Le dossier complet du coup d’Etat du Capitaine Yoro Diakité contre le CMLN en 1971

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L’homme et son parcours

Parmi les militaires qui renversèrent le régime de Modibo Kéita en novembre 1968, le plus connu de tous était sans nul doute était le capitaine Yoro Diakité, directeur à l’époque de l’école Inter-armes de Kati. Cette école militaire créée en 1963 pour former un soldat de type nouveau au service du socialisme.

Le capitaine Yoro Diakité sorti de l’école de Frejus, a fait la campagne militaire du Congo lorsque le Mali et d’autres pays dit progressistes d’Afrique avaient décidé de soutenir activement les partisans de Patrice Lumumba pour conjurer la sécession congolaise. A l’époque, cet intellectuel militaire avait écrit un livre "la main amie" qui fut préfacée par le président Modibo Kéïta sur recommandation de Monsieur Ahmadou Traoré à l’époque directeur de la Librairie Populaire du Mali. Au cours de nos investigations, lorsque nous avons rencontré Ahmadou Traoré,  voilà ce qui nous a confié à propos du livre de Yoro Diakité :

"Un jour le Capitaine Yoro Diakité, directeur de l’Ecole Militaire inter-armes de Kati est venu me voir pour que je l’aide à corriger un livre qu’il est entrain d’écrire. J’ai répondu favorablement à sa demande et c’est comme ça que j’ai commencé à travailler avec lui sur son livre. Mon dernier  jour de travail avec le capitaine Yoro, c’était dans la journée du 18 novembre  1968. Ainsi le 18 novembre 1968, très tôt le matin, le capitaine Yoro Diakité en compagnie du lieutenant Moussa Traoré s’est rendus chez moi à bord d’une Jeep. Il me dit qu’il aimerait bien qu’on  finisse la correction de son livre aujourd’hui.
En attendant, le lieutenant Moussa Traoré avait calmement pris place sous ma véranda. Je suis resté à l’intérieur à travailler avec Yoro de 8 heures à  14 heures. A cette heure, nous avons prit une pause et nous avions tous mangé ensemble avec le  lieutenant Moussa Traoré qui était toujours assis sous ma véranda très calme et très sérieux. En ce moment, je ne pouvais pas du tout imaginer qu’à minuit ces messieurs avec lesquels j’ai mangé chez moi, feront  un coup d’Etat. Ainsi, j’ai passé toute la journée avec Yoro à corriger son livre jusqu’à 19 heures et puis ils sont partis  à bord de la Jeep et à minuit on commence à  nous arrêter. Voyez-vous comment Yoro m’a eu, c’est comme ça qu’il m’a roulé dans la farine".

 Le capitaine Yoro Diakité bien avant novembre  1968 avait tenté un coup de force contre Modibo Kéita. Ayant eu vent du putsch, Modibo Kéita convoque le capitaine Yoro à Koulouba lui prodigue des conseils et le fait retourner dans son école à Kati. Dès lors, le capitaine s’était tenu tranquille à la tête de son Ecole Militaire inter-armes de Kati pour la formation de soldat de type nouveau "prêt pour la révolution".

C’est le coup d’Etat des lieutenants du  19 novembre  1968 qui sortira le capitaine Yoro de sa réserve. Après le coup d’Etat du 19 novembre, en examinant la composition du CMLN, l’on pouvait observer qu’il y avait deux groupes d’officiers  bien distincts : un premier groupe de Fréjus avec le Capitaine Yoro Diakité, le Capitaine Malick Diallo, le Capitaine Mamadou Sissoko, le Lieutenant  Moussa Traoré et  le lieutenant Youssouf Traoré. Le deuxième groupe d’officiers était le groupe de L’EMIA de Kati dont Yoro était le  directeur, donc tous ces lieutenants du 2ème groupe étaient les anciens élèves de  Yoro. Cette composition du CMLN faisait tiquer les observateurs. Le président était un lieutenant alors  qu’il avait trois capitaines dans le groupe.

A la formation du gouvernement  provisoire,  le 22 novembre  1968, le capitaine Yoro Diakité est nommé président du gouvernement provisoire. Le  28 novembre  1968 soit une semaine après sa formation le premier gouvernement provisoire est remanié.

 Par la suite Moussa Traoré lors  d’un entretien avec le Professeur Ibrahima Baba Kaké révéla que le noyau qui a préparé le coup d’Etat était composé de huit lieutenants et qu’il était le plus ancien, par conséquent il fut à la tête du CMLN. Les capitaines ayant accepté de se mettre à la disposition des lieutenants ou de se faire copter par eux ne pouvaient plus revendiquer la hiérarchie.

A la formation du gouvernement provisoire, le  22 novembre  1968, soit une semaine après sa formation, le premier gouvernement provisoire est remanié : le capitaine Yoro Diakié reste toujours président du gouvernement, les changements concernent le  Ministère de la Défense nationale qui devient le ministère de la Défense de l’intérieur et  de la Sécurité et passe de la 6ème à la 3ème place dans la hiérarchie des Ministres.

Quelques jours après la formation du gouvernement provisoire, le président du CMLN, le lieutenant Moussa Traoré en recevant le président du gouvernement, le capitaine Yoro Diakité et ses ministres disait ceci : "Au nom du CMLN et en mon nom personnel, je vous remercie d’avoir accepté la lourde  tâche qui vous incombe à partir de maintenir. Je dis  et je le répète, l’armée n’a pas l’intention de rester au pouvoir pour le pouvoir, le redressement économique une fois terminé, elle se retirera discrètement dans les casernes.

C’est le message du CMLN"  dixit le président  Moussa Traoré, président du CMLN. Le  19 novembre 1969, le gouvernement est encore remanié. Le capitaine Yoro Diakité perd  la présidence du gouvernement et devient ministre d’Etat chargé des transports, des télécommunications et du tourisme du nouveau gouvernement présidé par le président du CMLN en personne. Au fil des mois, un retrait  rapide de l’armée dans les casernes paraît de plus en plus improbable.

Les membres du  CMLN prennent de plus en plus d’assurance et parlent moins de leur retour dans les casernes. La population quant à elle, attend toujours les promesses : les libertés, les institutions politiques issues d’élections libres etc.. Le 10 septembre  1970, nouveau remaniement ministériel , le capitaine Yoro Diakité devient ministre chargé de la Défense,  de l’Intérieur et de la sécurité. Trois membres du CMLN font leur entrée dans le gouvernement : le lieutenant Amadou Baba Diarra, comme ministre des Finances et du Commerce, le lieutenant Joseph Mara, ministre de la Justice et le lieutenant Karim Dembélé comme  ministre des Transports, précédemment occupé par le lieutenant Yoro Diakité ex-chef du gouvernement.

Dès lors le climat au sein du CMLN ne cessait de se détériorer, le fossé s’agrandissait entre les lieutenants et les capitaines, le complexe hiérarchique aidant. Des rumeurs  commençaient à circuler sur une tentative de coup d’Etat. En mars 1971, le Chef de l’Etat, le président du CMLN  dans un discours à la nation mettait les points sur les "i".

Voici un extrait du lieutenant Moussa Traoré en 1971

"Maliennes, Maliens, une tradition démocratique bien établie depuis les évènements du 19 novembre 1968 veut qu’une large information soit donnée au peuple malien chaque fois qu’un évènement politique important survient dans notre pays. En vertu de ce principe, j’ai le  devoir aujourd’hui de porter à votre connaissance que le Comité militaire de Libération Nationale dans sa séance extraordinaire  du vendredi 26 au samedi 27 mars 1971,  a décidé d’exclure définitivement de ses rangs les Capitaines Yoro Diakité, Malick Diallo anciennement  Premier vice-président  et Commissaire à l’information de cette instance suprême.

Les intéressés viennent également d’être cassés de leurs grades et rayés des contrôles de l’armée. Ces sanctions exemplaires ont été prises en raison de faits graves dont ils se sont rendus coupables. En effet, ces anciens camarades, n’ayant jamais pu par les voies démocratiques faire admettre au sein du Comité  Militaire de Libération Nationale leurs positions anti-nationale, anti-africaines et rétrogradés ont purement et simplement fomenté un complot pour renverser par la force le Comité Militaire de Libération Nationale et plonger ainsi le pays dans le désordre" Vive  le peuple malien, Vive la République.

Le Lieutenant Moussa Traoré, Président de la République.

A suivre…

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