Lettre de condoléances à la famille de son cousin feu ATT : Lanceni Balla Keita parle de l’homme

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Mon cher cousin, tout juste après que tu sois couché définitivement sous cette terre d’Hamdallaye à Bamako, je tiens à faire savoir au peuple ce que tu fus pour nous tes nombreux cousins et pour tout le peuple malien, pendant ta présence à la tête de l’Etat du Mali.

Cher cousin, tu viens de rejoindre ta dernière demeure après avoir reçu l’hommage de la nation, de l’Afrique et du monde. Les griots nous ont appris que ‘’le monde vivant n’est pas une demeure’’. Je me rends compte de cela avec ta disparition. Nous nous attendons un jour ou un autre à cette mort, cher cousin. « On a beau être l’Imam de la Mecque, on n’échappe pas à son destin », disent les hommes de parole. Dieu a fait le monde ainsi. Cependant tant qu’on vit ici-bas, il faut faire son devoir avec abnégation. C’est ce que tu as fait et bien fait. Mais malgré cela voici ce qui t’est advenu!

Nous nous demandons est-ce donc là ce qui attend les bons ? La question mérite d’être posée, car tu n’as fait que du bon pour le Mali. Tu nous as amené la démocratie en 1991. Tu as créé le multipartisme au Mali, jusqu’à ce que aujourd’hui, nous comptons 217 partis politiques, même si certains chefs de parti n’ont que leurs familles comme militants. Tu nous as amené l’Assurance Maladie Obligatoire, que les travailleurs ont rejeté dans un premier temps avant de revenir sur leurs pas.

Cher cousin, comme vous le savez Gallilée a été le premier scientifique à dire que la Terre est ronde. Il a été décapité pour cela. Tu t’es trouvé dans la même position que Gallilée en ce qui concerne l’AMO. Tu as rendu la césarienne gratuite car pour toi, une mère ne devrait plus mourir en donnant la vie.

Mon cher cousin, ton exemple n’est pas nombreux en Afrique. Tu as doté le Mali du nord au sud, d’est en ouest de voies de communication. Tu as compris tôt que les voies terrestres sont pour un pays ce qu’est le réseau sanguin de l’homme, qui irrigue tout le corps de sang. Tu as apaisé le climat politique au Mali, un autre exemple, pas courant en Afrique. Tu as réveillé la diplomatie malienne à travers le monde. Tu as su exploiter le Sanankuyaou, la plaisanterie à cousinage, pour faire passer les messages qui construisent et renforcent la cohésion sociale, même si notre grand-frère commun, t’a rejeté avec ce concept qui a existé sous l’empire du Ouagadou, puis institutionnalisé dans la Charte de Kurukanfuga en 1236.

Cher cousin, j’ai noté un fait, très important dans ton parcours d’homme d’Etat. C’est le fait de te mettre au même niveau que ton peuple, comme le recommande Portalis, le père du code civil napoléon. Ce qui t’a permis de faire de grandes choses immortelles pour ton pays. Egalement, lors de tes nombreux voyages dans le monde rural, tu tendais la main lors de tes déplacements aux paysans, aux enfants, aux femmes, aux éleveurs, aux bouchers, aux pêcheurs, aux batteurs de tam-tam contrairement à notre grand-frère commun, qui une fois dans la foule, mettait le mouchoir blanc sur le nez pour ne pas respirer l’odeur de ces catégories de gens toujours en sueur.

Autant, tu tendais la main à tous, surtout le bas peuple, autant notre grand-frère commun repliait sa main pour ne pas prendre de microbes. Je te qualifie d’homme d’Etat, parce que durant toute ta présence à la tête de l’Etat, tu n’as rien pris pour toi-même dans les deniers de l’Etat. Tu as toujours appliqué le concept « le Mali d’abord » et non « Lobo, mes enfants et petits-enfants d’abord ». Tu n’as pas eu besoin de chanter cela sur les toits, mais tu as agi contrairement à notre grand-frère commun qui a prôné et rassurer les maliens du concept ‘’le Mali d’abord’’, alors qu’en réalité c’est le contraire qui s’est passé. ‘’Ma famille d’abord’’ a primé sur le Mali d’abord’’. Les preuves crèvent d’œil. Tu as remplacé la daba du paysan par le tracteur moderne.

Mon cher cousin, en venant au pouvoir en 1991, tu n’avais aucune expérience de la gestion politique d’un Etat. Malgré cela, tu as été meilleur aux professionnels de la politique. Par exemple notre grand-frère commun a eu un parcours élogieux sur papier :Conseiller diplomatique du Président, Ambassadeur, Ministre des affaires étrangères, Premier ministre, vice-président de l’international socialiste, président de l’Assemblée Nationale puis Président de la République. Avec tout ce parcours politique, le Mali ne pouvait trouver mieux pour le tirer du sous-développement.

Malheureusement, ça été le contraire d’une manière désastreuse, car en plus de la corruption, la concussion et la prévarication personnifiées, l’Etat malien a signé sous sa gestion un Accord dit d’Alger qui divise le pays désormais. Cet accord a été pour les maliens, la plus grande bêtise humaine. Si mon cousin a été accusé par notre grand-frère commun d’avoir laissé des groupes terroristes entrer sur le territoire malien, ce n’est qu’à même pas ATT qui a divisé le Mali en deux territoires ou chaque territoire à son armée, son hymne, son drapeau, son chef d’Etat, son territoire et sa capitale ?

C’est de là que les Maliens ont compris désormais qu’un président de la République doit être tout d’abord patriote, et n’avoir qu’une seule nationalité. N’a-t-on pas l’habitude de dire que le temps est le meilleur juge. Mon cher cousin tu as été même inculpé sur initiative du grand-frère commun et une procédure a même été déclenchée pour t’extrader afin de te juger. Pour répondre à tes détracteurs, j’ai dit que si tu es inculpé pour ta gestion, alors notre grand-frère commun n’y échappera pas, car il avait fait plus grave que toi.

Mon cher cousin, tu t’en es allé avec tous les honneurs, ton histoire s’est arrêtée ce jour 17 novembre 2020. Ce malheur national malheureusement, a trouvé notre grand frère-commun en détention sous surveillance des militaires. J’ai l’impression que les rôles ont changé. Celui qui n’avait pas atteint l’autre rive, s’est moqué de celui qui semblait se noyer. Mon cher grand-frère souvent l’histoire devient une répétition. La manière dont les choses se sont passées, tu risques  le même sort que le Maréchal Pétain, car ta gouvernance a été des plus malheureuses et une trahison pour le peuple malien. Sous d’autres cieux, c’est la guillotine qui est en vigueur.

Cher cousin pas plus loin que le mois de juin 2020, j’ai passé 45 mn à causer avec toi et ton serviteur loyal, Cissouma, dans ton bureau à la fondation. J’ai senti en toi un peu de fatigue, avec la chaleur qui prévalait. Au cours de cette rencontre, nous avons parlé de l’opération ‘’retour des dogons’’ à Nana-Keniéba au Mandé. Alors tu m’avais promis d’y faire un tour pour voir tes oncles dogons. Cela n’est plus possible avec ton départ prématuré.

Merci pour la médaille que tu m’as décernée en janvier 2009, après celle du Président Alpha en 1996.

Cher cousin dors en paix, tu es à jamais vivant dans le cœur du peuple malien qui n’a jamais été ingrat en général. Que ta fidèle compagne Lobo qui a été non seulement admirable de dévouement, mais également elle a été la Maman de toutes les mamans du Mali, du village jusqu’à la ville. Elle continuera à jouer ce rôle à travers la fondation pour l’enfance.

Ton Mandé te remercie cher cousin pour lui avoir donné une route bitumée qui a accru l’économie locale. Il te dit Adieu. Quant à Lobo, elle demeura toujours la meilleure première dame de l’ère démocratique. Que le peuple malien se souvienne de cela pour toujours.

Dors en paix, apôtre de la paix.

Bamako, le 23 Novembre 2020

Ton cousin, Lanceni Balla KEITA

Ancien Député National

Ancien Député Panafricain

Ancien Ministre

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2 COMMENTAIRES

  1. Ah les Maliens, il fallait que l’homme meurt pour que tous ses eloges viennent de nos memoires. Je me rappelle encore des evenements de Mars 2012 lorsque ATT etait chasse du pouvoir. les memes individus disaient q’il avait le pays dans le chaos, encore lorsqu’il revenait de son exil il a ete acceuilli comme un heros. Maintenant qu’il est mort, des eloges un peu partout, des larmes juste pour montrer que l’homme fut un batisseur. Je suis sur que meme apres la transition, celui qui sera reelu comme president aura le meme sort que ses predecesseurs, car je demeure convaincu que le probleme du Mali c’est nous meme. Tant que nous ne changeons pas nous n’aurons jamais des dirigeants pour sortir le pays de cette situation dont nous sommes tous coupable.

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