DOUANE : Le colonel Cheick Kéita au banc des accus… usés.

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Dans l’après midi du 5 septembre dernier, le Premier ministre convoque le Ministre de l’Economie et des Finances, son Cabinet, la Direction générale de la Douane, ses Sous-directeurs, ses Directeurs régionaux et ses services spécialisés. Motif : Il y a péril en la demeure. Et le choix du lieu, qui a abrité cette réunion de crise (la Dette Publique) est éloquent à plus d’un titre…

Mais qu’est-ce qui a motivé cette concertation au plus haut sommet ? La baisse des recettes budgétaires, constatée au 30 juin dernier. Et la nécessité de rehausser – après analyse de la situation – l’assiette des recettes douanières, qui s’élèvent à plus de 244 milliards de F CFA. Telles sont, du moins, les raisons officielles, jetées en pâture à l’opinion. Mais d’autres raisons, plus officieuses, ont conduit à ce soudain, « branle-bas de combat ». D’abord l’ire, de plus en plus grandissante, du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale, qui en ont ras-le-bol, de colmater les brèches financières de notre budget. C’est que l’escarcelle de l’Etat a beau être regarnie, par les partenaires au développement et autres bailleurs de fonds, elle enregistre, toujours, des déficits. Tel un panier percé ! Quelque part, la gestion parcimonieuse du budget de l’Etat pointe la gabegie du doigt… Ensuite, la chute vertigineuse des recettes douanières, ces trois dernières années. En fait, ce n’est pas que la gestion de ces recettes, qui doit être améliorée. C’est, surtout, celle des gabelous, en charge de ces recettes, qui doit être corrigée ! Quand la Douane s’enrhume, c’est le Trésor public, qui tousse.

Face à la défaillance des recettes douanières, les responsables de la Douane n’ont trouvé, rien à dire, que de faire leur mea culpa. Le contraire serait surprenant ! Tandis que le Ministre des Finances lance une menace, à peine voilée, à l’endroit de la Direction générale des Douanes, le colonel Cheick Kéita, au banc des accus… usés, promet de faire mieux. Et d’imputer ces contre-performances aux exonérations, dont bénéficient certaines Entreprises de la place. En somme, c’est la réplique du berger à la bergère. Mais l’opinion reste convaincue d’une chose : quand une équipe échoue, on la change. Comme dirait l’autre, il n’y a rien de nouveau sous nos cieux.

De Mea Culpa en faux-fuyants

Autant ces explications se ressemblent par leur fâdeur, autant le Ministre des Finances et son filleul de Dégé des douanes semblent s’être donnés le mot. A propos de l’affairisme et de la gabegie, en cours, à la Douane, le Ministre Abu-Bakar Traoré tente, en ces termes, de masquer le soleil avec sa main : «… Nous venons de faire le point de la situation de l’exécution du budget de l’année 2006, au 30 juin. Cette année, nous avons senti un certain ralentissement dans la gestion des recettes, au niveau de la douane. La situation est préoccupante. Nous avons pensé qu’il est utile que nous regroupions les décideurs de la douane, pour les sensibiliser, d’abord sur la gravité de la situation, ensuite sur l’importance d’avoir des recettes, à la fin de l’année. C’est donc une réunion d’analyse de la situation, de sensibilisation des uns et des autres. Sensibiliser, d’accord. Mais ce n’est pas acceptable qu’en fin d’année, nos structures soient défaillantes, et que nos responsables (Ndlr : entendez ceux de la Douane) soient défaillants ! Ceux qui le seront doivent, en ce moment, en assumer les conséquences ». Et le colonel Cheick Kéita, piquée dans son orgueil, de renchérir : « … Nous allons analyser tout ce qui a été dit et prendre les dispositions qu’il faut, pour être au rendez-vous des recettes, à la fin de l’année. Nous avons, cette année, des difficultés pour maîtriser les recettes, comme on a eu à le faire par le passé ». Concernant le carburant, qui semble créer tant de problèmes, le patron de la Douane, dont le départ est réclamé par les Agents, explique : « … Il y a une exécution directe des exonérations au cordon douanier, alors qu’auparavant, tous les droits et taxes étaient payés, et ceux qui étaient exonérés se faisaient rembourser par le Trésor. Cette année, ils ne payent pas, ce qui influe négativement sur le niveau de nos prélèvements. Ensuite, il y a une chose que le Ministre n’a pas dit : les efforts du gouvernement lui-même, pour que le prix du carburant ne monte pas dans ce pays. Mais c’est toujours au détriment des recettes douanières… Pour les marchandises solides, nous constatons une évolution de valeur et de quantité importée, par rapport à 2005. Nous avons un fort coût de marchandises et avec plus de valeur. Mais les droits perçus ont faibli…. Nous avons quelques indications, pour pouvoir réaliser la catégorisation des marchandises, puisqu’il y a des importations de marchandises faiblement taxées, et des marchandises fortement taxées. Mais nous allons analyser la situation ». Toujours à propos de cette histoire de marchandises importées, le Ministre Abu-Bakar Traoré ne dit pas mieux : « … Si nous prenons les marchandises solides, la situation des importations de cette année est meilleure à celle de 2005, non seulement en volume, mais également en valeur. Donc, on devrait réaliser les recettes cette année, mais ce n’est pas le cas. Si nous prenons le carburant, là aussi les volumes ont augmenté par rapport à l’année 2005… Mais attention, dans le compte carburant, il y a quand même 40 à 45% de recettes en douane. Donc, ce produit est plus important. Mais c’est aussi que, jusqu’à maintenant, en matière de carburant, les compagnies minières et énergies du Mali, qui sont exonérées de droits de douane sur ce produit, payaient les droits et se faisaient rembourser. Cette année, nous avons décidé de les exonérer. Donc, ils (Ndlr : les importateurs) ne sont plus astreints à un paiement. Ce non-paiement, par ces gros contributeurs, a beaucoup impacté sur les recettes en douane… Mais un autre aspect, c’est qu’on a un problème de maîtrise de la valeur en douane. C’est pour cela que l’intérêt de la réunion d’aujourd’hui, c’est de montrer, aux Agents de la douane, la nécessité impérieuse de maîtriser, d’abord le surplus de marchandises, ensuite la valeur en douane. Là, il y a un travail très important à faire. Une fois que la valeur est maîtrisée, les droits doivent être, en ce moment, acquis, pour qu’on ait les résultats appropriés ». Soit ! Mais ces justifications pourraient-elles excuser ces pertes de recettes douanières, qui se sont échelonnées sur trois années ? La triste réalité à la Douane, c’est que l’homme – cabot a été mis à la place – pivot. Et le changement, à la tête de la Douane, reclamé par les Agents, bute au refus des décideurs, décidés à garder leur « vache laitière ».

Le Viator

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