Présidentielle au Mali : l’inévitable ingérence de la France

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François Hollande, vêtu de l'écharpe du Mali, enlace le président malien de transition Dioncounda Traoré, à l'ambassade du Mali à Paris. © IAN LANGSDON / AFP
François Hollande, vêtu de l’écharpe du Mali, enlace le président malien de transition Dioncounda Traoré, à l’ambassade du Mali à Paris. © IAN LANGSDON / AFP

Paris exige du gouvernement malien de transition qu’il organise le scrutin le 28 juillet, alors que de nombreux obstacles entravent sa bonne tenue.

“Nous serons intraitables.” C’est en ces termes que François Hollande a exigé en avril des autorités maliennes de transition l’organisation des élections présidentielles en juillet, après le succès de l’opération Serval. Une requête qui paraît aujourd’hui irréaliste, tant les obstacles à la tenue d’un scrutin sur l’ensemble du territoire sont légion. Sur les 6 830 000 nouvelles cartes électorales biométriques indispensables au vote, seules 60 % avaient été distribuées dans le pays à la date du 18 juillet. Le précieux sésame ne sera pas délivré aux 500 000 déplacés qui ont fui les combats ainsi qu’aux Maliens de l’étranger, notamment en France.

 

Une autre faiblesse du scrutin tient dans la date choisie. Le 28 juillet tombe en pleine période des pluies, peu propice aux déplacements. Le premier tour a également lieu durant le mois de ramadan, ce qui de fait complique toute mobilisation populaire. Enfin, la situation dans la région de Kidal, au nord-est du pays, est loin d’être stabilisée. En dépit de la signature d’un accord de paix, le 18 juin à Ouagadougou, entre les rebelles touareg et Bamako, des violences ont fait la semaine dernière quatre morts et de nombreux blessés. Samedi, des agents électoraux ont également été brièvement enlevés dans la région.

 

Crainte d’attentats

 

L’élection pourrait donner l’occasion aux groupes djihadistes de rebondir. Comme l’a récemment admis le général Grégoire de Saint-Quentin, qui a commandé l’opération Serval, “il faut reconnaître à nos adversaires leur extrême faculté à se fondre dans l’immensité de cet océan de sable qu’est le désert”. Si la majorité des islamistes ont fui pour les pays limitrophes, notamment la Libye, d’autres se cachent toujours dans le septentrion malien. “La stratégie des djihadistes a toujours été de faire parler d’eux par leurs attaques”, explique André Bourgeot, directeur de recherche émérite au CNRS. “Des attentats le jour du scrutin ne sont donc pas à exclure.”

 

Conscient des entraves insurmontables à la tenu de l’élection, le président malien de transition a publiquement admis que “l’élection à cette date sera imparfaite”. D’après l’hebdomadaire Jeune Afrique, Dioncounda Traoré aurait décidé fin juin de repousser le premier tour du scrutin au 28 octobre, soit trois mois après la date prévue. “Mais la pression des pays occidentaux, notamment la France, a été si forte que la date originelle a été maintenue”, affirme depuis Tombouctou le journaliste et écrivain Serge Daniel.

 

Ingérence française

 

Les 6,9 millions d’électeurs sont donc appelés à choisir ce dimanche entre 27 candidats. Ils étaient à l’origine 28, mais l’un d’eux, Tiébilé Dramé, l’un des grands artisans de l’accord de Ouagadougou, a préféré jeter l’éponge, en dénonçant un scrutin “ni libre, ni équitable”. “Je constate que Laurent Fabius est devenu le directeur des élections au Mali”, a-t-il lancé, regrettant que “certains responsables français accumulent les maladresses”. À Paris, on affirme ne “pas vouloir entrer dans la polémique”, tout en rappelant que “ce sont les Maliens eux-mêmes qui ont fixé la date du scrutin”.

 

“Le Mali est sous tutelle”, estime pourtant André Bourgeot. “C’est François Hollande qui a fixé la date du scrutin, une attitude qui a provoqué le mécontentement de la nation malienne. L’image de la France est désormais écornée”, juge le spécialiste du Mali. Pour Paris, l’opération Serval ne sera un succès total que si elle aboutit à la mise en place d’un gouvernement malien démocratiquement élu, seule instance à même de lancer un véritable processus de réconciliation entre les communautés du nord et du sud du pays. C’est à cette condition que le Mali a obtenu, le 15 mai dernier, des promesses d’aides de 3,25 milliards d’euros pour sa reconstruction et son développement.

 

Le boulet de la France

 

“La France veut se débarrasser du boulet malien”, soutient André Bourgeot. “Outre son souhait d’un retour à une situation politique normale dans le pays, Paris veut se décharger du fardeau économique que représente la présence de ses soldats au Mali, notamment dans le contexte actuel d’austérité.” Avec 4 000 soldats au plus fort de la mission Serval, le contingent français devrait compter quelque 1 000 hommes d’ici à la fin de l’année, en complément des 12 600 combattants de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma). Une sortie honorable pour Paris, qui lui permet d’écarter tout risque d’enlisement dans le pays.

 

Pour l’heure, tous les observateurs sur place s’accordent à dire que l’élection, qui prétend couvrir tout le territoire malien, sera entachée d’irrégularités. Le 18 juillet dernier, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a ainsi admis que la présidentielle était “imparfaite”, mais que les résultats devraient être respectés. “Le futur président ne pourra se prévaloir d’avoir été élu sur l’ensemble du territoire et donc par la totalité de la population”, prévient pourtant André Bourgeot. “Il lui sera dès lors très difficile d’affirmer son autorité.”

 

“Ce sera une élection à la malienne”, estime pour sa part Serge Daniel. “C’est-à-dire qu’elle ne sera pas régulière à 100 %.” Le journaliste juge toutefois ce mal nécessaire pour sortir le pays de la crise dans laquelle il est plongé depuis le coup d’État militaire de mars 2012. “Le scrutin vise à mettre fin à l’influence des membres de la junte militaire dans le gouvernement de transition”, explique le journaliste et écrivain. Plusieurs ministres de l’actuel exécutif sont en effet des proches du capitaine Sanogo, l’homme qui a renversé le président Amadou Toumani Touré il y a un an. Un putsch qui a plongé le pays dans l’instabilité et favorisé l’insurrection des djihadistes.

 

Le Point.fr – Publié le 25/07/2013 à 07:40

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1 commentaire

  1. Monsieur l journaliste, vous racontez des histoires. Ni le ramadan, ni l’hivernage, ni la situation sécuritaire, ne doivent justifier la tenue du scrutin le 28 juillet 2013. Je constate que cette élection sera la mieux réussite de toutes les élections que le Mali ait organisé jusque là. Tant le processus est suivi et surveillé de près! Que le meilleur gagne!

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