La FIDH sur les traces de l’or du Mali : Quand le métal jaune déstabilise tout un pays

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La Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) vient de publier un rapport accablant sur l’extraction de l’or au Mali après avoir mené une enquête d’expert. L’équipe dépêchée était composée d’Isabelle Gourmelon, journaliste économique indépendante (France), d’Aurèlie Arnaud et du Congolais Jean-Claude Katende, Président de l’ASADHO- Katanga (Association africaine de défense des droits de l’homme à Lubumbashi en R.D. Congo) spécialiste des questions minières. Il ressort de l’enquête, qu’en neuf ans (1997-2005) les quatre mines d’or industrielles du pays ont injecté dans l’économie malienne 690,72 milliards de FCFA soit une Moyenne de 76,75 milliards par an. De ce pactole, le Trésor public s’est taillé : 341,7 milliards, les fournisseurs : 294,4 milliards de FCFA et les salariés : 45,3 milliards de FCFA soit 6,5% de la rente minière.rn

 Les communautés locales qui sont les premiers concernés et les derniers servis n’ont bénéficié en neuf ans que de 9,2 milliards de FCFA soit 1,3%. Sans surprise, Sadiola est, par ancienneté, la première contributrice à la rente aurifère malienne (330,3 milliards de FCFA soit 47,7%). Mais, elle est talonnée par Morila ouverte trois ans plus tard et qui a déjà injecté dans l’économie nationale 276,3 milliards de FCFA soit 40% du total. Enfin, Yatela (67 milliards générés depuis 2000 soit 10%) et Kalana, qui a rapporté après un an d’exploitation 3,74 milliards soit 0,5% complètent les ressources minières.

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La manne de 690,72 milliards de francs CFA, c’est 30% de la valeur des exportations maliennes d’or entre 1997 et 2005, c’est aussi l’équivalent des dépenses de l’Etat malien dans la santé et l’éducation pour deux ans. Et, c’est la valeur de l’or de la seule mine de Sadiola commercialisé entre 1997 et 2002 (614,8 milliards de FCFA). Le rapport note que les données publiées par les compagnies minières différent largement des chiffres officiels.

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Le front fiscal

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Sur le front fiscal, les enquêteurs, de la FIDH trouvent que c’est le modèle ghanéen parmi les plus libéraux du monde qui inspire les autorités maliennes. Les exemptions fiscales y sont particulièrement attractives : les cinq premières années d’activités sur le sol malien sont gratuites, ni taxe sur la valeur ajoutée (TVA), ni taxe sur les prestations de service (TPS), ni impôt sur les bénéfices commerciaux et industriels (IBCI). Le but est bien sûr d’inciter les compagnies minières à opérer les investissements colossaux dans les premières années de la vie des mines. Mais ces décisions sont loin d’être neutres, par exemple, selon le Ministre, le libre transfert des bénéfices, cette « opportunité offerte aux compagnies par l’Etat », ne permet pas l’irrigation du système bancaire malien moribond et ralentit « l’amélioration du solde extérieur courant ».

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Le front de l’Etat actionnaire

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Sur le front de l’Etat actionnaire , la situation est plus confuse, entraînant un risque important pour la réalisation des droits de la population malienne. La participation de l’Etat au tour de table des compagnies minières n’est pas toujours obligatoire, ainsi n’est- elle pas prévue dans le code tanzanien. Mais, quand elle existe, comme au Mali, elle rend l’Etat schizophrène, parce que simultanément régulateur et régulé. D’un côté l’intérêt de l’Etat est de maximiser les recettes fiscales générées par un secteur phare de son économie. De l’autre, celui des actionnaires d’une entreprise privée est de maximiser les profits et donc de minorer la fiscalité.

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En assignant deux rôles apposés aux mêmes représentants de l’Etat, la réglementation malienne, élaborée sous la férule des bailleurs de fonds internationaux brouille les cartes de la politique minière publique et contraint le pouvoir à des grands écarts permanents, neutralisant ainsi la capacité à défendre les intérêts du peuple malien. Cette dualité, selon la FIDH, est dénoncée officiellement dans un rapport de la Direction nationale de la Géologie et des Mines (DNGM) : « la commission constate que le contrôle effectué sur les sociétés par ces structures (les ministères) a toujours été fait dans le cadre de l’Etat partenaire au détriment de l’Etat puissance publique. La commission constate que l’esprit élevé de ce partenariat a même poussé l’Etat à intervenir dans les conflits sociaux entre les sociétés d’exploitation minières et leurs employés. Ceci a conduit les administrateurs à jouer un rôle actif dans l’exécution des activités de la société. Au lieu de s’atteler à la résolution des problèmes quotidiens, ils devraient plutôt donner des orientations sur les intérêts à long terme du pays : politique d’emploi, d’investissement immobilier, socioéconomique immobilier, de développement durable ».

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Ibrahim Labass KEITA

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