EXPULSES DU MAROC: Un Malien et un Sénégalais racontent leur malheur

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Cinquante candidats à l’immigration dont 43 Maliens ont été reconduits, lundi après-midi à Bamako, par les soins du ministère des Maliens de l’extérieur et de l’Intégration africaine. Deux d’entre eux que nous avons rencontré, hier matin à la direction nationale de la protection civile, racontent leur calvaire.
 
Leur rêve de franchir les frontières de l’Europe s’est brisé sur les eaux territoriales du Maroc et dans le lointain désert du Sahara mauritanien. Aujourd’hui, ils sont retournés à la case départ les mains vides, mais avec la tonne de souvenirs atroces.
« Nous étions 51 personnes à bord d’un bateau qui s’est égaré sur les eaux. Nous sommes restés quatre jours cloîtrés dans cette embarcation de fortune. C’est une patrouille marocaine qui nous a repéré pour nous conduire dans ce pays. Nous avons tenté de fuir au cours de la nuit car nous savions ce qui nous attendait là-bas. Mais ils nous ont rattrapés », témoigne Lamine Cissé, 26 ans.
Affamés et assoiffés, les jeunes candidats à l’immigration en Europe vont alors se régaler de miches de pain et de quelques boîtes de sardine, avant d’être reconduits à la frontière. Commence alors pour eux une marche vers une destination inconnue.
« Nous avons pris la route, je ne sais plus combien de kilomètres nous avons marché jusqu’à un poste de contrôle. C’était la frontière mauritanienne. Les policiers nous ont sommé de retourner sur nos pas. Nous avons dit ‘niet’. Ils ont brutalisé deux d’entre nous. Malgré tout, nous avons décidé de rester parce que nous étions très fatigués. Il a fallu qu’un de nos collègues, un Malien de Didiéni, rende l’âme sous leurs yeux pour qu’ils nous laissent en paix », explique-t-il. Il ajoute que le corps est resté trois jours à l’air. « Ils nous ont interdit de le toucher. C’est quand il a commencé à se décomposer qu’ils l’ont mis sous terre », raconte-t-il.
 
Echec et mât ?
Les 50 autres candidats seront ainsi pris en charge par la Croix-Rouge avec comme viatiques des boîtes de sardine, de pain et des tentes. « Nous avons cru qu’on nous bluffait lorsqu’on est venu nous annoncer l’arrivée d’un ministre malien venu à notre rescousse. Après une nuit à l’ambassade du Mali à Nouakchott, nous avons rejoint notre pays mardi après-midi ».
Qu’est-ce qui peut bien pousser ces jeunes dans une aventure aussi risquée ?
« Ici, il n’y a pas de travail. C’est la misère totale. J’ai 5 frères en Espagne qui m’ont envoyé de l’argent pour le visa que j’ai cherché en vain. J’ai alors décidé de partir par la voie terrestre », répond Mohamed Camara, un Sénégalais de 22 ans qui a été rapatrié à Bamako. Mohamed, qui prétend avoir perdu 1500 euros (plus de 950 000 F CFA) dans cette mésaventure, ne perd tout espoir. « Je vais appeler mes frères pour qu’ils m’aident à les rejoindre », dit-il.
Tel n’est pas l’avis du jeune Malien qui a décidé de jeter l’éponge. « C’est vrai qu’il n’y a rien ici, même l’agriculture n’est plus rentable. Je ne souhaiterai pas revivre une telle aventure. Je ne pensais pas que j’allais revenir sain et sauf. Je vais passer quelque temps ici pour chercher un peu d’argent avant de regagner mon village ».
Selon un agent de la direction nationale de la protection civile, les 9 étrangers du convoi (des Sénégalais et des Guinéens) seront remis à leurs ambassades à Bamako. Les « locaux » seront très prochainement acheminés dans leurs villages respectifs.

Sidiki Y. Dembélé

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