Assises de Bamako : Un marathon de 150 dossiers

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Assises de Bamako : Un marathon de 150 dossiersLes infractions classiques dominent dans cette session à l’ouverture de laquelle le procureur général a déploré le délitement des valeurs positives maliennes

La première session de la Cour d’assises au titre de l’année 2014 a été ouverte lundi à la Cour d’appel de Bamako sous la présidence du Premier président de cette Cour, Moussa Sara Diallo, en présence du Procureur général Daniel Téssougué, du bâtonnier de l’Ordre des avocats Seydou Sidiki Coulibaly et de plusieurs invités.

Tout au long de deux mois, 150 dossiers vont être soumis à la censure de la justice et concerneront 285 accusés. Les faits s’articulent autour des infractions classiques : atteintes aux biens publics, infanticide, viol, pédophilie, assassinats, coups mortels, trafic international de stupéfiant, vols qualifiés. S’y ajoutent des infractions moins fréquentes comme l’espionnage, la destruction d’édifice ou encore la violation de tombeaux.

Dans son discours d’ouverture, Daniel Téssougué a fait sienne une déclaration de Martin Luther King qui disait qu’une injustice commise quelque part est une menace pour la justice dans le monde entier. Ainsi qu’il en a pris l’habitude, le procureur général a profité de l’occasion pour livrer une réflexion sur notre société dont on observe avec grande tristesse la déliquescence. Selon lui, les valeurs, les vraies, celles qui caractérisent les Maliens d’il y a quelques décennies, s’étiolent et tout est mis en œuvre pour faire échec à l’action de la Justice. Celui qui sait frauder fait désormais l’objet de toutes les sollicitudes.

Daniel Téssougué a déploré les conditions dans lesquelles les examens de fin d’études fondamentales et le baccalauréat se sont déroulés récemment dans notre pays. Il n’a pas hésité à qualifier la fraude pratiquée à cette occasion à un crime contre l’avenir du Mali. Les événements ont amené l’ouverture d’une enquête pour que toutes les responsabilités au plan pénal soient situées. Déjà les premiers résultats montrent l’implication d’agents publics et de parents généralement « instruits ». Le parquet a donc requis que les parents complices soient traités avec la même rigueur que les agents publics à défaut de ne pouvoir exiger plus.

Daniel Téssougué a rappelé la soif inextinguible de notre pays pour la justice au sens le plus large, notamment pour la justice sociale, fiscale, politique. Il a tenu à fixer les limites de l’action de cette justice à qui il est demandé d’éradiquer le phénomène criminel et qui seule n’y parviendra jamais. Il faut que chacun en sa sphère de compétence fasse que seul triomphe le règne de la loi, a demandé le procureur général qui a rappelé que rien de durable ne se construit dans la violation des droits élémentaires.

UN RELÂCHEMENT DES MŒURS. Daniel Téssougué a trouvé inacceptable que notre pays soit celui où le citoyen qui refuse d’accomplir les actes qui lui impose la Constitution en soit fier au point de s’en glorifier. Pour lui seul, le mérite doit être magnifié et non la fortune, la situation sociale ou le statut politique. Après avoir recommandé à ses concitoyens de se garder des vaines indignations pour regarder la situation en face, le procureur général a souhaité que la justice soit en condition d’accomplir sa mission dans les conditions qui assurent son indépendance. A cet effet, les réformes de la justice ne doivent pas être des camisoles de force, mais des projets mûris, réfléchis.

Il a rappelé les observations faites lors de la clôture de la dernière session des assises en décembre 2013. Elles tenaient sur la qualité des dossiers : absence de pièces essentielles d’expertises, procédure mal montée, service défectueux des citations. Il a donné l’assurance que le Parquet en a pris bonne note et mettra tout en œuvre pour faire passer le message aux magistrats instructeurs.

Pour Moussa Sara Diallo, la tenue de la Cour d’assises est une occasion de prendre le pouls de la société à travers la nature des infractions au rôle. Pour cette première assise de l’année 2014, on enregistre un grand nombre de cas d’infanticide. Selon lui, la fréquence de cette infraction est symptomatique d’un relâchement certain dans nos mœurs surtout du côté de la jeunesse.

L’infanticide traduit généralement ce paradoxe de la cruauté d’une donneuse de vie envers un être fragile et sans défense qu’elle a vocation naturelle à protéger. Moussa Sara Diallo a indiqué à cet effet, que la sanction pénale dans ce domaine n’intervient qu’à titre d’appoint, le meilleur remède étant l’éducation civique et morale.

Il a donné l’assurance que la Cour en tout état de cause saura jouer sa partition en appliquant correctement les textes dans le respect du principe du contradictoire, d’instruction à la charge et à décharge, d’assistance de l’accusé d’un avocat et d’égale écoute de toutes les parties au procès, y compris le ministère public.

M. A. TRAORÉ

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