IMMIGRATION CLANDESTINE: Les « passeurs » sur une fortune de 3500 milliards CFA

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Le métier de passeur ou de trafiquant d’êtres humains est le nouveau grand fléau de l’immigration. Il représente aujourd’hui, selon les études de l’anthropologue malien Seydou Kéita, un business d’environ 7 milliards de dollars US (près de 3500 milliards de F CFA dans le monde).
 
« Le système de visa et la surveillance des frontières instaurent une discrimination entre les plus riches et les autres. Il instaure aussi une sélection ‘darwiniste’ entre les plus forts et les plus faibles, c’est-à-dire le modèle de l’immigration choisie de Sarkozy où ce sont les têtes pensantes de l’Afrique qui sont autorisées à émigrer en France », explique Seydou Kéita, anthropologue malien.
Pis, ajoute-t-il, ces systèmes installent une nouvelle fois le règne de la corruption à tous les échelons, tant en Europe que dans les pays d’origine. Les premiers à payer sont les migrants. « Les trafiquants d’êtres humains sont à la mode, le nouveau grand fléau. Il s’agit d’un business représentant environ 7 milliards de dollars dans le monde. Au-delà des discours médiatiques, on oublie un peu vite que le métier de passeur est inséparable des frontières. Lorsque celles-ci sont fermées et surveillées comme aujourd’hui, les migrants n’ont d’autre choix que de payer les services des passeurs. Ceux-ci s’adaptent à la situation : plus la surveillance est grande, plus elle nécessite de moyens sophistiqués ; plus elle est criminalisée, plus elle est reprise par des organisations criminelles », relève M. Kéita.
La migration des hommes date des époques préhistoriques. Elle a connu un fort développement ces dernières décennies. La mondialisation des échanges d’hommes, de biens et de capitaux a eu pour effet l’accélération de la mobilité et l’élargissement du nombre de catégories et de pays concernés par la migration.
Aujourd’hui, les migrations font l’objet de représentations contradictoires au niveau des acteurs. Pour M. Kéita, « la migration est un phénomène très fortement ancré dans l’inconscient collectif et la réalité quotidienne. Elle concerne toutes les couches de la société. Au niveau individuel ou collectif, la migration peut tout aussi bien être la suite logique d’un échec comme d’une réussite ».
 
Sécurité et politiques en cause
Les migrations sont perçues en de nombreux endroits comme le signe d’un grave malaise social, surtout quand il s’agit de populations jeunes et souvent qualifiées qui quittent la région ou le pays. Dans les régions de départ, les migrations sont considérées comme la preuve de l’inégalité de développement économique ou culturel du territoire national.
Le discours politico-médiatique a largement répandu l’image de la migration en tant que mouvement unilatéral partant du Sud pour s’installer au nord : une invasion. En France par exemple, on parle d’entassement, d’accumulation, d’isolement, de pertes d’identité. On rend les immigrés responsables de la dégradation des conditions de vie : perte d’emploi, insécurité et délinquance quotidienne, voisinage désagréable, etc. Ce qui a poussé l’Europe à pratiquer une politique d’immigration zéro. Elle a mis en place sur le modèle des accords de Schengen, un vaste dispositif administratif et policier de fermeture des frontières.
La clé de cette politique d’immigration européenne réside dans le système de visa. Il conditionne l’entrée dans le territoire européen pour plus d’une centaine de pays. C’est par ce biais, complété par d’autres mécanismes comme les expulsions, la détention, la militarisation des frontières, la signature d’accords de réadmission avec les pays d’émigration, que les pays européens parviennent à contenir la majorité des candidats à l’immigration.
Nonobstant ces mesures, le phénomène ne cesse de prendre de l’ampleur. Pour M. Kéita, si cette politique impose aux migrants un véritable parcours du combattant, elle ne parvient pas à enrayer le phénomène, cet objectif étant par définition irréalisable. Elle alimente, au contraire, les filières de passeurs et bafoue allégrement les droits humains.
L’anthropologue propose alors d’ouvrir les frontières pour casser ce business qui impliquerait des services de sécurité et des politiques. Comme solutions, il préconise également de lutter contre la politisation de la migration, de rompre d’avec les discours calqués sur les postulats des dominants (co-développement), la suppression des discriminations entre nationaux et étrangers, l’arrêt des expulsions et la détention des sans papiers…
Sidiki Y. Dembélé

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