RPM et la tentation du parti-Etat : IBK porte le fer dans la plaie

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RPM
Les militants du Rpm (photo archives)

Il y a une forte ressemblance entre l’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice (ADEMA-PASJ) du bon temps d’Alpha, le premier président démocratiquement élu après la révolution de mars 1991 et le Rassemblement pour le Mali (RPM) actuel, un parti aux dirigeants pressés et extrêmement ambitieux qui ne craignent même pas de bousculer le chef de l’Etat à qui ils doivent tout. Voilà que ce parti prône carrément l’hégémonisme de ses cadres dans toutes les affaires de la Nation. Un chemin qui conduit directement au parti-Etat de triste mémoire, comme on l’a connu aux temps de Modibo Keita et Moussa Traoré.   

 

 

Le Rassemblement pour le RPM a été créé en en juin 2001 par Ibrahim Boubacar KEITA, après sa démission de l’Adéma en octobre 2000 où son leadership de président du parti et de successeur putatif d’Alpha Oumar Konaré fut violemment contesté par certains cadres du parti les membres du tout puissant clan CMDT possédant les leviers économiques et financiers à cette époque. Sy Kadiatou, Sow, l’égérie de ce clan avait déclaré avec assurance en 2000 qu’à l’Adéma « il n’y a pas de candidat naturel à la succession d’Alpha Oumar Konaré ». Ironie de l’histoire, le RPM est entrain de reproduire, à travers son secrétaire général Tréta, vieux compagnon de route d’IBK et des membres dirigeants, les mêmes erreurs que le parti dont il est sorti douloureusement des flancs. Ce qui caractérisait le mieux la Ruche à cette époque : son appétit d’ogre pour le pouvoir et les manipulations corollaires, la gloire, la puissance et l’argent. Ce qui laissait peu aux partis alliés de l’échiquier politique, encore moins à l’opposition quasi inexistante.

 

 

 

Deux personnalités de premier plan dominent aujourd’hui le parti des tisserands : le ministre du développement rural Tréta et Karim Keita, le fils d’IBK, député élu en commune II et président de la Commission Défense et Sécurité de l’Assemblée Nationale. Ce sont les deux têtes de proue d’un clan très activiste au RPM qui ambitionne, après sa mainmise sur le parti, de faire une OPA sur le parlement et la majorité présidentielle. On a vu comment ce clan a déjoué et mis en échec le projet du président de la République visant à faire élire son homme de confiance, M. Niang au perchoir. Tréta, Karim et les siens ont, contre la volonté d’IBK « élu » Issaka Sidibé, l’homme qu’il ne fallait pas, puisque beau-père de son fils. Cela a soulevé dans l’opinion le tollé que l’on sait, confirmant les craintes du président de la république qui, déjà, s’était opposé à la candidature de son fils à la députation en commune II.

 

 

On sait quelle gestion le ministre Tréta fait du personnel de son département. Il « rpmise » systématiquement toutes les grandes directions et les postes clé du Développement rural, sans souci des graves dysfonctionnements que cela peut provoquer à terme. Parce qu’avec une telle velléité, on ne peut jamais être sûr que le remplaçant parachuté, vaut mieux, est plus compétent que le titulaire rodé à la tache. Evidemment l’exemple qu’il montre, incite les autres ministres du gouvernement à le suivre.

 

 

Au sommet de l’Etat, après le président Ibrahim Boubacar Keita qui en a fait les frais, on a vu comment le premier ministre Oumar Tatam Ly a été broyé, de manière impitoyable, par le système RPM conduit à la baguette, orchestré par les deux larrons en foire de la fronde : l’un chef de file au gouvernement, l’autre à l’Assemblée. Jusqu’à se faire éjecter comme un malpropre de la Primature, parce qu’il avait commis l’erreur de leur faciliter le travail en tombant pieds joints leur provocation et dans leurs pièges, non sans pointer du doigt dans sa lettre de démission Karim et son père. Pourtant, il aurait pu éviter ces écueils pas insurmontables en sortant de son amateurisme politique depuis plus de six mois qu’il était au pouvoir.

 

 

Que cherchent Tréta, Karim et compagnie au Rpm ? Le pouvoir, tout le pouvoir, rien que le pouvoir. Ce qui laisse peu de place à l’idéologie généreuse du Mali d’Abord, au bonheur et à la dignité des Maliens. C’est une propension dangereuse, une dérive qui doit connaitre nécessairement une limite. Car tout homme qui vit par et pour le pouvoir est porté à en abuser au détriment du peuple. Dans ce but IBK, pour freiner cette dérive vers le parti-Etat a mis en œuvre deux armes : la carotte et le bâton.

 

 

Contre les caciques du Rpm à qui il ne doit rien de son ultime ascension politique il a sorti le joker inattendu en réserve, le jeune Moussa Mara du parti Yélèma. Cet atout tranchant a frappé de plein fouet Tréta et les siens dans leur orgueil. Puis, pour les amadouer il a envoyé en mission commandée le bon samaritain, le surdoué de la diplomatie, Toumani Djimé Diallo, le secrétaire général de la présidence. Ce dernier, avec l’art consommé qu’on lui connait, a arrondi les angles et désamorcé la bombe, si c’en était une. Au RPM il est demandé de tempérer ses ardeurs, de prendre son mal en patience, contre son penchant naturel et la politique suicidaire du « Tout, tout de suite », au risque d’y laisser des plumes. Cette allusion intéressait au premier chef Tréta, le secrétaire général du RPM, qui avait approché la majorité parlementaire du parti en séance de travail,  pour susciter parmi elle la révolte. Afin de provoquer une instabilité institutionnelle par le vote d’une motion de censure par la majorité des députés, lors de la présentation de la Déclaration de Politique Générale du premier ministre Mara. On a su que cette attitude déloyale de Tréta avait été décriée par les députés Rpm qui ne décoloraient pas lors de l’entrevue. Ces derniers saisissaient les enjeux mieux que lui, le vieux routier de la politique qui ne s’assagit pas malgré les années et les épreuves.

 

 

La révolution de palais contre IBK et l’Exécutif qui avait fait monter brusquement la température et les enchères à l’instigation de Tréta, est donc retombée, comme un ballon qui se dégonfle. Mais elle laisse un arrière-goût amer et des non-dits, de part et d’autre. Le ministre du Développement rural devra se contenter de son département de prédilection pendant un long moment ; en s’alignant sagement derrière le premier ministre Moussa Mara, qui doit bénéficier de tout le respect dû à son rang, de la considération et de la loyale et franche collaboration des troupes du RPM, comme de la majorité présidentielle.

Saura-t-il remonter à temps dans l’estime du président Ibrahim Boubacar Keita après ses coups fourrés? Avant, il faudrait bien qu’il parvienne à redonner une âme au Rassemblement Pour le Mali qui, sans IBK, ressemble fort à un bateau à la dérive sans capitaine.

 

 

Oumar Coulibaly

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