État de la nation au temps de «l’ATT-cratie» : «Le Mali est devenu un gros tas de viande d’éléphant exposé au libre service»

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Les douaniers ont compris qu’aujourd’hui, chacun travaille pour soi-même ; l’Assemblée nationale s’est taillé la part du lion dans le budget national ; la médiocrité de la classe politique est connue de tous ; les militaires ont jeté leurs armes parce qu’on veut faire la paix. Enfin, on a un président qui ne fait jamais 48 heures à Bamako, en train de se montrer à toutes les occasions, même les plus injurieuses et les plus honteuses, vidant le trésor public en se taisant sur la gestion calamiteuse du pays. C’est un état des lieux désespérant qui ajoute beaucoup d’ingrédients à la sauce des ATTcrates.

Comme le disait l’autre «plusieurs situations, plusieurs actes, plusieurs décisions de nos autorités constituent des coups rudes portés au coeur de notre chère Patrie». A. peine sortie de son coma très profond en 1991, notre chère Patrie, sauvée connaît aujourd’hui une descente aux enfers au vu et au su de tout le monde. La situation qui prévaut aujourd’hui n’est autre que ce qu’on appelle «chacun poursoi, Dieu pour personne». Si à une époque donnée «il fallait le dire», on a sauté le, «il faut le faire» pour, aller à «il faut te taire». Le Mali d’aujourd’hui est devenu «le gros tas de viande d’éléphant exposé au libre service. Se servir qui peut comme il veut. Le distributeur se fiche pas, mal de ceux qui n’ont pas de couteau, encore moins de ceux dont le couteau n’est pas tranchant». Après le passage de cette bande de rapaces, je crains fort s’il y aura du reste. Pas d’affirmation gratuite, donnons des preuves:

1. Le cas de la douane a été exposé sur la place publique le mardi 5 septembre 2006 à la télévision malienne avec cette rencontre entre le Premier Ministre et les douaniers. Les douaniers, vraisemblablement, ont compris qu’aujourd’hui chacun travaille pour soi même. Ils ont seulement diminué la part de la haute hiérarchie et sans tarder, ils ont été rappelés à l’ordre devant tout le monde.

2. Il n’est caché à personne que la justice depuis très longtemps travaille pour elle‑même. Garba Tapo (de passage je le remercie) a voulu «le dire et faire», on l’a fait «taire» ; non, il a eu zéro, il ne connaissait pas la nouvelle formule : «Il ne faut pas le dire, ni le faire mais il faut te taire ou faire le griot».

3. L’Assemblée Nationale s’est taillé la part belle. Plusieurs lois d’augmentation ou d’institution de primes et indemnités ont été initiées et votées à son profit. A la fin de chaque mois, chacun ramasse ses millions et poussières sans compter les bons d’essence et autres. Il n’y a du bruit à l’AN que lorsque l’intérêt d’un groupe est menacé. Sauf erreur de ma part, en 2003 le Président de l’AN avait préconisé d’investir dans l’enseignement supérieur. J’ai l’impression qu’on lui a fait avaler ses mots. De toute façon tant pis pour l’enseignement supérieur, s’il veut quelque chose qu’il se fasse entendre.

4. Le cas des partis politiques et de certaines associations et mouvements n’est plus à démontrer. Tu as un député, tu as au moins un portefeuille ministériel. Tu soutiens ATT, tu as au moins un portefeuille ministériel ou tu es nommé président de la commission d’organisation d’une rencontre, d’un sommet ou d’un évènement. Tu es d’une association ou mouvement qui soutient ATT, tu as des logements sociaux par ci, des marchés publics par là ou des dons en nature ou espèces sonnantes à travers le «Ministère de la corruption», pardon ! Je veux dire le Ministère du Développement Social, de la Solidarité et des Personnes Agées. Le principe est clair : tu me soutiens directement ou indirectement à travers ton parti, ton association ou ton mouvement, tu es récompensé ; même s’il y a de mauvais accords, tu les soutiens ou tu te tais. La médiocrité de la classe politique est connue de tous, à commencer par les principaux acteurs eux mêmes.

Au jour d’aujourd’hui, la situation dépasse les bomes ; chacun mange, bon gré malgré, au détriment de son idéologie politique. L’idéal politique est devenu la politique du ventre, le consensus national autour du gâteau national : le budget national qui est l’argent du contribuable qui n’a même pas de l’eau potable et qui crève de faim et des maladies diarrhéiques. On finance les partis politiques à coût de millions de­ façon inconstitutionnelle, on finance la presse à coût de millions de façon inconstitutionnelle, mais on refuse aux enseignants de l’Enseignement Supérieur un logement même en location‑vente. On ne voit et n’entend que des choses et dires moins dignes des temps forts de l’UDPM.

5. Les leaders syndicaux, eux aussi, ont répondu à l’appel des médiocres. Ils ont maintenu les travailleurs dans une misère incommensurable et interminable. Des choses inadmissibles continuent d’exister comme la prime de résidence fixée à 1500 FCFA depuis l’indépendance ; l’allocation familiale à 1000 FCFA par enfant depuis la nuit des temps alors qu’un flacon de bon sirop contre la toux coûte plus de 1500 FCFA et une boîte de lait pour le biberon plus de 2 000 FCFA. J’espère que le parlement des enfants apprendra cette vérité qu’on ne leur a jamais dite à travers ces écrits. On se souvient encore de l’affaire Issé Doucouré ‑ Amion Guido où le premier disait que si le second insiste «tout va s’éclater et ensemble..».

A la veille des renouvellements des bureaux syndicaux, on fait des déclarations fracassantes mais une fois élu on échange ses mots contre les pourboires des autorités. Comment peut‑on se taire avec un tel traitement salarial vu le coût élevé de la vie ? Tout le monde a vu comment monsieur Timbiné (paix à son âme) avait ligoté et livré le SNESUP (syndicat national de l’enseignement supérieur) à son ami, le bourreau de l’éducation nationale malienne. Manipulez les enseignants et les étudiants ? Vous vous trompez ; pour un bout de temps oui, tout le temps non !!! Le taux horaire de l’heure supplémentaire, qu’un ouvrier qualifié ailleurs refusera, est à 2000 FCFA à l’Université de Bamako et dans les Ecoles Supérieures du Mali depuis la fin des années 70 et tout le monde est content. Bien que le SNESUP tente de se sauver, les leaders de l’AEEM (association des élèves et étudiants du Mali) ont tout le temps des rendez‑vous de méchoui avec leur Ministre, tant pis pour ces pauvres étudiants et élèves qui sont dans des situations de vie et surtout de travail précaires.

6. La presse, oh ! ma presse. Connue comme étant un contre‑pouvoir n’a pas comblé nos attentes, une manière polie de vous dire que vous nous avez déçu. Comment n’avez‑vous pas échappé au syndrome de la division ? Sans perdre mon temps pour décrire une situation que vous maîtrisez mieux que moi, j’ai la question suivante: Qui sera le Norbert Zongo du Mali ?

7. Les enseignants ou la «force nulle». On dirait qu’ils cuisent la misère dans leur marmite pour s’en nourrir. Cette grande masse incontournable qui se laisse entraîner par quelques opportunistes qui vivent en pacha de son silence. Par la force des choses combien d’enseignants aujourd’hui sont moralement et pédagogiquement corrects ? Au lieu de tomber dans cette médiocrité contraire à la déontologie de l’enseignement et dont vous êtes les principales victimes avec des conséquences désastreuses (la mauvaise éducation généralisée d’où une société invivable, l’arrêt de l’essor du pays par l’incompétence des cadres en un mot l’échec du pays… et tant pis pour tout le monde y compris vous les enseignants) nous ferons mieux de nous battre en rang serré pour sortir de la misère, sauvant ainsi nous‑mêmes et notre pays. Le cas des magistrats est édifiant.

En effet, les agressions physiques et morales (tant par les étudiants et élèves comme par les parents d’élèves) dont nous sommes victimes, notre marginalisation sociale, notre mépris par les autorités, ne sont‑ils pas dus aux comportements de certains de nos collègues ? Ce que je vous dis n’est qu’un bonheur personnel recherché au détriment des autres ne «passe pas de dimanche à lundi» dit un adage de chez nous. Toutefois, il est fondamental pour chaque enseignant au départ de se poser la question à savoir : s’il veut s’assumer lui-même sa fierté, sa liberté et son bien‑être et celui de ses semblables et de sa descendance ou alors rester le souffre douleur et le tapis de paillasson des autres, de ce pays, celui-là qui ne renvoie que l’image du béni oui‑oui éternel et de l’être asservissant à souhait dont il est le symbole national actuel ? Quand un nombre suffisant et important d’enseignants aura répondu objectivement à cette question, le temps sera venu pour les enseignants de se libérer totalement.

Comme le dit si bien un proverbe africain : «chaque atome de temps de patience passé sous un manguier donne une opportunité de chance de voir un jour une mangue bien mure tombée dans ses mains». Quant à nos délinquants légaux qui aident à tuer et maintenir sous terre les illustres lumières de la Nation, s’ils peuvent pour le moment prétendre à des titres de gloire et d’honneur divers, ceux qui sacrifient leur propre vie pour la liberté et le bien‑être du peuple malien méritent l’estime, le respect et la reconnaissance. Jose croire que chacun de nous possède une âme assez honorable pour en convenir et faire un examen de sa propre conscience.

8. Les militaires et la sacrée grande muette : on jette son arme.parce qu’on veut la paix (confère la publicité qui passe à la télévision malienne en faveur des accords d’Alger). Fagaga veut aussi la paix mais n’a-t‑il pas pris son arme ? Ce réalisateur n’a‑t‑il pas été mal inspiré pour faire un tel montage ? Sacrée grande muette !!! On devient Général pour ré‑instruire aux militaires le contraire de la première instruction militaire!!! «Bravo aux militaires maliens d’avoir accepté cela». Notre diplomatie regorgeant de talents, j’invite le Président de la République à radier tous les militaires parce que la meilleure façon d’éviter la guerre, c’est de signer des accords, nous apprend t‑on et je crois que les diplomates sont mieux placés que les Généraux pour négocier des accords. Je veux moi aussi la paix, mais je ne serai jamais d’accord avec l’injustice encore moins de jeter mon arme. Et si les enseignants jetaient leurs craies ? Et les médecins leurs blouses ?

9. Enfin, je finirai par le pouvoir exécutif. Comme le disent les Ulémas : louange à Dieu, quels que soient Ses faits. D’abord, on pense que si notre Président est à la une, c’est une bonne chose ! Il est le premier en tout et partout. Je vous dis non ! La grande majorité des Ministres ou griots du Président n’ont aucune initiative personnelle et n’arrivent pas à avoir du maître du Kotèba une bonne initiative. L’essor des commerçants ne dépend t‑il pas plutôt du flux commercial (leur capacité de vente) que d’un financement à coût de milliards ?

A l’image de l’affaire du trésor en 1992, l’histoire nous édifiera. La corruption est institutionnalisée à travers le Ministère du Développement Social, de la Solidarité et des Personnes Agées, à travers des fondations et des associations et mouvements démagogiques dont les escrocs acteurs migrent de personne à personne. «Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute» (La Fontaine) une vérité de la nuit des temps qui est une réalité palpable au Mali aujourd’hui. Des flatteurs qui vivent aux dépens des pauvres comme si eux et les flattés ne vont pas mourir. Un Président qui ne fait jamais 48 heures à Bamako, en train de se montrer à toutes les occasions même les plus honteuses et les plus injurieuses, vidant nos trésors, se taisant sur toute gestion calamiteuse du pays.

Les dossiers brûlants sont sur la table et tout le monde les connaît et attend que justice soit faite, Monsieur le Président : les grands dossiers de corruption montés par le juge Touré ; l’affaire de la BHM ; les premiers dossiers du Vérificateur Général sur les 15 milliards de trous dans la gestion de certains secteurs bien connus et l’affaire des 500 millions de l’Office du Niger, etc. Les Maliens suivent ces affaires et méritent d’être édifiés sur leur issue car ils sont les contribuables et c’est leur argent qui a été dilapidé par des vautours qui vous côtoient et qui vous flattent.

Je ne ferai pas que critiquer, j’ai des propositions concrètes :

.  Monsieur le Président prenez des conseillers prêts à servir le Mali et non votre personne, écoutez vos conseillers après avoir choisi sans ségrégation de mouvements, de corps, d’associations ni de partis. Formez un Gouvernement de travail et non un Gouvemement de circonstance.

  Chères autorités, mettez la justice à sa place, un juge doit dire la vérité de jour comme de nuit même s’il n’a pas déjeuné ou dîné. Un homme corrompu reste corrompu même s’il est entretenu à coût de milliards par jour et l’homme intègre reste intègre même s’il a faim, telle était l’idéologie de nos ancêtres.

  Chères autorités, mettez l’accent sur les ressources humaines en commençant par la rééducation des gouvernants afin qu’ils prennent conscience de leur rôle à jouer dans l’oeuvre de construction nationale. Que l’adage, selon lequel «on récolte ce qu’on a semé» soit une réalité et non que les vauriens récoltent le fruit du travail des autres. Cela passe par la sanction des fautes et la récompense du mérite sans état d’âme. Redressez l’éducation à tout prix et surtout l’enseignement supérieur.

Posons‑nous des questions : pourquoi Khadaffi et les Arabes refusent t‑ils de financer l’enseignement supérieur ? Pourquoi partout dans le monde, nous les Africains de façon générale n’ont pas accès à certaines grandes écoles et même à certains niveaux de formation ?

En résume, pourquoi vos partenaires au développement investissent partout sauf dans l’enseignement supérieur et la recherche ? Il faut être un médiocre ou un méchant pour ne pas le savoir ou ne rien faire contre cela. Chères autorités, c’est l’enseignement supérieur et les recherches qui sont le moteur de tout développement et toute société est le reflet de son système d’éducation et de formation, toute autre version contraire n’est qu’opportuniste et mensongère.

Des Ministères comme celui de l’Education, des Affaires Etrangère, de la Défense, de l’Intérieur et des Finances ne doivent pas être confiés à n’importe qui Malheureusement au Mali, on ne fait pas attention à cela. On choisit les ministres parce qu’il est mon «ami ou nami», peut me servir de griot, peut sécuriser mon pouvoir ou tout simplement parce qu’il peut contrôler les enseignants et les étudiants, «le reste tant pis, mes enfants iront se former à l’extérieur pourvu que mon mandat présidentiel, législatif, ou mon portefeuille ministériel soit préservé».

Je rappelle à ceux qui croient en Dieu que les faits de tout un chacun le rattraperont, ne serait-ce que dans son tombeau. Même si la nouvelle formule est «il faut te taire», moi, «je vais le dire».

Tientiki TOURE*  Professeur – Bamako

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