Il y a un peu plus d’une semaine, devant le siège de l’Adema au grin "Les Nations-Unies " à Bamako-Coura, l’opérateur économique Diaby Gassama, plus connu sous le nom de Bèe Sago, a eu une violente altercation avec Boubacar Coulibaly, alias Info, un jeune admirateur du ministre de la Santé, Oumar I. Touré. Le lundi dernier, sur plainte du premier auprès du Tribunal de la Commune III, les protagonistes se sont vus, tous les deux, placés en garde à vue au Commissariat du premier arrondissement où ils ont passé 48 heures. L’affaire, qui a maintenant pris une autre dimension, est désormais entre les mains du Procureur Sombé Théra de la Commune III.
Selon des sources concordantes, une haute personnalité du ministère de la Santé aurait été entendue, dans le cadre de cette affaire, par le Procureur de la Commune III, le juge anticorruption Sombé Théra, le lundi 30 août 2010, aux environs de 22 heures. Ce qui atteste de la gravité de cette affaire qui, au départ, n’avait été considérée, par nombre d’observateurs, que comme un simple incident voire un genre de défoulement qui rythme la vie de tous les grins.
En effet, tout a commencé, il y a de cela une dizaine de jours, quand l’opérateur économique et conseiller municipal et du District Diaby Gassama causait tranquillement au grin "Les Nations-Unies". Arriva au même endroit le jeune Boubacar Coulibaly, alias Info, un admirateur du ministre de la Santé, Oumar Ibrahima Touré. On ne sait pas par quel malheur le nom du ministre s’est glissé dans les débats. Celui-là même à l’endroit duquel Boubacar Coulibaly ne tarit jamais d’éloges. Et pour cause : Oumar Ibrahima Touré vient de lui offrir une "406 climatisée" selon sa propre expression, qu’il a, d’ailleurs, tenu à présenter au grin. Pour ce fait et certainement pour bien d’autres raisons encore, Boubacar Coulibaly alias Info ne souffre pas que quelqu’un parle en mal de son "ministre". Ce que tout le monde sait, d’ailleurs, au grin et que chacun essaie, tant bien que mal, d’observer quand Boubacar Coulibaly est présent.
Quant à Diaby Gassama, un opérateur économique spécialisé dans la distribution des moustiquaires imprégnées d’insecticide (MII), il est, au contraire, furieux contre le ministre de la Santé qui vient d’octroyer à des "opérateurs économiques non spécialistes en la matière" un marché gré à gré de 2 milliards de F CFA pour, précisément, l’achat de MII. Parmi les bénéficiaires de ce marché figurait pourtant Diaby Gassama qui allait, par la suite, refuser le lot qui lui avait été attribué pour l’importation de 25 000 MII pour un montant de 100 millions de F CFA. L’opérateur économique a pensé n’avoir eu, dans ce juteux marché octroyé gré à gré à des opérateurs économiques triés sur le volet, que la portion congrue. Il s’était également opposé à l’attribution des plus grands lots à des "sociétés non spécialisées", selon ses propres termes, parmi lesquelles la société Abdallah Transport du vice-président de l’Apcam, qui se tapait à elle seule 800 millions de F CFA pour l’acquisition des MII. Et il n’aurait pas manqué d’attirer l’attention du ministre de la Santé sur cette situation qu’il pensait injuste. Il n’aura pas gain de cause.
C’est ainsi que, dans une correspondance en date du 13 mai 2010, la Société Bèe Sago allait saisir le Comité de Règlement des Différents de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics d’un recours pour dénoncer des irrégularités constatées dans la procédure d’appel d’offres par consultation restreinte. Ainsi, par Décision N°010/ARMDS-CRD du 29 juin 2010, le Comité de Règlement des Différents de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics a purement et simplement annulé la procédure de passation des marchés concernés et ordonné de reprendre la consultation qui sera, par la suite, un appel d’offres ouvert.
Cette annulation obtenue sur plainte de Diaby Gassama avait fini par mettre le feu dans les relations entre l’opérateur économique et le jeune admirateur du ministre de la Santé.
Un controversé marché de 200 millions CFA
Depuis donc ce moment, il y a de l’électricité dans l’air et Diaby Gassama et Boubacar Info se regardaient en chiens de faïence. Alors qu’ils sont tous membres du même parti que Oumar Ibrahima Touré, le premier ne cachait plus son inimitié vis-à-vis du ministre de la Santé qui préfèrerait donner des marchés de MII à "des amis" plutôt qu’à des opérateurs économiques spécialisés en la matière et dont c’est le métier depuis plus de vingt ans.
C’est ainsi que chaque fois que Bèe Sago dénonçait le comportement du ministre de la Santé, Boubacar Info, au contraire, chantait les mérites et la générosité de son bienfaiteur. Cela continua jusqu’à ce qu’un jour, le jeune Boubacar Coulibaly dit, devant le grin, avoir regretté d’intervenir auprès du ministre de la Santé pour qu’il octroie un marché de MII d’une valeur de 200 millions de F CFA à Diaby Gassama. Certainement que des colporteurs, que tout grin sérieux renferme en nombre suffisant, ont informé l’opérateur économique de ces "accusations". Ce qui ne pouvait que corser les rapports déjà tendus entre ces deux personnes qui, pourtant étaient, avant cet incident, des amis presque inséparables.
De l’avis des témoins dans l’altercation qui opposa, ce jour-là, les deux hommes, c’est Diaby Gassama qui a tiré à boulets rouges sur le ministre de la Santé suite à l’affaire des MII. Boubacar Info ne pouvant pas non plus se retenir lui porta la réplique.
Ce qui devait arriver arriva : injures et piques fusèrent de partout. Il aura fallu l’intervention des membres du grin et des voisins pour éviter une rixe aux conséquences imprévisibles. Les deux belligérants ont été, par la suite, ramenés à la raison.
Mais cela n’empêcha pas Diaby Gassama de porter plainte au Tribunal de la Commune III du District de Bamako contre Boubacar Coulibaly. Qu’est-ce que l’un et l’autre ont dit dans leur déposition à la police ? Selon ce qui a été rapporté par des témoins, certains propos tenus au grin, le jour de l’altercation, ont été reniés. Principalement l’affaire du marché des 200 millions de F CFA, qui aurait été octroyé à l’opérateur économique Diaby Gassama par le ministre de la Santé, aurait fait l’objet de moult interprétations. Quant aux témoins, ils ont eu à faire, avant-hier, leurs dépositions.
Et voilà maintenant une affaire qui est donc en train de dépasser les protagonistes eux-mêmes. Quant à la justice, elle chercherait à rebondir sur l’histoire des 200 millions de F CFA pour savoir s’il n’y a pas une odeur de corruption dans cette affaire. Mais à quel niveau ? Le sort des protagonistes est désormais entre les mains de Sombé Théra, le Procureur de la Commune III.
Affaire à suivre.
Mamadou FOFANA