Que sont-ils devenus ? Aïssata Haïdara Fouky enfilait les perles

2

” Gros bébé avec de grosses joues ” (d’où le sobriquet de Fouky), Aïssata Haïdara, de son vrai nom, deviendra par la suite une dame svelte avec les atouts d’une basketteuse hors pair. Sous la tutelle de feu Kandé Sy, elle fera ses premiers pas au Stade Malien de Bamako, après des débuts au COB. Ses talents la conduiront au Stade d’Abidjan où ses qualités feront d’elle le bourreau des bastions défensifs sur tous les planchers à travers l’Afrique. Après dix ans de professionnalisme, Fouky retourne au bercail et achève sa carrière au Stade Malien de Bamako.  Aujourd’hui, elle est amère sur un fait qu’elle qualifie d’injustice et qui a tendance à déformer l’histoire du basket-ball malien (nous y reviendrons plus bas). Nous avons rencontré Aïssata Haïdara dans le cadre de notre rubrique ” Que sont-ils devenus ? “. Elle retrace son parcours.

L’un des enseignements tirés de l’Afro Basket Women 2017 que notre pays a abrité au mois d’août, c’est la présence d’anciennes gloires auprès des délégations respectives, hormis le Mali. Cet état de fait a eu le mérite d’être une motivation pour les anciennes basketteuses du Mali de ne plus rester en marge des différentes équipes féminines. Parce qu’elles se sont dit que les filles n’ont plus la même mentalité qu’elles et que l’environnement n’est pas sain. Il serait donc plus que nécessaire que les mamans assistent leurs filles, pour mieux les encadrer, les motiver et doper leur cœur face aux grands défis.

L’amertume du cinquantenaire !

Paradoxalement, l’une des vedettes de l’histoire du basketball malien, Aïssata Haïdara dite Fouky n’est pas dans cette logique. Elle a décidé de tourner dos à la balle au panier de son pays pour exprimer son exacerbation, sa désapprobation face à ce qu’elle qualifie d’injustice et de discrimination. De quoi s’agit-il ? Fouky explique : “Pour les cinquante ans de l’histoire du basketball africain, Fiba-Afrique a demandé à chaque pays de fournir le nom de ses anciennes gloires. A celles-ci, elle a décerné des médailles, des diplômes de reconnaissance. Il est incompréhensible que mon nom n’ait pas figuré sur la liste que le Mali a envoyée. Dix ans de carrière professionnelle, plus de quinze ans en équipe nationale, ancienne meilleure joueuse, et marqueuse de championnat d’Afrique, je me suis posée la question de savoir comment on a pu faire une telle discrimination. Finalement, j’ai conclu que le seul choix portait sur les affinités des unes et des autres. Cela fait mal si la valeur de l’individu, son histoire, ne sont pas reconnues ou sont déformées. C’est pourquoi, j’ai décidé de m’éloigner du plancher”. La façon dont elle donnait ces explications mettait en évidence le degré de son amertume.

Fouky au firmament de sa carrière au stade d’Abidjan

Plaque tournante, véritable tour de contrôle, Aïssata Haïdara dite Fouky était un pivot autour duquel le Stade malien prenait ses repères. Elle sonnait la résistance face à une redoutable équipe du Djoliba AC. Bref, c’est à partir de Fouky que le Stade s’organisait et apportait autant que possible la réplique adéquate aux équipes rivales. Sa venue dans la famille blanche a coïncidé avec le départ d’Aïssata Guinto pour le Sénégal. Puisque les écoles avaient été fermées, Guinto fut envoyée par son père à Dakar. Mais avant d’y aller, elle avait remis tout d’elle à Fouky, une façon de lui confier la garde de la maison où Sali Dembélé était là pour réguler la famille.

Véritable tour de contrôle

En 1983, au retour de Guinto, le trio infernal se forma pour renverser la tendance de la forte domination djolibiste. C’était une véritable forteresse, quasi impénétrable formée par les trois dames. La seule joueuse qui est parvenue à transpercer ce bloc est Aminata Coulibaly. Ce jour-là, elle a pris le surnom de Waraba 10.  Le trio infernal façonnée par feu Amadou Daouda Sall, ex entraineur du Stade et des Aigles, était redoutable à tous les niveaux.

Ayant appris le basket dans un tel engrange, la logique par rapport à un avenir radieux a été respectée. De ses débuts au Stade, à sa maturité en équipe nationale et à sa confirmation en Côte d’Ivoire, Fouky a toujours fait valoir sa valeur intrinsèque, à travers un seul crédo : éviter de paralyser l’équipe par un jeu individuel, malgré ses atouts.

Lors de notre entretien avec Aïssata Haïdara dite Fouky, elle s’est tellement référée à son père qu’en un moment donné nous l’avons arrêtée, pour lui demander qui était son père et quel était son profil ? Cela a eu l’avantage pour nous de savoir que son papa n’est autre que ce vieil instituteur qui a été notre directeur d’école au milieu des années 1980, à l’école fondamentale second cycle de Darsalam. Tous ceux qui ont connu Mohamed Lamine Haïdara se rappellent aujourd’hui d’un enseignant rigoureux. Toujours sur le qui-vive, du matin au soir, il traquait les occupants du “palais des chômeurs” (espace situé au flanc de la colline). Ayant vécu dans un tel environnement familial de rigueur éducative, Fouky ne pouvait que réussir.

Effectivement, c’est sur les injonctions de son père qu’elle fera ses premiers pas dans le basket-ball. Un soir, le vieux Haïdara l’envoie chez l’entraineur du COB, Harouna Barry, avec une note. Dotée d’une taille qui lui permet de ne pas fournir beaucoup d’efforts sous le cerceau, Fouky séduit ses coéquipières et les dirigeants verts. Mais nul n’est sans savoir qu’un enseignant n’a aucun état d’âme pour inculquer la bonne éducation à ses enfants. Le vieux Haïdara interdit le plancher à sa fille Aïssata dite Fouky, aux motifs que les études sont primordiales. Un adage dit que les loups ne se mangent pas entre eux, le coach Kandé Sy qui était en même temps le professeur de Français de Fouky se porte garant et s’engage à veiller sur les études de leur fille. C’est ainsi qu’il la transfère, au début des années 1980, au Stade malien de Bamako. Fouky rejoint ainsi les Batoma Coulibaly, Sali Dembélé, Aïssata Guinto, Diorobo Sacko, Niagalé Diallo dite Bébé et autres.  La même année, Fouky remporte la Coupe du Mali.

Par la suite, le Stade malien, en dames, s’impose et remporte les coupes des sociétés et entreprises d’Etat, ainsi que les championnats du District.

Dix ans, huit doublés

L’année 1985 a consacré la dislocation du trio infernal : Sali Dembélé se marie et met fin à sa carrière ; Aïssata Guinto s’en va pour les études en ex URSS et Fouky signe un contrat avec le Stade d’Abidjan. Avant son départ pour la Côte d’Ivoire, Aïssata Haïdara s’est buté contre le refus de son père, quand le Matra Racing de Paris et un club sénégalais ont voulu la transférer dans leur club. Au-delà de la décision du vieux, le fiasco de ses deux tentatives peut s’expliquer par le fait que les équipes ont directement géré avec la Fédération. Mais les Ivoiriens sont passés par un autre entraineur, Vieux Diatigui Diarra. Celui-ci a trouvé l’alibi d’une simple invitation de la partie ivoirienne et en conséquence Fouky devait retourner à la rentrée des classes. Surtout qu’elle venait de décrocher son Bac.

Une fois à Abidjan, la jeune Haïdara signe son contrat, en laissant son père dans la logique d’une simple invitation. N’ayant pas constaté le retour de Fouky en début octobre, le vieil instituteur a pris la décision d’aller chercher sa fille. Mais ses amis le convainquent de ne pas effectuer le déplacement et qu’il doit laisser la jeune Aïssata tenter sa chance dans une aventure qui s’annonçait prometteuse. Le vieux, ne baissant pas les bras, continue à surveiller le quotidien de Fouky.

Le séjour décennal à Abidjan de Fouky a été marqué par huit doublés (coupe nationale plus championnat) auxquels il faut ajouter des trophées de reine, de meilleure joueuse, de meilleure rebondeuse et de meilleure marqueuse. C’est-à-dire que, chaque année, elle remportait au moins deux couronnes. Sa disette de deux ans s’explique par deux faits : la blessure et la suspension. Qu’est ce qui a motivé cette suspension ?  Fouky revient sur une injustice qui l’a frappée loin de son pays : “Durant tout mon séjour abidjanais, je signais toujours un an de contrat avec le Stade d’Abidjan. Cela avait l’avantage pour moi d’avoir une certaine indépendance à la fin de la saison et de voir éventuellement dans quelle mesure je pourrai profiter des opportunités. C’est dans cette situation qu’un autre club, l’Inter Transit, m’a contactée et j’ai accepté. Malheureusement, j’ai été victime de faux et usage de faux. Les dirigeants ont imité ma signature et je n’ai pas pu me défaire de ce complot orchestré pour me retenir. Mon club, plus puissant, a eu le dernier mot. Non seulement je n’ai pas pu transférer et j’ai écopé d’une suspension d’un an. C’est ainsi que je suis restée à Abidjan, malgré les conseils de feu Mamadou Keïta dit Capi. Je m’entrainais avec l’équipe, tout en participant aux compétitions internationales, mais suspendue sur le plan local. Après ces périodes de turbulence, j’ai continué mon aventure jusqu’à mon retour”. 

Son aventure en équipe nationale a débuté la même année où elle a intégré le Stade malien de Bamako et a consacré aussi l’exploit de sa génération au tournoi de la Zone II à Dakar et un an après, à Bamako. Son départ pour Abidjan a été une confirmation de sa dextérité et l’équipe nationale ne pouvait se passer des services d’un pivot, aussi redoutable comme Fouky. Voilà comment et pourquoi elle a su demeurer une titulaire incontestable dans le dispositif des différents entraineurs des Aigles.

Fouky a participé à quatre championnats d’Afrique féminin, avec à la clef le titre de meilleure joueuse et de meilleure marqueuse lors de l’édition de 1984, avec 60 paniers, soit 120 points.

A un moment donné, Aïssata Haïdara dite Fouky, après dix ans dans un même club, n’avait plus rien à démontrer. Elle avait remporté tous les titres sur le plan local, participé à d’innombrables éliminatoires de coupe d’Afrique de clubs. Et durant deux ans, des équipes européennes étaient à sa trousse, mais son père s’y était opposé. Fouky décida de rentrer à Bamako en 1995. Une fois au Mali, elle posa ses valises au Stade malien en 1996, sur insistance des dirigeants. Ceux-ci sont allés la chercher pour renforcer l’équipe. Fille d’un Stadiste, elle-même Stadiste et avec le Stade dans son sang, Fouky ne pouvait en aucune manière rejeter cette sollicitation. Mais elle se trouva orpheline de ses complices : Sali Dembélé est rappelée par le foyer, son homonyme Guinto, un an après son retour de l’ex URSS, a mis fin à sa carrière en 1992. Donc la garde de la maison est alors confiée à Fouky qui a la double responsabilité de continuer sur les traces du trio infernal et d’encadrer ses cadettes. Bien sûr, elle a relevé le défi non seulement au Stade mais aussi en équipe nationale. Et cela jusqu’en 1998 où une blessure au genou lui a fait comprendre que chaque chose a son temps et que le moment était venu pour elle de mettre un terme à sa carrière. Sa retraite consommée, elle se contente de contempler certaines rencontres de coupes du Mali et de championnat.

Comme temps forts de sa carrière, Fouky retient son transfert au Stade, la victoire en finale de la coupe du Mali sur le Djoliba, son titre de meilleure marqueuse en 1984  lors du championnat d’Afrique et bien sûr tous ces moments de gloire en Côte d’Ivoire.

Le revers de la médaille, sous forme de mauvais souvenirs, se résume à sa suspension à Abidjan, sa blessure au genou et surtout la défaite des Aigles en demi-finale du championnat d’Afrique féminin.

Toutes les anciennes gloires que nous avons rencontrées dans le cadre de cette rubrique et qui étaient de cette campagne, ont retenu cette rencontre contre le Zaïre. L’élimination du Mali fut ressentie comme une mort subite : à une seconde de la fin du match, à égalité de points, le Zaïre a obtenu deux lancers francs et les a transformés. Le Mali s’inclina.

Au Stade, elle dit n’avoir eu le temps de vivre de mauvais souvenirs, parce que la qualité du groupe ne faisait l’objet d’aucun doute.

Pour des raisons personnelles, Aïssata Haïdara n’a pas voulu se prononcer sur la gestion du basketball malien et l’élimination des Aigles dames lors de la dernière Afro basket. Mais elle est formelle qu’il ne saurait y avoir de comparaison entre leur génération et celle de leurs filles où l’argent est devenu source de motivation. Selon Fouky, à leur époque, la prime ne dépassait pas les 30 000 F maliens, soit 15 000 Fcfa. Dans ce cas, la comparaison n’a pas son sens.

Après une riche carrière de basketball, aujourd’hui âgée de 51 ans, Aïssata Haïdara dite Fouky s’est reconvertie dans le commerce. Elle voyage dans la sous-région pour fructifier son commerce.

O. Roger Sissoko

Commentaires via Facebook :

2 COMMENTAIRES

  1. Pour faire un commentaire ou éloge de cette Formidable battante courageuse basketteuse il assisté a un de ces match j ai eu l’occasion quand elle jouait Pour le lycée askia en 1984 a Ségou un pays à l image de ces dirigeants tout venant merci pour tout fouki

  2. Ah cette dame me rappelle les bons moments du Stade, où je vois encore Guinto et Sali toutes fraiches en train de gambader pour marquer des paniers. Fouky pour la discrimination, ne te casse pas le moral pour cela. Au Mali on ne récompense parfois que les médiocres. vraiment tu as as honoré le basketball malien. Bon vent et longue vie à toutes ces ancienne du basket malien : Pinpin: Adiza, Guinto, Sali, Bébé, Woya, Lala, et bien sure Waraba dix. Roger encore courage -courage et courage.

Comments are closed.