Chronique du vendredi / Les années passent, l’Afrique se meurt

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« Jouir est tout et l’heure est rapide » s’indignait Hugo. Le poète était seul et ne pleurait qu’une seule âme disparue.Ici sur le continent, nous sommes deux milliards d’yeux rivés sur l’horizon. Scrutant quelque lueur tant les jours sont sombres et quelque levée de brise contre un quotidien infernal riche en langues (1302) mais pauvre en revenus (1380 dollars par habitant). Les occidentaux vivent 17 ans de plus que nous (pratiquement une génération) et ceux d’entre nous qui dépassent 53 ans sont des miraculés.

Sur mille enfants chez nous, 85 meurent contre en moyenne 8 enfants dans les pays Ocde. Ici une femme sur seize meurt en donnant la vie. Celle-ci, nous savons la donner mais nous ne sommes pas préparés à la défendre. Aucune structure sanitaire du continent n’est cotée au plan mondial et il faut aller jusqu’à la 450è place pour débusquer une université africaine dans le top 500  et encore elle se trouve en Afrique du Sud, la 20 è économie du globe. 

En 1960, la Corée du Sud avait 260 dollars per capita comme le Cameroun. Aujourd’hui, il est de 20 165 dollars, 49è rang mondial. Le pays de Biya  fait 2400 dollars et c’est loin d’être un chiffre désastreux sur le continent des grands bonds en arrière. Honteux pour nous mais tant mieux pour eux, les 4 dragons  (Corée du Sud, Taiwan, Singapour, Hongkong) ont pris trois à quatre décennies pour faire partie du petit cercle des pays les plus développés. Même les bébés tigres (Malaisie, Indonésie, Thailande, Phillipines et surtout le Vietnam qui croulait, voici seulement quatre décennies sous les bombes yankee et pour lequel nous avons eu ici des discours enflammés) prennent leurs aises au sein des Nouveaux Pays Industrialisés. Si mère Afrique est au bas de l’échelle des performances, elle plastronne cependant dans le peloton de tête de la corruption.

 La petite comme la grande. Peu importe la taille, le chancre aligne les dégâts partout sous nos cieux et sous nos yeux : le défaut de permis de conduire négocié à 1000 francs, l’accident vite arrivé par conséquent, les moyens d’un Etat pauvre dépensé dans des soins d’urgence évitable, le fil de suture subtilisé à l’hôpital et vendu par l’aide soignant au père de l’accidenté, lequel, heureusement, est un caissier qui peut mettre dans la poche quelques billets ne lui appartenant pas. Mais il ne sera pas celui qui brisera le cercle vicieux.

 Plus haut que lui, au même moment, les  oligarques saignent l’Etat-mamelle, empochent des rétro commissions que la nation paiera de ses routes qui ne tiendront pas un hivernage,  vendant à des prix connus de tous les concours dont seront exclus les Excellents et ou les enfants des pauvres. Et ainsi de suite, jusqu’aux dynasties arrogantes qui ne supportent plus la transpiration des camelotiers  derrière leurs murs. 

En quelque sorte, une fabrique à ciel ouvert de Bouzizi en puissance qui savent qu’il n’y aucune différence entre les ténèbres de l’immolation et celles de l’exclusion. L’Afrique des contre-performances sérielles qui  finira certainement 2012 comme elle a vécu 2011 et avant: dans ses contre-performances, ses scandaleuses gouvernances de dissimulation, sa capacité de tout pervertir y compris le salutaire jeu démocratique. Une Afrique, à laquelle il faut, sans conviction, souhaiter une année de sursaut.

Adam Thiam

 

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