Menace sur la République : La démocratie malienne à l’agonie

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Il ne faut pas se faire d’illusion : le consensus n’est pas un mode de gestion concertée des affaires publiques, mais plutôt une oppression collective exercée sur notre peuple par un groupe de prébendiers gravitant autour d’un président, otage de son propre piège. Les collaborateurs du président n’ont d’estime que pour eux-mêmes.

 

Après les évènements de mars 1991, qui avaient sonné le triomphe de la démocratie malienne, l’élection d’Amadou Toumani Touré en 2002 viendra consacrer son apogée. La défaite de la classe politique, qui s’est traduite par la victoire d’un indépendant, était fondée sur la puissance d’un électorat déterminé à sanctionner des politicards jugés, à tort ou à raison, comme étant les causes de la non-satisfaction de leurs attentes. La classe politique a cherché à prendre sa revanche. Elle l’a obtenue dans la découverte de nouveaux espaces politiques que sont le clientélisme lié à l’affairisme avec son cortège de corruption, d’adhésion hypocrite au Mouvement citoyen, de larbinisme.


Cette revanche est devenue plus nette lorsque le Prince fraîchement élu, n’a pas voulu donner sa bénédiction à la candidature des gens qui l’ont aidé à prendre le pouvoir lors des législatives. Ainsi, aucun candidat du Mouvement citoyen n’est arrivé à se faire élire. Les élus qui se réclament actuellement de cette association politique l’ont été sous la bannière des partis. Dès lors, les inquiétudes ont gagné les cœurs, le consensus devenait le seul moyen d’asseoir une légitimité restée prisonnière des urnes. On venait d’ouvrir, inconsciemment, les voies aux groupes hétéroclites des pillards pour donner l’assaut aux caisses de l’Etat.


Si le président n’a pas délibérément choisi des collaborateurs pas très probes pour l’aider à gouverner, force est de reconnaître que ces gens-là savent qu’ATT a besoin d’eux pour cheminer dans la quiétude. Cela leur donne le quitus pour tout faire. Il ne faut pas se faire d’illusions, le consensus n’est pas un mode de gestion concertée des affaires publiques, mais plutôt une oppression collective exercée sur notre peuple par un groupe de prébendiers gravitant autour d’un président, otage de son propre piège. Les collaborateurs du président n’ont d’estime que pour eux-mêmes.


La République ? On s’en fout ! Le peuple ? Au diable ! Vive l’argent. Avec le pouvoir actuel, le mot « politique » retrouve son sens le plus machiavélique : cacher la vérité à la majorité des populations et acheter la conscience des plus « malins ». C’est ce que l’on pourrait appeler faire la politique du tube digestif par opposition à celle fondée sur la conviction, sur une idéologie et un système socio-économique de développement.


Où va-t-on ? Nous ne croyons pas pouvoir répondre à cette question. C’est la course effrénée vers le privilège, c’est le pillage systématique des maigres ressources d’un peuple sans voix, ni poids. Ce combat impitoyable que se livrent les prédateurs de notre économie est cyniquement arbitré par le locataire de Koulouba qui, au nom de son consensus, laisse ses partisans vider la tirelire de la nation à coups de pelle.

 

La République se meurt


A qui bénéficie la gestion actuelle de l’Etat ? Où est la morale, l’éthique quand un chef d’Etat rassemble sous ses aisselles, l’ensemble des détrousseurs du pays pour gouverner avec eux ? Où se trouve le patriotisme lorsque, pour se débarrasser d’un rival potentiel, un chef d’Etat forge une promotion sous-régionale à un individu qui pend au cou une ardoise de près d’un milliard et demi ? Où est la sagesse lorsqu’on garde dans son gouvernement des ministres qui se sont rendus coupables de malversations sur le dos des populations en proie à la famine ? Où va le pays lorsque l’impunité devient le vestibule sous lequel les prédateurs de la République chantent les louanges du chef à la gloire de nos dignes ancêtres ?


Les réponses sont simples : c’est la République qui n’existe plus. Nous disons au président qu’il peut faire ce qu’il veut parce que Dieu a voulu qu’il dirige ce peuple à ce moment-là et peut être pour dix ans. Mais, nous lui rappelons ce célèbre chant bamanan interprété par Tara Bouaré (paix à son âme) qui avertit les despotes qu’ils « ne régneront que leur temps ». Le règne éternel appartenant à Allah, un tyran peut interdire la diffusion de cette chanson sous sa dynastie, mais comme un serpent de mer, elle reviendra toujours dès que le temps ou la mort aurait raison de l’éphémère souverain.


Nous n’avons pas la prétention de nous ériger en donneurs de leçon de patriotisme. Nous n’avons pas non plus l’intention de nous substituer à une frêle opposition. Mais, si étymologiquement, journaliste signifie « analyste d’un jour », alors nous ne faisons que passer aux cribles les faits empestés que vivent au quotidien notre vaillant peuple, exploité à souhait par des dirigeants aux discours patriotiques trompeurs.


Autrement dit, nous ne faisons que notre travail. Nous travaillons à cultiver la citoyenneté dans les esprits de nos concitoyens. Le jour où un grand nombre de ces voix saura que ceux qui tiennent des rhétoriques patriotiques pour tromper avec dextérité le peuple, s’achètent de somptueuses villas en Occident avec l’argent du Trésor public, ce jour-là, les conséquences du réveil brutal des consciences seront sans appel.

 

Carnaval des masques


Au pays des puritains, les partisans d’une candidature unique pour Koulouba-2007 au sein de leur formation ne seraient pas tous abrupts. En effet, d’après les informations à notre disposition, ils sont tous, à des degrés variables coupables de détournement, d’attributions illégales de marché à leur cabinet d’étude, de trafic de visa ou d’influence avec extorsion de fonds en échange de leur soutien. Et ils bénéficient de l’impunité du chef.

Les chercheurs de strapontins sont certes aussi nombreux, mais ils ne font pas de tapages avec autant de zèle que ceux qui risquent la prison. A chacune de leur sortie pendant les grandes messes télévisuelles, les apôtres du Messie ne ratent pas l’occasion pour faire témoignage de leur soutien indéfectible et leur totale adhésion à la « vision » du grand bienfaiteur. Une façon de papoter : « Monsieur le président, comme vous le voyez, je vous aime bien non ? Je fais de la relation publique pour vous, alors je peux garder ma place ».


Nous leur disons que bénéficier des connivences des médias publics et maîtriser la télévision publique ne signifient pas, mécaniquement, le contrôle des esprits. « Tous les grands dictateurs qui crurent pouvoir affronter sans crainte les urnes sous le prétexte qu’ils contrôlaient depuis des années les médias, ont tous connus des échecs cuisants lors des toutes premières élections transparentes qu’ils ont eux-mêmes organisées », rappelle sagement Ignacio Ramonet dans son livre, « la Tyrannie de la communication ». Nous les invitons, le peuple convie ces zombies, à enlever leur masque sur la place publique et nous regarder droit dans les yeux pour que, enfin, le jeu démocratique se clarifie au grand bénéfice de la nation.


Abdoul Karim Dramé

(journaliste indépendant)

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