Mgr Jean Zerbo lors de la Rentrée solennelle de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique : «Sans l’éducation, qui devrait bénéficier de toute l’attention de la Nation, bienvenue à l’anarchie!»

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Stimuler fierté et foi, devenues ternes chez les enseignants; redonner aux étudiants le goût du sacrifice et de l’effort, source de discipline et de responsabilité; reconnaître une administration universitaire et des grandes écoles qui assument toute l’autorité qui leur est confiée, voici les quelques repères pour une réforme importante de l’enseignement que le Premier ministre, Modibo Sidibé, a énumérés, le mardi 22 décembre 2009, au Campus universitaire de Badalabougou, devant les acteurs de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, lors de la Rentrée Solennelle 2009-2010.

 

Inaugurée par le grand conférencier du jour, Mgr Jean Zerbo, Archevêque de Bamako, la Rentrée Solennelle de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique a été révélatrice d’une kyrielle de préoccupations, énoncées dans les différents discours des invités, qui tournaient toutes autour du thème: le bonheur de l’enseignant. Ce sujet, dans le traitement duquel l’Archevêque de Bamako s’est illustré par son excellence, apportant un grand plus à certains cerveaux, pourtant  déjà riches en expérience, enseignants, chercheurs et étudiants, communiant avec les ministres et ambassadeurs présents à la cérémonie, est en effet incontournable pour la pleine réussite de l’éducation au Mali.

 

«L’église, de par sa nature, est mère et maîtresse. Elle a toujours revêtu un caractère éducatif. Jadis, l’église a constamment encouragé les hommes et les femmes à s’investir dans l’éducation. Qu’ils soient Jésuites, Dominicains ou autres, ils ont tous un point commun: l’acte éducatif. Le bonheur, chez l’éducateur religieux, réside dans le fait de dispenser un enseignement et d’en recevoir aussi», a soutenu Mgr Zerbo, au cours de son allocution.

 

Aussi a-t-il convié l’assistance à mener une réflexion sur cette question pertinente: existe-t-il un bonheur d’être enseignant ? Pour le conférencier, le métier d’enseignant est tout d’abord un sacerdoce, qui devrait bénéficier de toute l’attention particulière de la Nation entière, «parce que, sans l’éducation, bienvenue à l’anarchie!», a-t-il magistralement enseigné à un campus de 1000 places submergé par ses nombreux occupants, réunis pour la circonstance. Qui, en suivant  le développement de la thèse de l’orateur, ont été interpellés par cette autre question: pourquoi l’enseignant crie-t-il tant son malheur, alors qu’il exerce un métier noble? Mgr Jean Zerbo a prié les uns et les autres de se pencher sur les voies et moyens permettant à cet éducateur d’exercer son métier en toute paix et quiétude, facteurs essentiels d’un développement à part entière.

 

Remercier l’enseignant à la hauteur des sacrifices qu’il consent

«L’enseignant est considéré comme le point de ralliement entre l’homme et la connaissance. Il est un serviteur, une leçon dont il détient à lui seul le secret: communiquer, écouter, comprendre, etc. Il faut que l’enseignant soit remercié à la hauteur du sacrifice consenti à la cause, pour son pays», a conclu l’Archevêque de Bamako.

 

En quelques fractions de seconde, l’ambiance ressemblait à celle d’un stade de rugby, où les autorités croyaient entendre un terrifiant et impressionnant «Haka», le cri de guerre des légendaires All Blacks de Nouvelle-Zélande. En effet, le retentissant «Zakouba Kouba Hou Ha», entonné par les étudiants pour annoncer l’entrée en lice de leur porte-voix, Amadou Traoré, Secrétaire général de l’AEEM, s’apparentait curieusement à cette démonstration des Néo-Zélandais. Le capitaine des étudiants a apporté l’une des nombreuses propositions de solution liées au thème développé par Mgr Zerbo: «le bonheur d’être enseignant, créons-le ensemble, avec toute la société malienne. Et nous, étudiants, avons notre partition à jouer». Amadou Traoré a renchéri par le constat que l’enseignant ne sera jamais bon si les apprenants ne comprennent son enseignement. De plus, a-t-il martelé, parlant des conditions de vie des étudiants, «nous n’avons pas d’amphithéâtres, nous n’avons pas de vrai campus universitaire, nous n’accédons pas au numérique.

 

Le représentant du Syndicat National de l’Education et de la Culture (SNEC), Ismaël Koné, s’est aligné sur les préoccupations majeures du jour pour interpeller la ministre en charge de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, Mme Siby Ginette Bellegarde, notamment concernant le refus de certains de ses collaborateurs d’entrer dans la dynamique du partenariat nouveau, l’insubordination et le refus signifié d’exécuter des décisions afférentes à l’application des textes qui régissent l’Université de Bamako.

 

Des formateurs mieux formés et des cités U flambant neuves

Pour sa part, le Secrétaire général du Syndicat National de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (SNESUP), Abdou Mallé, a posé certains jalons concourant au bonheur d’être enseignant. Il s’agit, selon lui, de passer par l’application correcte des mesures d’accompagnement du système LMD (Licence, Master, Doctorat) et par un salaire aligné sur ceux des collègues de la sous-région assurant de bonnes conditions de vie à l’enseignant malien du Supérieur, entre autres revendications.

En prenant la parole, Mme Siby Ginette Bellegarde a dissipé quelques craintes auxquelles les enseignants sont jusque-là confrontés, pour révéler que l’Université de Bamako avait initié et lancé, avec le gouvernement, un programme de formation de formateurs estimé à 13 milliards de F CFA, visant à former 650 enseignants, tous détenteurs de doctorat, à l’horizon 2017; à mettre en place et former les équipes pluridisciplinaires de recherche et à équiper des laboratoires de recherche. La ministre a terminé son allocution en revenant sur  l’amélioration des conditions de vie des étudiants, par cette révélation: «la construction de cités universitaires, tant attendues par la communauté estudiantine de notre pays, sera bientôt une réalité».

Le Premier ministre, Modibo Sidibé, commencera son discours d’ouverture en honorant Mgr Jean Zerbo que: «votre éclairage, Monseigneur, sur le thème choisi, nous sera d’une grande utilité», a affirmé le chef du gouvernement à l’Archevêque de Bamako. Utilité, dans la mesure où l’hôte de la cérémonie a souligné l’évolution significative des moyens financiers consacrés par l’Etat à l’Enseignement Supérieur, qui sont passés de 24 milliards de FCFA en 2008 à 37 milliards en 2009, soit 35% d’augmentation et seront de l’ordre de plus de 39 milliards en 2010.  En plus des ressources ordinaires du Budget, des ressources exceptionnelles, de l’ordre de 7,6 milliards de FCFA seront affectées à la construction d’infrastructures universitaires à Bamako et à Ségou. Selon Modibo Sidibé, ce gigantesque effort financier s’inscrit en droite ligne dans la volonté d’instaurer «la pleine réussite de nos étudiants, leur entrée dans la vie active, leur confiance en eux-mêmes et en l’avenir de notre pays, étroitement liées à leurs conditions de vie et d’études. C’est pour cette raison que leur épanouissement est au centre de nos  préoccupations. Aussi, le gouvernement accorde-t-il la plus grande attention aux questions touchant à l’encadrement, au logement, au transport et à l’accès aux technologies de l’information», a promis le Président de la séance de Rentrée Solennelle 2009-2010 de l’ESRS, ovationné par un tonnerre d’applaudissements.

 

Faciliter l’accès des étudiants et des enseignants aux NTIC

Dans le même ordre d’idées, Modibo Sidibé a révélé que les travaux de construction des cités universitaires de Kabala, offrant une capacité de 4000 places, seront lancés dès janvier 2010. Concernant la sécurisation et la gestion des bourses, le chef du gouvernement a informé l’assistance de la création d’une bancarisation du paiement aux étudiants, en partenariat avec le système bancaire, «cela ouvrira des opportunités d’accès au crédit pour l’étudiant» a-t-il dit.

En outre, avec la prévision de l’installation des bornes wi-fi sur le campus et la bancarisation des bourses, Modibo Sidibé a invité Mme Siby Ginette Bellegarde à étudier la faisabilité d’une  opération «Micro-ordinateur Etudiant», afin de faciliter l’acquisition d’ordinateurs portables à prix négociés avec les fournisseurs et l’accès aux prêts bancaires pour l’équipement des étudiants. Dans le même temps, sera étudiée et mise en œuvre la facilitation de l’acquisition de matériel informatique par les enseignants. «Le gouvernement est prêt à établir, dès cette année 2010, un partenariat avec les banques, les constructeurs et les distributeurs d’ordinateurs. Cela s’inscrira dans la logique de la connexion de l’Université à l’Internet Haut Débit et celle de la mise en ligne de la Bibliothèque Universitaire Virtuelle».

Dans le souci de faire de la Rentrée Solennelle 2009-2010 de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique le symbole de la foi de tous les acteurs en une année d’espérance et de mobilisation, Modibo Sidibé a indiqué les impératifs, ces jalons qui s’avèrent incontournables pour atteindre les objectifs que s’est assignés le gouvernement: redonner aux enseignants fierté et confiance; redonner aux étudiants le sens de l’effort, de la discipline et de la responsabilité; retrouver  une administration universitaire et des grandes écoles qui exercent toute l’autorité qui leur est dévolue. C’est reconnaître, selon le chef du gouvernement «l’importance irremplaçable d’acteurs responsables, motivés, capables de démultiplier leur efficacité, de mailler leurs compétences, pour être acteurs d’une réforme qui, somme toute, est une quête permanente, dynamique et collective dans la polarisation de nos énergies, de toutes nos énergies».

Freddy Matar SYLLA

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