Sous le signe de « Charlie » : A qui profite le « crime » et quoi après tout cela ?

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Charlie HebdoTout se passe comme si d’ un côté un  « crime » avait été commis – un dessin profanateur- et que de l’autre, un autre « crime » avait été commis – la tuerie de 17 personnes. Selon que l’on se place dans un camp ou dans l’autre, le « crime » est en face. Alors, la question fatale serait : qui a tort et qui a raison ? Mieux encore : à qui profite le  « crime » ? Bien d’autres questions ont été posées à l’occasion de ces évènements de début d’année à Paris. On est allé jusqu’ à poser la question de la liberté de la presse et du savoir jusqu’où le journaliste pouvait aller. C’est incroyable, non ? Car la liberté de la presse était, jusque-là un postulat intouchable, inviolable et inaliénable : elle était là et c’était tout. D’où cette phrase entendue, ou déjà ?, qui disait : « Plus rien ne sera comme avant ». Il  faut donc croire que des questions, il faut en poser encore. Et prendre le temps qu’il faut pour la cogitation. Assurément, les leaders d’opinion ont, face à la nouvelle situation, une grosse responsabilité : ils peuvent faire basculer les opinions d’un côté ou de l’autre. Et la différence est capitale.

Les leaders d’opinion doivent en ce moment précis s’extirper de la passion ambiante, du parti-pris et de la spéculation pour poser de vraies questions et partant de bases qui tiennent compte des données dans leur globalité. Et surtout mettre cet évènement limité dans l’espace et dans le temps (la France et janvier 2015) dans sa vraie perspective. A savoir, juste un maillon dans une chaine ; une chaîne appelée à s’étaler dans l’espace. Il ne suffira pas d’exiger de la presse de s’autocensurer, de demander aux Etats de limiter la liberté d’expression aux frontières de l’islam et de garroter les langues fourchues. Il ne suffira pas de faire amende honorable pour éviter que de telles scènes surviennent. Il va falloir malheureusement se préparer à endurer de telles épreuves sur la longue durée. Cette façon de voir les choses pourrait être erronée et ce sera tant mieux. En attendant, la réflexion doit être reine au milieu de cette passion collective qui ne peut que réduire les horizons devant l’analyse – qui devrait pourtant se frayer un chemin dans ce tas de réactions épidermiques planétaires.

Nous sommes d’autant plus propulsés dans le long terme que l’un des acteurs majeurs sur terre, Aboubacre Baghdadi pour ne pas le nommer, avait annoncé, en décembre dernier, le début des « opérations » pour le début de l’année. Il avait même donné des indications sur les lieux ou cela allait se passer – la où le Mali est le maillon faible en Afrique occidentale, la France est le maillon faible en occident tout court. Et une fois que les frères Kouachi et Amedy Coulibaly avaient joué leur partition, le chef de Daech (Etat Islamique) avait fait la  déclaration suivante : ceci n’est que le début et cela va continuer.  Donc, à partir du moment où Baghdadi, a dit et a fait, pourquoi ne pas le croire lorsqu’il dit que cela va continuer ? Logiquement, on est en droit de l’y attendre.

La violence  n’appelle-t-elle pas la violence ?

Arrêtons là une minute pour mettre cette prédiction qui s’est réalisée et l’attaque contre Charlie (Hebdo) – qui, il faut l’expliquer à son entourage, n’est pas un individu mais un journal qui parait chaque mercredi- pour se demander si, une fois Charlie puni, « baara baanna » (mission accomplie) ?

Baghdadi ‘’travaille’’ sous les ordres de Zawahiri. Or, ce dernier assumera  la paternité des attaques de France et indiquera qu’il en avait confié l’exécution à Aqpa (Al Qaeda Péninsule Arabique- branche Yémen). Donc, la liquidation de Charlie est juste une graine dans un chapelet d’action à suivre. La question devient d’autant plus troublante si l’on pose la question suivante : si les attaques contre Charlie se justifient par l’insulte dessinée, et les tueries dans une « alimentation » (comme on dit au Mali) ? Et le policier tuniso-français, un musulman, son assassinat –blessés par terre et hors d’état de combattre, il se justifie avec quoi ?

Nous sommes sans conteste à l’aube d’une nouvelle ère. Et le coup d’envoi qui vient d’être donné annonce, à n’en pas douter, de grosses perturbations d’ordre planétaire. Il convient donc de réserver pour un avenir, très proche, de la salive, de la colère, de la capacité » d’indignation, bref de tout ce qu’il faut pour nourrir les passions les plus extrêmes. Bin Laden a été tué et effacé totalement de l’existence afin que son bras droit, Aymane Zawahiri, puisse mettre son plan en marche : son patron était devenu un blocage pour l’essor du salafisme conquérant et il a été balayé pour que son second, qui a été jugé porteur d’un projet plus…porteur que lui, puisse lui succéder.

Il faut croire que l’ex N° 2 de Bin Laden  est  fin prêt. Ses déclarations du mois de décembre dernier le montre bien. Sans oublier sa grande réussite déjà en marche et dont Daech est une illustration éloquente. En définitive, réduire le problème à « Charlie » c’est se priver de prévoir l’avenir – et l’avenir immédiat. Très immédiat. Charlie ou pas Charlie, telle n’est pas la question. Car Charlie ou pas Charlie, ce qui est arrivé allait arriver. Et bien d’autres. Et les Africains seront des deux côtés et les africains seront toujours perdants : Lassana Bathily le sauveur et Amedy Coulibaly le justicier ou le tueur selon l’angle, en sont un avant-goût.

Une autre dimension, qui est tout à fait ici capitale, est le vivre ensemble sur terre, sur un continent, dans un pays, dans une ville, etc. selon que l’on est musulman ou pas, qu’on est « djihadiste ou pas, selon que l’on approuve les attaques venues et à venir (elles viendront, cela est certain), etc. la question est inévitable de savoir : si les ‘’armées’’ liées à Al Qaeda (Daeche, Noussrah, Hamas, Aqmi, Aqpa ,Djihad islamique,  Mourabitoune, Chebab, Boko Haram, etc. (qui sont tous les branches d’un même arbre) élargissent durablement leurs attaques (appelons un chat un chat) , les « musulmans » pourront-ils continuer à vivre peinards partout dans le monde ? Sans oublier que les musulmans entre eux s’entre-tuent aussi (Bouko Haram tue plus de musulmans qu’autre chose; et Chiites et Wahhabites ne pactiseront jamais). Chacun n’a qu’à tirer toutes les conclusions liées à une telle question. Sans oublier que déjà dans certains pays (les médias cachent le phénomène) où les musulmans vivaient tranquilles, des manifestations ont lieu contre leur religion. La violence appelant la violence, seul Dieu sait où cela s’arrêtera. Si cela continue d’un côté il devrait, logiquement, continuer de l’autre aussi. Qui sera alors le gagnant ? On ne sait pas. Et qui sera alors le perdant ? L’être humain.

                 

Amadou Tall

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