CEDEAO-M5-RFP : L’échec au bout du compte

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Malgré son acceptation des bons offices de la Communauté internationale, le Mouvement du5 juin du Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP) n’admet pas les propositions de sortie de la crise sociopolitique que traverse notre pays formulées par les cinq chefs d’Etat de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), réunis à Bamako la semaine dernière. Pour le Comité stratégique de ce mouvement, tout passe d’abord par la démission du Président IBK avec tout son régime. Or, ce dernier, même si son échec est avoué, de l’avis de ses pairs, a été démocratiquement élu. Donc, pour démettre IBK de ses fonctions alors qu’il n’a pas violé la Constitution comme ce fut le cas dans certains autres pays, ce serait créer un précédent qui risque fort probablement d’être suivi dans la sous-région où les institutions républicaines ne sont que des colosses aux pieds d’argile.  

C’est clair, l’arrivée de la CEDEAO au chevet du Mali en profonde crise sociopolitique avait suscité un réel motif d’espoir. Mais, en fin, ce ne fut qu’un espoir déçu, un sentiment d’incompréhensions et d’incertitudes exacerbés. À vrai dire, ce ne fut qu’un constat d’échec qui se dégage de la position soutenue par les cinq chefs d’Etat de la CEDEAO venus intervenir au nom de la communauté internationale entre les acteurs de la crise sociopolitique que traverse le Mali depuis plusieurs mois maintenant. Après trois  tentatives de rapprochement des positions des camps adverses, la CEDEAO n’a pas pu faire reculer l’opposition qui, au contraire, s’est radicalisée dans ses revendications principales dont celle exigeant la démission du Président IBK.

En effet, dans leur Déclaration finale assortie d’une série de recommandations aussitôt rejetées par le M5-RFP, la délégation de très haut niveau de l’institution sous-régionale conduite par son Président en Exercice, le Nigérien Mahamadou Issoufou, a proposé le maintien du Président IBK à son poste et de son Premier ministre Dr. Boubou Cissé; la répartition des quotas de membres du futur gouvernement ; la remise des victimes du trucage  des résultats des législatives du 19 avril  dernier dans leurs droits ; une ouverture des enquêtes sur les tueries des manifestants et les pillages des édifices publics. En somme, c’est le statuquo avec  en plus la mise d’un accent particulier sur les recommandations de la délégation conduite par l’ancien Président nigérian, Goodluck Jonathan. Le pire, Mahamadou Issoufou et Alhassane Ouattara pensaient qu’avec toute cette mobilisation de haut niveau, il n’était que de faire passer le message confié à eux depuis l’extérieur du continent comme une lettre à la poste. Malheureusement, ils n’ont pas pu guérir d’un coup de baguette magique les effets de la mauvaise gouvernance érigée en système.

« À l’impossible nul n’est tenu », selon le Président IBK lui même

En effet, pour le M5-RFP, l’essentiel, c’est le départ du Président IBK avec tout son régime. Mais, même là, au fond, sur les sages conseils de l’Imam, c’était négociable. Autrement dit, d’office des concessions étaient envisageables du côté du Comité de stratégies du M5-RFP. Seulement, les chefs d’Etat ont manqué de flair et de tact dans leurs prises de contacts avec les différents interlocuteurs. En se campant sur l’esprit du protocole de la CEDEAO selon lequel il n’est pas permis de faire démissionner un président de la République démocratiquement élu et qui ne prétend nullement de violer la Constitution de son pays pour se maintenir, Mahamadou Issoufou et sa suite sont allés inconsciemment droit au mur. Or, avec un minimum de sens élevé d’écoute et de diplomatie, cette demande de la démission du Président affichée par l’opposition allait se muer implicitement en un défi gérable et non à un mur infranchissable. D’où le blocage dans les négociations. Donc, c’est l’option pour le statuquo qui a tenu lieu d’un sérieux facteur de blocage dans les négociations prônées, qui a tout gâché. Au sortir des négociations, l’imam Mahmoud Dicko a clairement déclaré que « les lignes n’ont pas bougé ». Ce qui explique que les hôtes du Mali n’ont procédé à aucune nouvelle proposition amenant et son mouvement et le Président IBK de faire des concessions majeures attendues. Et c’est au Président nigérien de renchérir inconsciemment certainement en centrant ses propos sur la pseudo ligne rouge de la CEDEAO à ne pas franchir. En tout cas, rien n’est saisissable clairement de leur déclaration. Certes, il va de soi que  vouloir servir de bouclier politico-humain au tour de leur homologue, cela jure avec les principes naturellement sous-tendus de Syndicat de chefs d’Etat qui gangrène ce continent au plan démocratique ; mais, pour ce cas de figure, il suffisait juste de savoir mettre en confiance l’opposition malienne. Il ne s’agissait pas d’afficher une position figée, mais de négocier. Évidemment, selon une source spécialisée, c’est dans le cadre d’une mission inspirée par autrui pour la préservation des positions géostratégiques des grandes puissances du monde actuel que toute cette forte Délégation s’est précipitée au chevet du Mali, ce Grand malade de la sous-région à ne pas abandonner dans son propre triste sort au risque de le voir retomber gracieusement aux mains de ces coriaces concurrents de l’Outre-Atlantique, notamment.

 Nos chefs d’État ont manqué de tact seulement 

Au demeurant, force est de constater que cette délégation de plus haut niveau de la CEDEAO ne devrait pas manquer d’intelligence et de flexibilité pour désamorcer, cette fois-ci, cette bombe à retardement. Au fond, la bonne foi du M5-RFP était là, saisissable. Simplement, il ne suffisait pour les chefs d’État que de savoir mettre à profit l’opportunité. Surtout qu’il un proverbe du Fouta Djallon qui enseigne que  « Celui qui veut déposséder l’enfant de son oiseau doit pouvoir lui offrir un jouetvraisemblable ». En d’autres termes, toute cette armada de chefs d’État n’aurait pas dû manquer de contre-propositions intelligentes et constructives garantissant concrètement le devenir de ce pays face à ces revendications populaires avérées légitimes.

En substance, force est d’admettre que, vu la position qu’occupe le Mali dans la sous-région ouest-africaine au plan géoéconomique et étant membre fondateur de la CEDEAO, la crise qu’il traverse actuellement doit et risque de se faire ressentir gravement aussi dans les autres pays voisins. Ce qui exige cette intervention effective de la CEDEAO afin de parer à des conséquences généralisées et un mimétisme dans les autres Etats.

Ainsi, vu les exigences meublant la plateforme revendicative du M5-FRP, rien ne pouvait permettre d’éviter cette crise au Mali, ce pays autrefois vitrine et plaque tournante du dialogue social, du consensus et de la Démocratie dans une sous-région toujours agitée, en proie à la violation impunie des Constitutions et à des répressions sanglantes.

Certes, IBK, est arrivé au pouvoir dans à un moment particulièrement critique pour ce pays au plan sécuritaire. Mais qu’à cela ne tienne, le peuple malien a toutes ses raisons de fonder espoir sur l’intervention de la CEDEAO. C’est dans ce cadre que, de tous les côtés, l’on s’est mis de nouveau à espérer que le processus de Démocratie et de Paix allait renaître de ses cendres quasi certaines. Ce, en ramenant les protagonistes à l’essentiel, à savoir la préservation des acquis démocratiques, à la mise en œuvre du processus de paix et la sortie définitive du pays de la crise multidimensionnelle, cette situation boueuse dans laquelle il patauge depuis 2012 maintenant.

IBK a été servi sur un plateau d’argent par ses pairs. C’est le moins qu’on puisse dire suite à cette position exprimée par les chefs d’État de la CEDEAO atterris en catastrophe à Bamako. Au lieu de convaincre par l’art du dialogue, ils ont opté pour les menaces, l’intimidation. Et c’est ce qui a contraint l’Imam Dicko à prévenir qu’il préfèrerait « mourir en martyr que de vivre en traître ». Donc, il reste à savoir si ce genre de ‘‘bagabaga’’ (menaces) triomphera ou réduira encore le Mali à une simple République bananière.

C’est une preuve de bonne tenue du M5-RFP d’avoir décrété unilatéralement une trêve de désobéissance civile annonçant la suspension de ses actions jusqu’à la fin de la fête de Tabaski dont les préparatifs vont bon train du côté de la communauté musulmane représentant plus de 90% du peuple malien. Ce qui dénote que l’espoir suscité par l’intervention de la prestigieuse institution sous-régionale n’est pas totalement vouée à l’échec. L’espoir doit être gardé. Toutefois, il suffira de convaincre les deux parties sur l’obligation de toutes et de chacune de revoir leurs positions. Le M5-RFP peut laisser IBK achever son mandat devant prendre fin en 2023. Et celui-ci aussi peut consentir davantage de sacrifices plus près de la realpolitik.  Concernant, par exemple, le sort de l’Assemblée nationale et la Primature, ses homologues auraient dû l’amener à satisfaire les doléances de ses concitoyens. Mais, on ne saurait prôner uniquement sur le bout des lèvres les vertus du dialogue et s’attendre à des issus favorables forcément. Le dialogue,ce sont des concessions douloureuses de part et d’autre. Pas d’un seul côté. Mais, c’est triste,la montagne a pour le moment accouché d’une souris. Eh, oui, malheureusement pour cette pauvre Afrique !

Djankourou

 

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6 COMMENTAIRES

  1. L’espoir doit être gardé. IBK nous avons confiance en toi et en te reformes pour le peuple malien

  2. démettre IBK de ses fonctions alors qu’il n’a pas violé la Constitution, c’est de la folie

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