Bilan de la crise post électorale : Recomposition de la classe politique

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Affaire Karim Wade : Macky se tire un missile dans le pied
Abdoulaye Alassane TRAORE: Doctorant en Sociologie

A la crise, l’absence d’espaces de dialogue en termes de projet politique, les contraintes économiques et financières et l’intransigeance des partenaires extérieurs se conjuguent pour rendre possibles de nouvelles formes d’intervention plus autoritaires, justifiables par les impératifs de gestion des ressources dans un contexte d’instabilité. Le Général Mathias Doué, ministre de la Jeunesse et des Sports du gouvernement de transition, nous a offert une belle illustration en son temps. Les trois priorités de son programme d’action reposaient sur: la communication, «pour être en contact avec nos partenaires», la transparence, «parce que c’est l’expérience de la bonne gestion», et la responsabilité, «parce que c’est la source de notre prise de conscience et de notre détermination à assumer nos obligations réciproques». Ce positionnement est révélateur: il s’agit exactement des mêmes termes proposés par les bailleurs de fonds multilatéraux dans leurs réformes institutionnelles. Le choix d’un recours croissant au secteur privé est justifié par les contraintes financières qui pèsent sur le secteur public ivoirien. Il est frappant de noter le recours au langage de la bonne gestion pour les affaires publiques, et à la privatisation pour des domaines qui relevaient auparavant de l’État. Mais, ce qui l’est encore plus, c’est que la même logique soit invoquée pour des problèmes de type socio-économique et structurel plus profonds, tels que l’exclusion sociale et la pauvreté. Or, il est à craindre que l’absence de ressources financières et d’une marge de manœuvre politique suffisantes pour aborder des problèmes aussi profonds que ceux qui sont à l’origine de la mendicité et de la pauvreté, n’influencent les solutions et les formes d’intervention utilisés pour atteindre ces objectifs. Le risque serait alors de chercher avant tout à faire disparaître les symptômes plutôt que de s’attaquer aux causes d’une situation tout à la fois extrêmement difficile et complexe.

Cette dépolitisation place la gestion de l’Etat ivoirien dans une position délicate.

Elle dépossède l’État de ce qui fait l’essence de son pouvoir à savoir la faculté de faire émerger un projet national, de procéder à des arbitrages et de contribuer à l’élaboration de compromis en fonction d’objectifs et de rapports de forces souvent contradictoires. Cependant, elle conduit aussi à assimiler les processus politiques à des processus de gestion administrative. Dans ce contexte de rétrécissement du champ du politique, les débats autour du projet de réforme constitutionnelle se réduisent à des tactiques électoralistes, au détriment d’une véritable interrogation sur la construction d’un projet de société. Le renforcement des stratégies de pouvoir de la part des forces politiques en présence risque de rendre la situation encore plus volatile et instable par rapport à des pro Gbago euphoriques. Les contraintes économiques extrêmes qui pèsent sur le gouvernement actuel ne font qu’accroître l’ampleur du défi du président Ouattara. L’attitude des partenaires de la Côte d’Ivoire apparaît ainsi pour le moins paradoxale, si leur souhait est bien que le pays puisse rapidement renouer avec ses bases constitutionnelles. À l’analyse de ces différents facteurs, il y a lieu de se demander si le risque actuel pour la Côte d’Ivoire n’est pas la reconduction, sous une forme mise à jour, de ses modes de régulation politique et économique antérieurs. Le choix d’un statu quo plutôt que d’une refondation pourrait dès lors se traduire, du fait des contraintes économiques croissantes, par la dérive d’un modèle libéral pluraliste, basé sur un idéal de participation et d’intégration, vers un modèle autoritaire à logique technocratique balayant les formes de division et d’exclusion.

Il s’agit là d’enjeux complexes qu’il faut aborder avec beaucoup de prudence et d’humilité, mais dont les implications sont telles qu’ils méritent cependant d’être posés. L’inadéquation entre la nature des réformes institutionnelles proposées par les institutions de Bretton Woods, formulées en termes de bonne gestion, et le besoin du pays de reconstruire un État de droit, de réinventer des liens pour une plus grande cohésion sociale, d’élaborer un projet de société et de relancer l’économie sur des bases nouvelles permet de souligner un problème central et désormais récurrent: celui du positionnement des institutions multilatérales de financement, et leur impossibilité à gérer de l’extérieur des processus aussi complexes que les réformes économiques et institutionnelles. À l’évidence, la réappropriation de ces processus de réforme est au cœur du défi de la gestion étatique du président Ouattara et le desserrement des contraintes externes l’une des conditions de sa réussite. Mais il ne semble pas, à ce jour, que tous les acteurs politiques aient pris la mesure des enjeux d’une telle refondation, ni que les partenaires de la Côte d’Ivoire aient saisi l’impérieuse nécessité d’un accompagnement réel du processus en cours. En tout cas, le président Alassane Ouattara matérialise chaque jour un peu plus son engagement à faire de la Cote d’Ivoire un géant de l’Afrique, en posant des actes de réformes économiques dans un cadre de reconstruction durable de son pays.

 

Abdoulaye A. Traoré

Doctorant en sociologie

 

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