Editorial : 8 Mars au Mali : Honte aux fées !

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C’est au malheur de ses composantes affectées par l’insécurité que la gent malienne a accompagné la cadence mondiale en commémorant, la semaine dernière, la journée internationale de l’émancipation féminine. Quoiqu’endeuillé, la veille, par des tournures dramatiques de l’instabilité au Centre, l’événement a vécu Gros Jean comme devant et n’a annoncé aucune ébauche de perspectives pour les nombreuses victimes potentielles du phénomène. On eut dit que les différents fronts du genre s’en sont rétrécis et que l’abondance des victoires remportées a banalisé la lutte au point que le spectacle l’emporte désormais sur l’ardeur combative. Le rendez-vous annuel aura été marqué, somme toute, par une dépréciation manifeste du glorieux engagement – qui jadis faisait la fierté et la splendeur de la gent. La ferveur s’est avilie, laissant honteusement la place aux affichages ludiques et postures exhibitionnistes sur fond de récupération politique. Tant et si bien que les figures emblématiques et autres pionnières en sont réduites à s’imposer un effacement par gêne sans doute d’être associées à la banalisation ambiante. Où est passée, en définitive, la fronde des repères et références qui inspiraient la bravoure féminine et enfantait de nouvelles amazones de générations en générations ? On y a beau mettre du cœur à l’ouvrage, de l’ardeur à la tâche et de la touche «transitionnelle», la célébration du 8 Mars 2023 n’a pu se singulariser par une tendance plus enviable que ce décor dévalorisant : mobilisation plus intéressée que spontanée, engouement suscité à la manière des pluies provoquées, convergences massives insipides et en mal de substance communielle. En cause, un idéal galvaudé par l’opportunisme féministe et une répartition trop sélective d’avancées pourtant si nombreuses. Aux acquis constitutionnels s’ajoute toute une grappe de sésames récoltée de la transposition d’instruments supranationaux ainsi que moult autres décisions intervenues sous le vocable de volonté politique. Et dont la dernière en date – le quota de représentativité des femmes pour 30% des postes administratifs et électifs – pourrait n’avoir contribué qu’à éloigner davantage la poignée des privilégiées de l’écrasante majorité de consœurs défavorisées, mais au nom desquelles la cause commune des femmes ratisse, rafle la mise et les adhésions. En effet, si les fracture au sein de la même espèce ne paraissent pas si saillantes en droits et libertés théoriquement consignés, le fossé est abyssal quant à la réalité des différences de conditions et d’opportunités au sein du microcosme féminin. Au point qu’il ne serait pas exagéré de dire que la femme est une louve pour la femme, au regard de certains paradoxes qui écument les remparts de la gent : sur fond de surexploitation d’aide-ménagères par leurs employeuses, les abus physiques domestiques sont par exemple légion dans les ménages mais n’indignent guère autant que les violences à caractère ou connotation sexiste. Cette attention discriminatoire vient de s’exprimer de façon très peu glorieuse au travers du phénomène sécuritaire qui s’abat sur des pans entiers du territoire et aux dépens des catégories les plus vulnérables de la gent, de ses laissées pour compte dépourvues au point de n’avoir qu’une âme à préserver. À défaut d’assistance digne de ce nom, elles éprouvent aussi une soif d’affection, qui n’aura malheureusement pas été étanchée à l’occasion du 8 Mars. Et pour cause, c’est à leur douleur que leurs consœurs de la capitale et de certaines grandes villes ont impitoyablement préféré la déférence aux autorités, en soulevant la coupe avec le faste habituel, au mépris des appels à y sursoir par compassion. Depuis les confins de Bankass, Bandiagara, etc., leurs cris d’orfraie ont rencontré moins de tendresse que d’indifférence de la part des porte-voix de la gent plus ponctuelles aux réceptions féeriques des pouvoirs que réceptives à la solidarité corporatiste.

A KEÏTA

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