Nouveau gouvernement du Mali : Du compromis a la rupture?

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Gouvernement Mara
Les membres du gouvernement à l’issue du 1er Conseil des Ministres tenu ce mercredi 16 avril 2014

Autant la nomination de Moussa Mara comme jeune premier ministre de 39 ans a été saluée, autant l’architecture gouvernementale suscite des débats voire des déceptions. Le visage du gouvernement Mara amène quelques enseignements.

 

Il apparaît clairement que Moussa Mara a eu très peu d’entregent dans la formation du gouvernement. L’on comprend qu’en dépit de ce que la loi en dit, les premiers ministres au Mali et même ailleurs, forment rarement le gouvernement. A la nomination du PM, le président intime généralement l’ordre de ne pas se mêler des ministères régaliens (la défense, la diplomatie, l’intérieur, l’administration du territoire et aussi les finances) qu’il garde dans son giron de CONFIANCE en y plaçant des femmes et des hommes bénéficiant de celle-ci. Dans certains cas, si le PM a la chance et est en bons termes avec le président ( il y a des circonstances qui imposent des PM sans qu’ils soient des intimes du président), ce dernier peut lui permettre de faire entrer quelques compétences proches de lui mais ce n’est jamais un acquis encore moins un privilège.

 

 

– Ainsi, ce gouvernement garde donc le même visage pour 80% que sous OTL. Si l’on s’en tient aux raisons de la démission de ce dernier précisées dans sa lettre de démission, ce qui lui a été refusé l’est aussi à Mara car c’est visiblement un gouvernement formé par le président de la République et nul étonnement à propos. Sous les tropiques comme ailleurs, l’élu suprême impose ses hommes et les PM apparaissent souvent comme de grands managers de l’action gouvernementale.

 

 

– Ce gouvernement apparaît comme un gouvernement de compromis, donc politique, politicien au sens d’ajustements, de répartitions et de remerciements tant au niveau du parti au pouvoir qu’au sein de la majorité présidentielle dont deux anciens candidats aux présidentielles qui font leur entrée.

 

 

– L’espoir? Il est important, malgré les précisions ci-dessus, de souligner qu’un gouvernement peut être entièrement remanié sans mener une bonne politique tout comme un gouvernement peut être composé de personnalités déjà connues tout en décidant – dans un volontarisme de rupture- de mener une politique autre. Autrement, ce que l’on n’a pas réussi à faire avec la modification de l’attelage gouvernemental, l’on le tente avec la politique gouvernementale qui s’entend ici comme alternative à celle menée auparavant. La marge de manœuvre et la capacité d’innovation du nouveau premier ministre Moussa Mara est donc à ce niveau. A défaut d’avoir pesé sur le choix des hommes, tenter de peser sur la politique à mener et d’en maîtriser autant les choix majeurs que les séquences sous l’autorité du président de la République.

 

 

Espérons, pour les intérêts de notre pays, que ce soit le cas même si l’on pourra arguer avec une antienne connue qu’avec de l’ancien l’on ne fait pas du nouveau. Peut être que l’espoir est ici que le premier ministre lui est tout de même nouveau, jeune et a déjà fait montre par le passé qu’il pouvait s’illustrer audacieux. Son audace aura t-elle raison des compromis souvent tournant en compromissions que la politique sait tellement imposer à ses héros? Dans les situations où le PM n’a pas pesé sur le choix des hommes, il est souvent “court-circuité” par certains ministres de poids qui rendent directement compte au Président à qui ils doivent leurs nominations, surtout s’ils font partie de ses intimes. Tous les premiers ministres souffrent souvent de cette asymétrie. Le temps nous informera de la capacité d’impulsion du nouveau PM !

 

Pour le moment, souhaitons le meilleur pour notre pays tout en préservant cette prudence qu’impose l’économie des expériences passées. La politique ne produit jamais de saints. Elle produit rarement des héros au sens de Courageux animés d’Esprit de Justice mais elle le fait tout de même. Quant à Moussa Mara, ce challenge peut constituer pour lui le levier d’un futur destin présidentiel comme l’âtre de l’incendie d’une crédibilité. En tous les cas, le poste de premier ministre constitue toujours un tremplin de taille pour qui rêve d’accéder à l’échelle supérieure, celle qui chez nous trône sur une colline appelée Koulouba.

Bonne semaine à toutes et à tous !

YAYA TRAORE

Politologue

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