Climat, migrations et sécurité humaine : «La Méditerranée est devenue un cimetière gigantesque à ciel ouvert » dixit Aminata Dramane Traoré

0

La 10ème édition des rencontres ” MIGRANCES” s’est déroulée du 16 au 17 décembre dernier au Centre Amadou Hampâté Ba (CAHBA) sis à Missira. Les travaux de cette importante assise annuelle étaient placés sous l’égide du ministre des Maliens de l’Extérieur, Dr. Abdrahamane Sylla. Une initiative citoyenne d’Aminata Dramane Traoré pour aider les jeunes sur la marche du monde. Le thème de cette année était : « Climat, migrations et sécurité humaine ». Durant deux jours, les participants ont mis en lumière le lien entre réchauffement climatique, migration, sécurité humaine et surtout le rôle des femmes en tant que mères sociales.

 

Il est établi aujourd’hui que l’une des principales causes des migrations, est le climat. Et l’un des enjeux majeurs des conflits dans le nord du Mali serait lié au climat. Notamment la rareté des ressources en eau, les pâturages et les terres agricoles sont autant de facteurs de conflits qu’il faut prendre en compte, selon l’universitaire Aminata Dramane Traoré. « Nous sommes aujourd’hui tous piégés, pas seulement notre pays, dans un système économique, qui a infligé de graves préjudices à nos sociétés, au lien social et aux écosystèmes », martèle-t-elle. Les « Migrances 2015 » sont une réplique aux non-dits de la COP21 sur le climat et à l’hypocrisie du Sommet euro-africain de la Valette (Malte) sur les migrations.

Pour brosser de façon locale et éclairer la lanterne de nos compatriotes sur ces enjeux afin de relever les défis majeurs comme migration, climat et celui de sécurité humaine, les éminents intellectuels comme Nathalie M’Dela Mounier, Jean Bosco Konaré, Aminata Dramane Traoré ; des artistes comme Bakary Ballo de l’atelier Domo de Ségou, Nahawa Doumbia, ont partagé leurs expériences avec les jeunes sur les enseignements tirés de la COP21, la défense des droits humains des migrants, la lutte contre le réchauffement climatique et surtout l’éducation à l’écocitoyenneté. Tous ces thèmes ont été débattus à travers des ateliers thématiques appelés Toguna. Le but de cet exercice est le développement face aux défis climatiques, migratoires et sécuritaires. Il s’agit aussi de la capacité d’analyse, de proposition, d’action et d’anticipation des Maliens, en accordant une attention privilégiée au rôle des intellectuels et des artistes dans la défense des droits des migrants et des femmes en tant que mères sociales. Traversées meurtrières Un fait majeur a marqué le monde entier cette année. De quoi s’agit-il ? Par centaines de milliers des hommes, des femmes et des enfants originaires de la Syrie, de l’Irak, de l’Afghanistan et des Balkans frappent aux portes de l’Europe en même temps que des Maliens, des Sénégalais, des Erythréens et d’autres Africains. Ces peuples errants partent, la plupart du temps, malgré eux, la peur au ventre et la mort aux trousses. A l’arrivée (pour ceux qui arrivent) les migrants n’ont pas le même statut ni les mêmes droits. Les « bons », les réfugiés, dans l’ensemble syriens, irakiens et afghans sont à accueillir avec « humanité » et les autres, les « mauvais », à traiter avec « fermeté ». Contrôles aux faciès, arrestations, tests osseux pour les mineurs isolés, soupçonnés de cacher leur âge et autres traitements inhumains sont réservés à ces derniers. Toute chose qui a fait dire à Maman Aminata, la Protectrice des enfants africains que la Méditerranée est devenue un cimetière gigantesque à ciel ouvert. Sur ce sujet très sensible, le Président Sénégalais Macky Sall, lors du sommet de la Valette a craché ses quatre vérités aux dirigeants européens : « On ne peut pas insister à réadmettre les Africains chez eux pendant qu’on parle d’accueillir les Syriens et d’autres… Ensemble, refusons la stigmatisation, la politique des barricades et le repli sur soi.» Face aux dizaines de milliers de morts dans le désert et en mer, les femmes ont un rôle capital à jouer en tant que mères sociales. Jugeons-en à travers cet échange entre un migrant et sa mère. Un jeune migrant téléphone à sa mère à Didiéni, (au Mali) quand vint son tour de traverser la Méditerranée : « mère, j’ai peur. Une embarcation vient de faire naufrage. Il n’y a pas de survivants ». « Que faire mon fils? Nous serons morts, toi et moi, si tu devais rebrousser chemin ? », lui répondit sa mère. Cette femme et ce jeune homme, à l’instar de centaines de millions d’autres Africains sont d’abord victimes d’un énorme déficit de connaissances sur le monde global, ses convulsions et les rapports de force entre nations. C’est pourquoi dans son discours d’ouverture, le ministre des Maliens de l’Extérieur, Dr. Abdrahamane Sylla, a laissé entendre que la Méditerranée est devenue la plus grande hécatombe mondiale, un sanctuaire de migrants, de réfugiés fuyant la misère, les conflits, les conséquences néfastes des changements climatiques. Depuis 2000 près de 24 mille migrants sont morts aux frontières de l’Europe Selon les statistiques 23 858 migrants sont morts ou ont disparu aux frontières de l’Europe depuis 2000. Une véritable tragédie mondiale ! Selon le ministre Sylla, notre pays a enregistré de 2002 à 2014, 91.033 reconductions dont malheureusement 83.609 en provenance de pays d’Afrique, 5.990 d’Europe, 1.370 d’Asie et 64 d’Amérique. En poursuivant, il a dévoilé le bilan des douloureux événements survenus dans la nuit du 19 au 20 avril dernier où plus 180 de nos compatriotes ont perdu de la vie. Ce qui a porté à 376 le nombre de migrants maliens tués en une année en méditerranéen. Où est l’humanisme ? s’interroge-t-il. Pour sa part, il a rassuré nos compatriotes que le gouvernement du Mali s’est engagé à la mise en œuvre d’un vaste et ambitieux programme national de migration pour le bonheur et la dignité du peuple malien. Avant de clore ses propos, le ministre Sylla a félicité de vive voix l’initiatrice de ces journées pour son combat et sa perspicacité. « Migrances 2015», initiée par le Centre Amadou Hampâté Ba (CAHBA) et le Forum pour un Autre Mali (FORAM) à la suite des événements de Ceuta et Melilla en 2005, est un espace de débats d’idées et d’éducation citoyenne qui mobilise chaque année des intellectuels, des artistes, des acteurs politiques et institutionnels autour de la question migratoire.

 

Aliou Badara Diarra

Commentaires via Facebook :