Quoi que l’on dise sur le comportement des Chinois sur le continent et malgré les griefs qui se multiplient par rapport à la coopération sino-africaine, l’Empire du milieu continue de fasciner la jeunesse africaine. Beijing reste en effet un repère et une référence pour les jeunes africains. C’est ce qui ressort du sondage réalisé par «Ichikowitz Family Foundation» (IFF/une fondation sud-africaine) auprès de 5 604 jeunes originaires de 16 pays africains.
«Quand l’Afrique se réveillera elle trouvera que la Chine a raflé la mise et n’aura que ses yeux pour pleurer» ! Ainsi réagissait un intellectuel africaine à notre manchette de la semaine dernière (STRATÉGIES GÉOÉCONOMIQUES : Comment la Chine a mis l’Afrique à ses pieds grâce au «financement contre ressources»…/Le Matin N°622 du mercredi 13 novembre 2024). N’empêche que la Chine est la puissance étrangère la plus influente en Afrique ! C’est en effet l’une des conclusions du sondage réalisé par «Ichikowitz Family Foundation» (IFF, une fondation sud-africaine) auprès de 5 604 jeunes originaires de 16 pays d’Afrique (Afrique du Sud, Botswana, Cameroun, Congo Brazzaville, Côte d’Ivoire, Éthiopie, Gabon, Ghana, Kenya, Malawi, Namibie, Nigeria, Rwanda, Tanzanie, Tchad et Zambie). Intitulé «African Youth Survey 2024» (Enquête sur la jeunesse africaine 2024), ce sondage révèle que 82 % des personnes interrogées considèrent l’influence de l’empire du Milieu comme étant positive.
Le Royaume-Uni arrive au 2e rang dans le classement des puissances étrangères dont l’influence est jugée positive sur le continent (80 % des jeunes sondés), devant les Etats-Unis (79 %), l’Inde (74 %) et l’Union européenne (73 %). Viennent ensuite les Emirats arabes unis et Israël (70 % pour chaque pays), la France (69 %), la Russie (68 %) et la Turquie (67 %). Cette enquête précise que la perception positive de l’influence de la Chine s’est même améliorée par rapport à la précédente édition du sondage (82 % en 2024 contre 78 % en 2022). Cette perception positive est très élevée chez les jeunes du Rwanda et du Tchad (96 %), du Kenya (95 %) et du Nigeria (93 %). Par contre, les jeunes originaires du Gabon (60 %), de l’Ethiopie (63 %) et de la Namibie (70 %) sont les moins susceptibles de dire que l’influence de Pékin est positive.
La perception de l’influence de la Russie a augmenté, en particulier au Malawi et en Afrique du sud où plus de la moitié de ceux qui avaient une opinion positive de la Russie citent son approvisionnement en céréales et en engrais. Plus généralement, la perception positive de l’influence de l’Empire du milieu par les jeunes africains trouve «essentiellement son origine dans les produits abordables écoulés par le géant asiatique sur les marchés africains, ses investissements dans les infrastructures et ses importants financements dans de nombreux pays du continent».
De son côté, la perception positive de l’influence des Etats-Unis s’est améliorée comparativement à la précédente édition du sondage (79 % en 2024 contre 75 % en 2022). Les sondés mettent en avant le soutien économique et financier offert par le pays de l’Oncle Sam Etats africains ainsi que sa contribution à la création d’emplois. Curieusement, la perception négative de l’influence de la Russie en Afrique aurait sensiblement augmenté au cours des deux dernières années, passant de 23 % en 2022 à 30 % en 2024, en raison notamment de l’engagement de ce pays dans des conflits impactant négativement les pays africains et de l’attitude vorace des entreprises russes opérant dans le secteur de l’exploitation des ressources naturelles sur le continent.
La majorité des personnes interrogées (72 %) ont déclaré que l’influence étrangère constituait un problème. «Ils s’inquiètent de l’exploitation de leur pays par des entreprises étrangères, en particulier de l’extraction et de l’exportation de leurs richesses minérales naturelles sans aucun avantage supplémentaire pour la population», a déclaré la Fondation.
Au finish, les jeunes africains ne se réjouissent pas trop de l’influence des puissances étrangères sur leur continent. En effet, le sondage révèle par ailleurs que plus de sept jeunes africains sur dix (72 %) restent «préoccupés par l’influence de l’ensemble des puissances étrangères». Même si ce taux est en baisse par rapport aux précédentes éditions de l’enquête réalisées en 2022 (74 %) et en 2020 (81 %).
Il faut rappeler que, selon la fondation sud-africaine (IFF), cette enquête (menée pour la première fois en 2020) vise à «donner la parole à la jeunesse africaine de manière scientifique». Elle fournit également des données utiles aux gouvernements, aux ONG et aux investisseurs. Elle est intéressante à ce titre que l’Afrique a la population la plus jeune du monde et celle qui croît le plus rapidement. En 2020, l’âge médian sur le continent était de 19,7 ans, contre 31,0 ans en Amérique latine, 38,6 ans en Amérique du nord et 42,5 ans en Europe, selon la Fondation Mo Ibrahim. Et selon la Banque africaine de développement (BAD), l’Afrique compte près de 420 millions de jeunes âgés de 15 à 35 ans, dont un tiers est malheureusement au chômage.
La population devrait doubler pour atteindre plus de 830 millions d’ici 2050. Un atout politique, social, géo-économique, géostratégique… que les dirigeants des pays africains doivent judicieusement exploiter en faveur du continent, notamment des jeunes africains. A condition bien sûr que la majorité de cette jeunesse africaine accepte de se former et de travailler en tirant le meilleur profit des immenses opportunités aujourd’hui offertes par les nouvelles technologies dans tous les domaines !
Hamady Tamba