Dans Diabali libérée des islamistes, La vie reprend son cours normal

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Dix jours après le départ des islamistes de la localité de Diabali et l’arrivée des militaires (maliens et français), nous nous y sommes rendus. La vie a repris son cours normal et les populations vaquent sereinement à leurs occupations. Pour des raisons de sécurité évidentes, nous ne citerons pas les noms de tous nos différents interlocuteurs. Reportage

Soulagement de la population de Diabali

Diabali, 170 km de Ségou. La localité est le cordon ombilical entre le centre-sud et le nord du Mali. C’est aussi une zone de production de riz par excellence. Stratégique, Diabali l’est aussi parce qu’elle est le hub qui permettra aux militaires maliens, français et africains de monter prochainement à l’assaut de la ville de Tombouctou, occupée par les islamistes depuis avril 2012.
Le 14 janvier 2013, vers 4 heures du matin, les Islamistes s’en sont emparés, tuant quelques militaires maliens, après 4 heures de combats, et mettant toute la population dans une peur indescriptible. A l’entrée de la ville, six carcasses de véhicules calcinées, ayant appartenu aux islamistes, témoignent de la violence des combats qui se sont déroulés.
A deux mètres de ce spectacle émouvant se trouve la concession de la famille Nantoumé. Le plus âgé nous a raconté ce qui s’est passé le lundi 14 janvier dans l’après-midi. «J’étais dans la maison, que ma femme et mes enfants avaient déjà quittée. Alors que je m’apprêtais à sortir, j’ai soudainement entendu un bruit assourdissant. Puis une fumée suffocante a envahi toute la concession. Je me suis retrouvé par terre et je n’ai plus ouvert les yeux, qui piquaient, avant que certains jeunes ne viennent à mon secours».
Près du vieux Nantoumé, Fanta, une voisine, nous a raconté elle aussi ce qu’elle a ressenti ce jour-là. «Nous avons été surpris dans notre sommeil par des tirs nourris. Ils venaient de l’entrée du canal du Fala. Nous sommes tous restés cloîtrés dans nos maisons et nous avons mis les enfants à l’abri».
Un peu plus loin, au centre ville, l’église catholique de Diabali. Elle a été la première cible des islamistes lorsqu’ils ont pris Diabali. Dans la cour, la grosse croix en pierre qui surplombait la bâtisse, est tombée sous un tir de RPG. Assitan, une vendeuse de la place, cachée derrière une station d’essence, a assisté au spectacle. «Les islamistes sont arrivés à toute vitesse et ont lancé une roquette en direction de la croix. Elle est tombée. Ils sont ensuite entrés dans l’église en forçant les portes. C’était horrible…Ils criaient Allahou Akbar!». A l’intérieur, sur le sol, on trouve une image de Jésus déchirée, une croix en bois cassée. Les tambours qui servaient à l’animation des messes ont été tous éventrés. Sur l’autel, les statues du Christ et de la Vierge Marie ont été brisées. Tous les ornements ont été détruits».
Cachés derrière un feuillage, des militaires maliens montent la garde devant ce qu’il reste encore du Camp militaire. Ils sont souriants et nous demandent de visiter les lieux avec «prudence», car «il est possible que les islamistes aient laissé des engins explosifs lors de leur débandade».
Nous pénétrons dans le camp par le garage et le spectacle qui s’offre à nos yeux est apocalyptique. A droite, le bâtiment où se trouvaient les bureaux a été littéralement soufflé. A gauche, ce sont deux pickups, désormais inutilisables. Plus loin, nous découvrons un grand trou. Le Caporal Nasser nous rejoint et nous explique ce qui passé. «Le lundi, quand les islamistes sont entrés ici, nous nous sommes repliés vers Dogofri. En partant, nous avons pris le soin de laisser des indicateurs qui pouvaient nous indiquer leurs positions.  Dès que nous avons eu leurs coordonnées, nous avons tiré des BM 21. Quatre au total. Nos informateurs nous ont appelé en attestant que plusieurs islamistes avaient trouvé la mort et que les autres avaient été obligés de quitter le camp».
Par une ouverture du garage, nous sortons et débouchons sur la caserne. Ici aussi les destructions suite aux bombardements ont été considérables. La paillote est partie en fumée et, des dortoirs, ils ne restent que quelques murets. Les islamistes se sont même permis de s’emparer du camion de l’entreprise SESG, avant de devoir l’abandonner en pleine rue.

Diabali, sécurisée…
Lors d’un point de presse, le Colonel Frédéric, chef du détachement des forces françaises dans la zone, nous a affirmé que «Diabali est sécurisée. En collaboration avec l’armée malienne, nous avons mis en place un dispositif très sécurisé pour contrôler toute éventuelle nouvelle incursion des islamistes dans la localité» a-t-il déclaré. Avant d’ajouter «les islamistes se sont éloignés de la zone de Diabali, mais nous maintenons une surveillance permanente de la ligne de front».
En effet, Diabali est bel et bien sécurisée. A l’approche de la ville, aucune minute ne se passe sans que l’on croise une patrouille, soit de l’armée malienne, soit des Français, même si ces derniers restent très réservés sur la question. La ville est totalement quadrillée et les contrôles sont très fréquents sur certaines personnes ayant un comportement «louche». De plus, avec l’aide précieuse des populations, l’armée malienne procède à des fouilles minutieuses dans certains endroits où des islamistes ont été aperçus.
…Diabali revit
Avec le retour de la sécurité, les habitants de Diabali ont repris leur train train quotidien. Même si le bref séjour des Djihadistes en leur sein a laissé certains stigmates. C’est le cas pour Ngolo, un vendeur de céréales. «Je me souviens encore de ce lundi 14 janvier. Mais, aujourd’hui, le calme est revenu et je me sens en sécurité, grâce à la présence des militaires maliens et français. Je peux recommencer à vivre, car, sans vouloir extrapoler, j’ai cru que ma vie s’était arrêtée».
On retrouve le même sentiment chez le jeune écolier Daouda. «Je peux repartir à l’école maintenant, grâce à l’arrivée des Français et de nos militaires, qui ont chassé les islamistes. Pendant ces quelques jours, nos enseignants nous ont manqué. Nous ne pouvions pas nous voir, les islamistes étant dans la ville et chacun sait qu’ils n’aiment pas l’école des Toubabs».
Comme Daouda, Ngolo et d’autres personnes que nous avons rencontrées, la population de Diabali et des ses environs a retrouvé la quiétude, après le bref séjour des Djihadistes dans la zone. Mais, pour les détachements de militaires maliens et français, le combat contre le mal ne fait que commencer. Les prochaines étapes ayant pour nom Goma-Coura, Dioura, Nampala, Léré, Niafunké, Diré Goundam… et Tombouctou.
Paul Mben, Envoyé spécial

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