croissance économique et cela malgré les nombreux obstacles politique, linguistique et culturel existants.

 

Les résultats obtenus par le Maroc en appliquant cette approche innovante  de politique étrangère incitent à lancer un appel pressant aux autres géants du continent (hors Afrique du Sud) à lui emboiter le pas.

 

En effet, durant la dernière décennie, le volume des échanges commerciaux entre le Maroc et les pays Africains a enregistré une nette progression. Ces échanges ont cru de 14% par an pour s’établir en 2014 à 38 milliards de dirhams en 2014 (4 milliards de $ US) soit environ 6% du total des échanges extérieurs du Maroc contre à peine 4% en 2004. Ce qui fait du Maroc le deuxième exportateur intra continental, après l’Afrique du Sud.

 

L’Afrique subsaharienne compte pour 40% de ces échanges, les 60% ont été réalisés surtout avec les pays maghrébins notamment l’Algérie en vue de satisfaire les besoins énergétiques du Maroc.

 

Les exportations du Maroc vers l’Afrique subsaharienne ont atteint 13 milliards de dirhams (1,4 milliard de $ US) en 2014 contre 2 milliards de dirhams (210 millions de $ US) en 2004 enregistrant une progression annuelle de 19%.

L’Afrique subsaharienne est ainsi devenue  en l’espace de dix ans la première destination des investissements marocains directs à l’étranger (IDE)  : 80% des IDE sortants vers le continent et 50% du total des IDE marocains à l’étranger sont consacrés à l’Afrique subsaharienne.

 

Les années à venir vont connaître une influence économique grandissante du Maroc en Afrique subsaharienne. Et pour cause, cet engouement du secteur privé marocain à l’égard de l’Afrique subsaharienne  qui prend de plus en plus de l’ampleur de nos jours à l’image des décisions récentes prises par les fleurons de l’économie marocaine, l’OCP (Office Chérifien des Phosphates) , la SNI (Société Nationale d’Investissement), Le groupe Addoha en vue de créer des filiales spécialement dédiées à l’Afrique pour la production d’engrais (OCP Africa) et la production de ciments (LafargeHolcim Maroc-Afrique et CIMAF). A ces poids lourds de l’économie marocaine s’ajoutent une multitude de PME/PMI entrain de scruter à la loupe toute opportunité d’investissement en Afrique subsaharienne en marge des nombreuses rencontres B to B, foires et forums Maroc-Afrique organisés par les uns et les autres. Ces entreprises marocaines qui ont pu développer un véritable savoir-faire dans leurs différents secteurs d’activité disposent de réels atouts pour conquérir davantage le marché subsaharien en particulier dans la grande distribution, l’industrie, les infrastructures de base, l’énergie, l’éducation et la santé qui recèlent encore d’énormes potentialités.

 

Pour conclure, le Maroc en raison de l’expertise multisectorielle de son économie et de ses liens séculaires avec les Etats d’Afrique subsaharienne, a tous les moyens d’asseoir son leadership sur les plans économique et politique dans une logique volontariste de co-développement.

 

Cette initiative fort louable et salutaire du Maroc devrait être soutenue et encouragée par les politiques des Etats d’Afrique subsaharienne tout en incitant les autres pays  à s’inspirer de ce modèle au profit du développement socio-économique des peuples africains.

Car, nous ne le répéterons jamais assez :

« LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE DE L’AFRIQUE PASSE D’ABORD PAR LES AFRICAINS EUX-MEMES ET RESIDE DANS LEURS CAPACITES A FEDERER LES EFFORTS COLLECTIFS EN VUE DE CREER DE LA VALEUR AJOUTEE LOCALE PAR L’UTILISATION OPTIMALE DE TOUTES LES RESSOURCES DISPONIBLES EN AFRIQUE »

 

 Par  ASSALIA OUSMANE

Directeur Industriel  chez IMAFER SA, Bamako (Mali)

Ingénieur diplômé de l’Ecole Nationale de l’Industrie et des Mines de Rabat (Maroc)

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