Moins fort avec l’Argentine qu’avec le Barça: le faux procès fait à Messi

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Lionel Messi : vexé, il refuse un prix !L’homme a tous les pouvoirs. Même celui de faire libérer un otage à la simple évocation de son nom. Dans la famille tarte à la crème, c’est pourtant l’une des préférées de la confrérie des experts, ce milieu aux humeurs prévisibles et binaires, où les idoles du jour sont exécutées le lendemain.

Accusé Lionel Andrés Messi Cuccitini, levez-vous ! Vos prestations avec l’Argentine sont indignes. Bien en-deçà, en tout cas, de vos prodiges réitérés sous la tunique blaugrana du Barça. Un jour il y aura bien un procureur pour juger que l’Albiceleste est meilleure sans vous. N’est pas Pelé, Maradona ou Zidane qui veut : eux ont gagné la Coupe du monde. Tiens-le toi pour dit, la Pulga !

On stigmatisera vos statistiques faméliques. Pensez ! 46 (petit) buts en 102 sélections (0,46 par match), agrémentés de 40 passes (à peine) décisives. Pour preuve ultime, la Copa America 2015. Jusqu’ici, vous n’y avez scoré qu’une fois, sur pénalty qui plus est, face au Paraguay au premier tour (2-2). Autant dire le néant. Surtout au regard de vos 412 buts en 482 matches en blaugrana (0,85 par match!), de tous ces gestes qui irradient le Camp Nou. Remember Boateng…

Cette nuit à Concepción, la deuxième ville du Chili, Messi a pourtant répondu. L’Argentine a laminé le Paraguay (6-1). Le quadruple Ballon d’or a été impliqué sur cinq buts, dont trois passes décisives. Voilà désormais l’Albiceleste en position d’égaler l’Uruguay si elle remporte son quinzième trophée continental face au Chili, dimanche à Santiago.

Messi moins fort qu’avec le Barça ? C’est un faux débat et partant de là, un mauvais procès.

Qu’est d’abord la Copa America aujourd’hui, dans l’ordre du football mondial ? Plus ancienne compétition entre sélections nationales au monde avec ses 99 ans d’existence, elle fait hélas bien son âge. Le bail emphytéotique est arrivé à terme. Reste une caricature de rugosité défensive, moyenne de buts à l’avenant : 2,33 par match (2,67 lors du Mondial 2014), et même un pathétique 2,05 si l’on écarte les matches du pays organisateur.

Revenons à Messi. On insiste souvent sur son manque d’influence présumé en sélection. Oubliant au passage que le système de jeu argentin l’oblige souvent à partir de très loin balle au pied, ce que Mourinho, lui, n’a pas manqué de noter. En sélection, ses coéquipiers, Pastore et Di Maria en tête, portent eux-même beaucoup le ballon, ce qui ralentit l’orchestre, à l’inverse du jeu de mouvement perpétuel pratiqué en Catalogne.

Il faut aussi se remémorer que la Pulga a joué 53 matches en moyenne par saison en club depuis 2008 et que les tournois de sélections se jouent en juin/juillet, quand les organismes crient : repos ! Comment lui en vouloir d’être moins décisif au terme d’une saison fabuleuse (triplé C1 / Liga / Coupe du Roi) avec le Barça, dont il a joué 57 des 60 matches, étant impliqué sur 85 buts ?

Poursuivons le débat d’experts. L’on y fait toujours comme si le foot de sélection était le sommet du jeu mais on sait bien, au fond, que ce n’est plus comme avant. Avant, une équipe nationale était composée en toute logique des meilleurs joueurs des meilleurs clubs de chaque pays.

Puis vinrent par vagues l’arrêt Bosman, l’extension du format de la Ligue des Champions, l’envolée exponentielle des droits TV, la mutation des stades en machines à cash… Jusqu’à transformer les plus grands clubs en Best Of des meilleures sélections nationales, inversant de facto la hiérarchie.

L’affaire est valable pour le Real, le Bayern, Chelsea, City, le PSG. Et aussi pour le Barça. Surtout pour le Barça. Regardez le onze barcelonais en finale de la dernière Ligue des Champions face à la Juventus (3-1) : quatre Espagnols, deux Brésiliens, deux Argentins, un Croate, un Uruguayen, un Allemand.

Soyons réalistes : le Barça (et sa MSN à 122 buts la saison) est aujourd’hui infiniment plus fort que l’équipe d’Argentine ou n’importe quelle sélection, y compris la Mannschaft allemande ou la Roja espagnole. Et le niveau de la Ligue des Champions, infiniment supérieur à n’importe quel match entre sélections, Coupe du monde inclue.

A 28 ans (il les a fêtés le 24 juin), Lionel Messi symbolise cette mutation mieux que personne, à son corps défendant. Arrivé à 13 ans à la Masia, il a passé plus de temps dans sa vie en Catalogne que dans son pays natal. Sans le traitement aux hormones de croissance payé depuis son adolescence par le FC Barcelone, il ne serait même pas joueur de foot, aujourd’hui, encore moins le capitaine de l’Argentine.

Messi gagnera peut-être la Copa America. Il ne gagnera peut-être jamais la Coupe du monde. Et après ? Il a quatre Ligues des Champions au palmarès. Contre une seule pour Zidane et zéro pour Maradona, sans même parler de Pelé, qui n’a jamais joué en Europe.

Alfredo Di Stefano, compatriote et prototype de Messi, a gagné cinq C1 avec le Real de 1956 à 1960, tout en n’ayant jamais joué un seul match de phase finale de Coupe du monde. En est-il plus misérable sous le jugement de l’Histoire ? Je n’en crois rien.

Dans la confrérie des experts, les accusés du jour sont les réhabilités du lendemain.

Les tartes à la crème rendent malade, à la fin.

Geoffroy

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