Gouvernance et la gestion administrative du Chu Gabriel Touré : Six des 30 recommandations de la mission de vérification entièrement mises en œuvre

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Conformément aux pouvoirs n°010/2020/BVG du 29 juillet 2020 et en vertu des dispositions des articles 2 et 14 de la loi n°2012-009 du 8 février 2012 abrogeant et remplaçant la loi n°03-030 du 25 août 2003 l’instituant, le Vérificateur général a initié la mission de suivi de la mise en œuvre des recommandations issues de la vérification de performance de la gouvernance et la gestion administrative du Centre hospitalier universitaire Gabriel Touré (CHU-GT) sur la période 2016-2018 (1er semestre). Il ressort de la mission de vérification que sur les 30 recommandations formulées par la mission initiale deux sont non applicables et le taux global de mise en œuvre est 21,43 %.

S’agissant de la pertinence, le rapport de vérification rappelle que la politique sectorielle de santé, adoptée en 1990 par le gouvernement du Mali, met un accent particulier sur l’extension géographique de la couverture sanitaire à travers la création, la rénovation et la réhabilitation d’infrastructures de santé. En effet, elle a retenu comme principe fondamental, l’évolution de la pyramide sanitaire d’une conception hiérarchique et administrative vers une conception plus fonctionnelle basée sur une approche impliquant les populations bénéficiaires. Ainsi, la pyramide sanitaire du Mali est constituée de centres de santé communautaire (Cscom), de centres de santé de référence, d’hôpitaux régionaux et nationaux.

Selon le rapport, le CHU-GT est l’un des hôpitaux nationaux de 3e référence situé dans le district de Bamako en plus de l’hôpital du Point G et de l’Hôpital du Mali. Il reçoit le plus grand nombre de patients au Mali, avec une moyenne de plus de 125 000 consultations et 17 000 hospitalisations par an et accueille près de 90 % des cas d’urgences de Bamako. Cela s’explique à la fois par sa situation géographique et par le nombre important de services techniques opérant en son sein.

L’Etat du Mali a accordé au CHU-GT une subvention de 3 472 098 282 F CFA en 2018 et 3 586 347 618 F CFA en 2019. C’est pour cela que le Vérificateur général a décidé de procéder à la vérification de performance de la gouvernance et la gestion administrative du CHU-GT qui avait relevé beaucoup de faiblesses et de dysfonctionnements. Pour ce faire, des recommandations avaient été formulées pour corriger ces lacunes.

15 recommandations partiellement mises en œuvre

En ce qui concerne l’état de mise en œuvre des recommandations, la mission de vérification révèle que sur les 30 recommandations formulées par la mission initiale deux sont non applicables et le taux global de mise en œuvre est 21,43 %. Ainsi, sur les 28 recommandations applicables, six sont entièrement mises en œuvre, 15 partiellement mises en œuvre, sept non mises en œuvre. Ainsi, il ressort que le niveau de mise en œuvre des recommandations n’est pas satisfaisant.

A en croire le rapport de vérification, les recommandations entièrement mises en œuvre sont, entre autres, le renouvellement du mandat des administrateurs et leurs suppléants conformément à la réglementation ; la convocation des représentants de tous les organismes membres du CA du CHU-Gabriel Touré en les informant de la tenue des sessions ; la tenue à jour le registre des délibérations du CA du CHU-Gabriel Touré, la prise d’une décision fixant les modalités de prise en charge du personnel en nourriture.

Pour cette dernière recommandation, la vérification initiale avait recommandé au CHU-GT la prise de décision fixant les modalités de prise en charge du personnel en nourriture. Car, elle avait constaté que le personnel du CHU-GT bénéficie, sans aucune base juridique, des repas gratuits financés sur le budget national.

Selon le rapport de vérification, au titre des années 2016 et 2017, le CHU-GT a dépensé respectivement 123 084 967 F CFA et 128 875 061 F CFA pour la fourniture de repas au personnel de garde et indigents. Suivant les rapports d’activités de 2016 et 2017, les nombres de repas servis au personnel se sont élevés en moyenne à 57 306 plats contre respectivement 5346 et 4642 plats pour les patients, à la même période, alors que les dispositions ne prévoient l’offre de repas qu’aux patients hospitalisés.

Afin de s’assurer de la mise en œuvre de la recommandation formulée, la mission de suivi a procédé à un entretien et à une revue documentaire concernant la décision réglementant les modalités de prise en charge du personnel en nourriture.

Elle a constaté que la direction générale a été autorisée par le CA à fournir le repas au personnel de garde et aux indigents conformément à la délibération n°2/CA-CHU-GT du 18 septembre 2019 portant autorisation d’octroi de repas au personnel de garde et aux indigents du CHU-GT.

Le département

médicotechnique non

fonctionnel depuis mars 2019

Selon le rapport, les recommandations suivantes ont été partiellement mises en œuvre ; à savoir : l’exigence de l’adoption d’un projet d’établissement à la direction de l’hôpital et au conseil d’administration (CA) par le ministère de tutelle ; la délibération de toutes les attributions relevant des prérogatives du CA ; l’exigence et l’adoption de la mise en œuvre de manuel de procédures, de fiches de poste, de cadre organique et d’organigramme ; la conformité des créations de départements, services et unités aux dispositions légales et réglementaires ; la production et la soumission au CA de toutes les informations et questions relevant de ses attributions ; l’élaboration et la soumission à l’approbation du CA les outils nécessaires à une gestion efficace ; le fonctionnement du comité de direction et les autres organes consultatifs ; la tenue régulière de tous les documents de la comptabilité-matières ; le déploiement du logiciel utilisé au bureau des entrées pour prendre en charge tous les actes médicaux effectués par les services ; le respect des dispositions réglementaires relatives à l’organisation et au fonctionnement des EPH ainsi que celles relatives aux pharmacies hospitalières ; l’élaboration et exécution d’un plan prévisionnel d’entretien préventif élargi à tous les équipements médicaux et biomédicaux ; la mise en place d’une procédure de traitement et de validation des intéressements payés aux agents, la dotation du CHU-GT d’un plateau technique requis, notamment la pédiatrie, la réanimation, le laboratoire et le département médicotechnique.

A la lecture du rapport, il ressort que la mission avait constaté le non fonctionnement du département médicotechnique depuis mars 2019 jusqu’au 14 septembre 2020, pour des travaux de réhabilitation du bâtiment et d’équipement des services de l’imagerie, le scanner, la radiologie, l’échographie, la mammographie.

Le département est opérationnel, la gestion des travaux est effectuée dans le cadre d’une convention entre le MSAS (maître d’ouvrage), l’Agetier, maître d’ouvrage délégué, et l’entreprise ivoirienne Marylis BTP CT. Il s’agit d’un projet de réhabilitation et d’équipement des hôpitaux de Bamako (CHU-GT, CHU-Point G et la Polyclinique militaire de Kati) pour un montant de 15 milliards 167 millions de F CFA dont 5 milliards 104 millions de F CFA pour le CHU de Gabriel Touré.

La kinésithérapie, confrontée

 à une insuffisance criarde de matériels et d’équipements

Il ressort également que les activités du service d’imagerie médicale et celles du scanner arrêtées depuis le premier trimestre 2019, ont démarré le 14 septembre 2020 avec l’arrivée de la mission. Par ailleurs, les équipements et matériels de soins du CHU-GT sont en nombre insuffisant.

A titre illustratif, la fibroscopie, l’anorectoscopie ainsi que la colonoscopie ne sont pas fonctionnelles depuis 2017, faute d’appareil adapté ; la kinésithérapie est confrontée également à une insuffisance criarde de matériels et d’équipements ; les matériels et les équipements ne sont pas renouvelés à temps conformément au plan d’amortissement ; les blocs opératoires ont été rééquipés par des appareils ultra modernes.

Toutefois, des défaillances demeurent par rapport au respect des normes ; la stérilisation des matériels par poupinel continue d’être exercée dans les blocs opératoires malgré la proscription de cette méthode en milieu hospitalier ; les salles d’hospitalisation sont délabrées, surchargées, inadaptées, les couloirs encombrés par les accompagnants. Aussi, il ressort du rapport que le département de la pédiatrie se compose du service de néonatologie, d’urgence pédiatrique et de la pédiatrie. Ainsi, le service de néonatologie de la pédiatrie a été rééquipé en couveuses de bonne marque toutes neuves, plus de 50 berceaux, des lampes photothérapies, des incubateurs, des aspirateurs, des scopes, etc. Le service d’urgence pédiatrique ne répond à aucune norme internationale à cause de la faiblesse du plateau technique.

Il ne dispose pas de matériels adéquats pour la réalisation de diagnostics et de traitements de qualité tels que les paramètres vitaux, l’oxygénation, les matériels de surveillance, les matériels d’aspiration. Également, il y a une insuffisance de lits d’hospitalisation. De plus, le service n’est pas doté de médicaments pour gérer les situations d’urgences. S’y ajoute les salles d’hospitalisation de la pédiatrie, elles sont vétustes, l’eau suinte par le plafond donc inapte pour hospitaliser.

Quant au département des urgences et de la réanimation se compose du service d’accueil des urgences, du service de la réanimation, du bloc opératoire ainsi que de l’anesthésie, il est confronté à un besoin crucial de personnel qualifié et d’infirmiers parce qu’il n’y a que six médecins spécialistes pour tout le département.

Les locaux ne répondent plus aux normes internationales

Au service des urgences, il y a un afflux massif de patients, dépassant la capacité d’accueil, soit 25 000 patients/an. Car, les locaux ne répondent plus aux normes et les kits opératoires fournis par la pharmacie ne sont souvent pas remboursés à la sortie par des patients. Le service d’urgence dispose de deux blocs opératoires qui ne sont pas opérationnels depuis 2 ans pour des travaux de rénovation et d’équipements.

D’où le recours aux blocs opératoires de la chirurgie. Ainsi, les patients opérés se font traverser toute la cour dans un chariot afin de regagner le service des urgences avec des risques d’infections. En réalité, la conception architecturale de GT ne répond pas aux normes d’un hôpital. Aussi, l’architecture du bâtiment de la réanimation n’est également pas adaptée aux normes d’un service de réanimation.

Sur les 9 salles, une est fermée pour des problèmes d’étanchéité des toilettes d’en haut du bâtiment. Le service de l’anesthésie est confronté à une insuffisance de personnel qualifié depuis 10 ans et de personnel infirmier, soit 12 infirmiers anesthésistes pour 10 blocs opératoires. Le Laboratoire a été équipé et rénové. Des appareils acquis depuis 2013 pour les examens de la bactériologie ne sont pas opérationnels par manque d’espace. L’appareil d’analyse de la charge virale au niveau de la banque de sang n’est également pas opérationnel pour des travaux de rénovation de la salle.

La mission estime que la subvention octroyée par l’Etat est dérisoire et le montant du budget consacré à l’investissement pour la rénovation et l’acquisition d’équipements est insuffisant. L’Etat procède chaque année à des restrictions budgétaires, le budget voté n’est jamais notifié. Le budget de fonctionnement diminue d’année en année. Par ailleurs, le CHU-GT fait face à une insuffisance de personnel infirmier et de spécialiste, soit 4 infirmiers par services d’où le recours à des accompagnants de patients pour prendre soins de ceux-ci.

Nécessaire réfection des

bâtiments du CHU-GT

La capacité des infrastructures est faible par rapport à l’affluence des patients. L’ensemble des bâtiments nécessite de gros travaux de réfection.

Autres recommandations partiellement mises en œuvre, elles sont relatives à la dotation du laboratoire du CHU-GT en consommables et réactifs nécessaires à son fonctionnement.

Les recommandations non mises en œuvre sont entre autres, le CHU-GT n’a pas soumis la version provisoire de projet d’établissement au conseil d’administration ; le ministère de tutelle n’a pas conclu un contrat pluriannuel d’objectifs de moyens avec la direction de l’hôpital sur la base d’un projet d’établissement adopté et approuvé ; le ministère de tutelle n’a pas rappelé et suivi les engagements consignés dans le contrat pluriannuel d’objectifs de moyens à travers des notifications annuelles ; le conseil d’administration n’a pas tenu les sessions conformément aux dispositions réglementaires ; le conseil d’administration n’a pas sélectionné un commissaire aux comptes ; la direction générale du CHU-GT n’a pas mis en place un service d’audit et de contrôle compétent et indépendant ; la direction générale du CHU-GT n’a pas veillé à l’effectivité des gardes par le personnel technique.

Par rapport aux recommandations non applicables, il s’agit notamment de l’adoption par le conseil d’administration du projet d’établissement de l’hôpital Gabriel Touré parce que la vérification initiale avait recommandé au CA d’adopter le projet d’établissement de l’hôpital Gabriel Touré. En effet, elle avait constaté la validation technique de la version provisoire du projet d’établissement tenue au cours d’un atelier du 1er au 3 décembre 2015 dans les locaux de l’ANEH. Toutefois, la version provisoire du projet d’établissement soumis à la 39e session du conseil d’administration du 24 mai 2017 pour son adoption a été renvoyée à une session extraordinaire qui n’a jamais été tenue.

A ce jour, le CHU-GT reste le seul hôpital de 3e référence qui n’est pas doté d’un projet d’établissement selon l’ANEH. Afin de s’assurer de la mise en œuvre de la recommandation, la mission de suivi s’est entretenue avec le secrétaire général du ministère de tutelle ainsi qu’avec la direction du CHU-GT. Elle a constaté que le projet d’établissement n’a pas été soumis à l’approbation du CA jusqu’à la prescription du délai imparti, car la DG du CHU-GT n’a pas géré l’hôpital suivant le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens conclu avec le département.     Synthèse de Boubacar Païtao

 

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