Dieu n’est pas un fonds de commerce

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Ce qui arrive à notre pays, un destin aussi singulier qu’imprévisible, suscite interrogation et incertitude. Les grands esprits se sont dits et dédits sur les causes de notre histoire contemporaine. Ce qui n’est point de l’ordre des discussions, c’est que nous sommes tirés vers le bas et  il nous faut le geste ultime pour ne pas toucher le fond. Que Dieu nous en préserve pour le bonheur de la postérité pour qui le combat vaut la peine parce qu’eux ne méritent pas la sanction de nos fautes.

Le temps n’est plus au verbe mais à l’action de notre génie malien, la foi en notre destin commun.

Quel triste paradoxe, que la foi, un des trois piliers de notre Devise, soit devenue notre talon d’Achille.

Mon objectif à travers ce texte n’est pas d’objecter sur les analyses antérieures de notre situation ni même d’annihiler les solutions, mais de toucher du doigt ce qui, de mon point de vue, reste la cause des causes, la sous-jacente de  tous les symptômes.

Ce qui nous arrive, ne tombe pas ex nihilo, mais reste le résultat d’un processus de déliquescence et de désintégration collectivement ourdi.

Après moult analyses, je suis aujourd’hui gagné à l’idée que le véritable problème malien est une défaillance spirituelle.

Ce qu’on ne peut nullement nous contester, est que nous sommes un peuple profondément religieux. Nos lieux de prière ne désemplissent pas les jours et heures indiquées.

Au-delà des différences de dogmes, toutes nos religions se retrouvent autour des concepts et valeurs de crainte de Dieu, d’amour du prochain et de pratique de la justice. Les Saintes Ecritures préviennent que celui qui prétend aimer Dieu alors qu’il n’aime pas son prochain, est un menteur. Elles ajoutent qu’on ne peut pas prétendre aimer Dieu qu’on ne voit pas et ne pas aimer son prochain qu’on voit. Nous le savons aussi, la foi révélée par les religions monothéistes se ramène à deux grands commandements, à savoir : aimer Dieu de toute son âme, de toutes ses forces (1) et aimer son prochain comme soi-même (2).

Dites-moi, comment expliquer tant d’injustice, d’animosité, de cruauté sous toutes ses formes, dans “ un pays fondamentalement croyant ” à presque 100% ?

Comment comprendre tant d’incivisme, de triche, d’irrespect envers la chose publique ?

Lorsqu’un rapport du Vérificateur Général épingle plus de 250 milliards de nos francs dans un pays de tréfonds de pauvreté, l’indignation du citoyen n’est pas à la hauteur du scandale.  Il me semble que nous soyons suffisamment habitués à cet air malodorant de la corruption que nous n’en sommes plus sensibles. C’est ici un des signes inquiétants  vers le laborieux chemin de construction d’un destin commun et triomphant.

Parlant de 250 milliards de CFA de manque à gagner, un petit exercice nous permet de comprendre qu’il s’agit bien de 250 000 millions de CFA. Une opération de division entre nos 703 communes permet à chaque commune d’en gagner 355 millions, de quoi dépasser le budget annuel de beaucoup de nos communes. Si nous reprenons le même exercice pour nos 12 000 villages, chacun en reçoit une dotation de plus de 20 millions, une enveloppe à même d’améliorer les services sociaux de base en manque criard dans beaucoup de nos villages.

Après l’affairisation de la politique, c’est, me semble-t-il, le tour de la religion d’être ” businessisée“.

A coup de manipulation, de conditionnement à des fins d’autoréalisation, le message religieux perd toute objectivité.

Il me semble que ” l’argent-dieu ” a imposé son culte et a gagné beaucoup trop d’adeptes.

Ceci explique cette addiction effrénée à l’argent au point que beaucoup de nos compatriotes sont prêts à accepter un dessous de table d’un million de CFA contre 1 milliard qu’il ferait perdre à son pays.

L’absence d’esprit de suffisance, synonyme de cupidité, est une maladie spirituelle qu’on retrouve aussi bien chez les nantis que chez les démunis. Et il reste vrai que la richesse engendre la satiété et celle-ci la démesure pour des cœurs qui ne connaissent point la mesure de la suffisance. (Wassa en langue Bamanankan).

Un de mes meilleurs jours a été ce jour où un ainé m’a confié avoir dit dans ses prières à Dieu de ne plus augmenter ses avoirs. Il ajouta qu’Il avait demandé au Tout-Puissant de donner aux nécessiteux la part qu’il aurait encore pour lui. Quelle grandeur d’âme et d’esprit.

Une tante, également écrivaine, me confia un jour une mission, celle d’écrire un livre sous le titre de :

le pays de l’humain “. C’était pendant un de ces moments d’échanges que nous avions pour réfléchir à la situation de notre pays, le Mali. J’estime pour ma part, qu’un tel ouvrage devrait être collectif et donc porteur de voix plus autorisées que la mienne même si mon modeste accompagnement sera obligé. Il est des moments où, en solitaire, j’exprime ma gratitude au Dieu Créateur de nous avoir gracieusement donné tout ce qui est de l’ordre du vital, l’eau et l’air par exemple. Imaginons, dans notre contexte de défaillance spirituelle, que ces deux denrées fussent la possession de quelques privilégiés. Imaginez ce que serait le monde.

Tel un animal agonissant, notre pays, bien qu’à terre, souffre davantage de certains de ses fils qui, plutôt que de prêter leurs efforts et leur énergie pour le remettre sur ses pieds,  ne s’en soucient que très peu et continuent de chercher à lui enlever son énergie restante. Honte à eux, car le Mali se redressera.

Fort heureusement, comme des sentinelles, se tiennent à la brèche ceux dont la dévotion et la consécration sont sans ride ni ombre de variation.

Certains de mes concitoyens comprendront mes propos comme une flèche en direction de quelques individus plutôt que de regarder dans leur propre miroir. Ils sont comme ces insensés qui, lorsqu’on leur montre du doigt le soleil, plutôt que de regarder dans la direction du doigt, ils regardent le doigt.

Tout comme la connaissance et la compétence qui ne se donnent pas en héritage, nul ne peut se prévaloir de la foi de son père ou de sa mère, aussi fervente fut-elle été. Chacun répondra de ses œuvres. Je pense que l’unanimité est faite sur cette assertion : lorsque le menteur vous dit qu’il mourra un jour, pour une fois, il vous dit la vérité. Puissions-nous nous rappeler de notre état de finitude.

Je propose un exercice aussi simple que difficile à mes compatriotes. Il consiste à consentir à observer une journée ” zéro corruption “. Je suggère déjà le 25 mai, une journée riche en symbole, la journée de notre chère Afrique. Nous passerons ensuite à ” la semaine zéro corruption “, ” au mois zéro corruption et après à ” l’année zéro corruption “. Après ces étapes, j’ai la conviction que cela entrera dans nos esprits et dans nos muscles. Notre expérience, j’en reste convaincu, fera école.

Du reste, comme nous sommes sur le double terrain de la foi et du social, je présente humblement mes excuses à tous ceux qui se sentiront offensés. Mon objectif n’est pas de donner une leçon de foi, elle convient à ceux qui en sont investis, mais de rappeler notre engagement de foi, à savoir, craindre Dieu et aimer notre prochain comme nous  même. Tout le reste vient par-dessus, la grandeur de notre pays aussi.

Que Dieu sauve le Mali. Amen !

MARC GOITA

Consultant-auteur écrivain.

Promoteur de la Plateforme Sentinelle Démocratique.

Tel. (223) 66 87 71 16 / 76 13 68 46

 

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4 COMMENTAIRES

  1. Mr Goïta vous avez écarté les non croyants !
    Sangare ces valeurs qui demandent de ne pas faire du mal à son prochain ne suffisent pas bien qu’ elles soient nécessaires ! Sangare ce ne sont pas les religions qui ont dénaturé l’ homme africain , mais c’est l’ homme africain qui n’ a pas pu concilier les religions et sa culture ! Sangare que pensez-vous de ces mots ou groupe de mots : le sens de l’ effort , l’ honnêteté , la connaissance ? Je pense qu’ on a pas besoin d’être religieux pour avoir les trois qui sont nécessaires et suffisants pour sauver le Mali ! Ces trois éléments doivent être les bases du progrès : le défaut que tu vois chez les musulmans est du en grande partie à cette carence , que l’ on soit croyant ou non il nous manque ces trois choses ! Le débat est ouvert !

  2. J’apprécie le débat d’idées ici suite à l’écrit de de Mr Goita. Félicitation pour ce texte que j’admire. Mais comme vous le dite, l’heure est à l’action mais au verbe. J’adhère à votre idée de jour, semaine, mois et année zéro corruption.

  3. Merci Sangare. mais c’est trop tard ,quand arrivait le vent de la démocratie nous avons tué le mouvement pionnier, les biennales bref tout a été abandonné. Même les jeunes d’un petit village malien ne se reconnaissent plus et ne les demander surtout pas le sens du mot Patriotisme.

  4. Avant l’arrivée des RELIGIONS MONOTHÉISTES dans notre espace géographique qu’on appelle Mali,la bienséance n’était elle pas en marche?
    Est il nécessaire d’être religieux,différent de croire en dieu,pour adopter les comportements souhaitables?
    Avant l’émergence de la période des mosquées et des églises on oublie ses objets importants dans la rue,des mois après on revient on trouve l’objet dans la même position.
    Le récit d’un écrivain arabe révéle que d’Arabie saoudite à l’empire du Mali,on pouvait être attaqué par les contrebandiers,mais une foi dans l’espace de l’empire du Mali on ne craignait rien,pas que la sécurité etait assurée,mais que les habitants étaient éduqués dans le sens de ne pas faire de mal à son prochain.
    DEPUIS L’AVÈNEMENT DES RELIGIEUX,ON A ACCORDÉ PLUS D’IMPORTANCE AUX RITES QU’À APPLIQUER LES PRÉCEPTES DU LIVRE SAINT.
    Ces préceptes sont même interprétés en fonction des désirs des dirigeants religieux.
    Pour les musulmans il suffit de faire les cinq prières de la journée,être fréquent dans la mosquée pour être crédible.
    C’est pourquoi le fonctionnaire qui étale sa richesse largement au dessus de ses rémunérations légales est apprécié du fait qu’il est fréquent à la mosquée,en a même construit.
    Personne n’a le droit de s’interroger sur l’origine de sa richesse.
    J’en conclu que les RELIGIONS ont dénaturé L’HOMME AFRICAIN.
    Il faut réinstaurer le mouvement des pionniers(le véhicule de nos pratiques anciennes) dans les écoles et dans les quartiers et villages pour faconner une nouvelle génération de maliens qui accordent plus d’importance à l’humain qu’au matériel.
    OSER LUTTER,C’EST OSER VAINCRE!
    La lutte continue.

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