Moussa TRAORE dans Jeune Afrique No 1636 : rn«Mon tombeur ? Je vous signale que mon tombeur se trouve à Paris, plus exactement à l''Elysée»

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De la responsabilité des événements sanglants de 1991 aux accusations de détournements de fonds, il réfute toutes les charges qui pèsent contre lui dans l”interview qu”il a accordé à Jeune Afrique. Pour mieux fustiger ceux qui, selon lui, ont précipité sa chute.

Dès les premières lueurs de l”aube, Moussa Traoré tourne en rond en tenue de jogging dans la petite pièce de 20 m2 qu”il occupe au camp des parachutistes (communément appelé «camp para») de Djikoroni, quartier situé à l”ouest de Bamako. Par ces exercices physiques quotidiens, l”ancien président du Mali, qui était âgé de 56 ans, espèrait se maintenir en forme, avant l”ouverture de son premier procès, «pour crimes de sang», annoncé pour le 4 juin.rn

Renversé dans la nuit du 25 au 26 mars 1991, après avoir régné sans partage sur le Mali pendant vingt-trois ans, Moussa Traoré a changé fréquemment de lieu de détention. Déjà enfermé, dans un premier temps, au «camp para» de Djikoroni, en compagnie de son épouse Mariam, il a, par la suite, été séparé de celle-ci, puis dirigé vers Koulikoro, Ségou, et

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Kati. Avant de revenir à la case départ…

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A Djikoroni, Traoré, lui-même ancien parachutiste, se trouve en terrain connu. Sa liberté de mouvement y est limitée. Il n”a pas droit à la promenade quotidienne. Et un judas dans le mur, ainsi que la lumière électrique, allumée de jour comme de nuit, permettent au béret rouge de faction devant la porte de suivre, à tout moment, ses faits et gestes. Le célèbre pensionnaire du «camp para» consacre ses journées aux exercices physiques, à la prière et à la lecture des journaux, luxe auquel il n”avait pas droit, il y a encore quelques semaines. Il lui arrive aussi d”écrire.

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Des lettres adressées à son épouse Mariam, détenue dans une villa de Kati, ville de garnison située à quinze kilomètres au nord de la capitale, ou à ses six enfants, nièce et petit fils, retenus dans une autre villa de Kati. Mais, surtout, Moussa Traoré écoute à longueur de journée la radio, notamment les informations sur Radio-Mali ou sur les stations internationales en ondes courtes. Pour la télévision, il devra attendre. S”il accède parfois au petit salon contigu à sa chambre, c”est uniquement à l”occasion de son entretien hebdomadaire avec ses avocats maliens, Mes Magatte Assane Seye et Mamadou Gakou, ou de la visite du médecin militaire qu”il consulte régulièrement.

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En dehors de ceux-là, et si l”on exclut une unique visite de la Croix-Rouge malienne, une autre de la Ligue malienne des droits de l”homme et une de son petit-fils, Moussa junior, 7 ans, peu de gens ont pu le rencontrer depuis un an. Venues spécialement de Kayes, la ville natale des Traoré, voici quelques mois, les propres soeurs de Moussa Traoré attendaient toujours à Bamako, à la fin d”avril, l”autorisation de serrer la main de leur illustre frère…

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Placés en «détention préventive» depuis plus de un an, l”ancien homme fort du Mali ainsi que certains de ses trente-trois coïnculpés seront jugés en deux temps. Le premier procès, dont l”instruction était terminée, à la mi-avril, portera sur les «crimes de sang» commis au cours des folles journées de mars 1991 (environ trois cents morts). Rien que pour ce premier chef d”inculpation, l”ancien président risque la peine de mort. Le second procès, dont l”instruction a bien du mal à démarrer, devra déterminer la responsabilité des anciens dignitaires au rang desquels figure Mariam Traoré dans les «crimes économiques», autrement dit dans les malversations financières qui ont émaillé le long passage au pouvoir de Moussa Traoré.

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Il faut louer les autorités politiques d”avoir confié l”examen du dossier Moussa Traoré à une juridiction de droit commun, en l”occurrence la cour d”assises de Bamako, dont l”impartialité ne peut être mise en doute. Il appartient maintenant aux magistrats, ainsi qu”aux jurés, de veiller comme l”écrivait récemment un commentateur dans l”hebdomadaire Indépendant Les Echos  à ce que Moussa Traoré n”apparaisse un jour comme «une simple victime de ses victimes».

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A la veille d”un procès qu”on annonce à Bamako comme celui «du siècle», nous aurions aimé, à Jeune Afrique, recueillir directement le sentiment de Moussa Traoré sur ses deux décennies passées à la tête du Mali et sur les changements en cours dans un pays dont l”histoire honore toute l”Afrique. Nous avons non sans difficultés et sans autorisation pu nous entretenir, dans sa villa-prison de Kati, avec l”ex-première dame du Mali, pendant plus d”une heure (on lira l”histoire de cette rencontre dans le mensuel Afrique Magazine de ce mois). Nous n”avons hélas pas eu la même chance avec son mari. Pourtant le contact était noué et Moussa Traoré était d”accord. Privé de contact direct, faute d”avoir pu obtenir le feu vert des autorités compétentes, nous avons donc transmis un questionnaire écrit à Moussa Traoré. L”intéressé s”est prêté volontiers au jeu. Il a répondu et s”exprime ici pour la première fois depuis son incarcération. F.K.

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JEUNE AFRIQUE : Avez-vous été correctement traité depuis votre arrestation ?

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MOUSSA TRAORE : Dieu merci, je me porte assez bien ! Mais selon que vous le preniez sous l”angle matériel, psychologique, moral ou politique, le sens du mot «traitement» peut varier. A quoi ai-je réellement droit dans un Etat de droit ? Mes avocats pourront plus facilement vous dire ce qu”il en est exactement.

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A quoi et a qui attribuez-vous la responsabilité des événements sanglants du premier trimestre 1991, ainsi que le coup d”Etat militaire qui a mis fin a votre regne ? Vous évoquiez, peu avant votre chute, la présence d”un chef d”orchestre invisible

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Ce n”est pas moi mais certains journaux maliens qui évoquent, aujourd”hui, l”origine étrangère des douloureux événements de mars 1991. Et à chaque fois le nom du Parti socialiste français ressort. Les mêmes publications reprochent aujourd”hui à l”Adema [la formation politique du nouveau président Alpha Oumar Konaré, NDLR] d”être le pion du PS au Mali. C”est vrai que le premier trimestre de l”année 1991 a été très agite à Bamako et dans certaines villes du Mali, a causé, avant tout, des revendications estudiantines et syndicales. Les élèves réclamaient une augmentation des salaires et des bourses, l”ouverture d”internats dans les lycées et la création de cantines scolaires. Certaines des revendications des étudiants et des lycéens avaient été satisfaites par le ministre de l”Education nationale.

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Concernant les fonctionnaires, une solution négociée était en vue. Une commission de conciliation avait été mise en place par le ministre de l”Emploi et de la Fonction publique, en étroite collaboration avec les responsables de l”Union nationale des travailleurs maliens (UNTM). Ladite commission était sur le point d”aboutir à un accord lorsque, brusquement, l”UNTM a lancé, le 24 mars, un mot d”ordre de grève illimitée. Sans oublier que, dans la même logique, les manifestations de rue, ponctuées de casses dites techniques, avaient commence depuis le 22 mars. Tout cela paraissait bien préparé et bien coordonné…

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Qui etait donc ce fameux chef d”orchestre ?

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Tous les gens honnêtes savaient que l”ambassade de France était devenue l”Etat major opérationnel des manifestations qui se déroulaient à Bamako. Les mêmes savaient aussi que les associations dites politiques, ainsi que l”UNTM, recevaient. Elles continuent sûrement de le faire de l”argent de quelqu”un. Chaque manifestation était précédée de grins [soirées au cours desquelles les Maliens se retrouvent pour discuter et boire du thé, NDLR].

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L”origine de tout ce déploiement d”argent ?

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A l”évidence, Paris, le gouvernement français, le Parti socialiste, ainsi que l”association France-Libertes de Danielle Mitterrand. Il va sans dire que celui qui tend la main et reçoit est obligé d”exécuter les mots d”ordre de son généreux donateur. Dans le cas du Mali, les mots d”ordre en provenance de Paris étaient clairs : renverser le président Moussa Traoré et son gouvernement, dissoudre l”Assemblée nationale. Il fallait, pour la finition, trouver des officiers.

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Ce fut facile. Les responsables des associations dites politiques ont eux-mêmes avoue après le coup d”Etat qu”ils étaient, depuis longtemps, en contact permanent avec certains officiers supérieurs, notamment avec l”aide de camp du Président de la République [le commandant Oumar Diallo, NDLR], le patron de la garde présidentielle [le lieutenant- colonel Amadou Toumani Touré, NDLR] et le chef du poste de commandement opérationnel [le lieutenant-colonel Bakari Coulibaly, NDLR]. Il s”agissait, ni plus ni moins, d”un complot. La nature de mon régime n”avait rien à voir avec les événements de mars 1991.

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A supposer que vous n”ayez pas vous-mêmes ordonné à la troupe de tirer sur la foule, assumez-vous, en tant que Président de la République et chef militaire, la responsabilité pénale et politique des tueries de mars 1991?

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D”habitude, je couvre et protège mes subordonnés et mes collaborateurs, mais là, il

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m”est difficile de couvrir des Ponce Pilate.

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Qui a donc donné l”ordre d”ouvrir le feu ? Vous seul pouviez le faire…

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Qui l”a fait ? Ce n”est en tout cas pas celui qui, quatre mois auparavant, a pris l”initiative d”arrêter les massacres au Libéria en réunissant, à Bamako, toutes les factions impliquées dans ce conflit ainsi que les chefs d”Etat de la sous région. Ce n”est sûrement pas non plus celui qui, six mois auparavant, a coprésidé, en septembre 1990 a New York, le premier sommet mondial pour l”enfance. Après ma rencontre avec les associations politiques, des mesures avaient été prises pour situer les responsabilités dans cette affaire. Vous connaissez la suite…

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Sous votre long règne, de nombreux opposants ont été envoyés dans les mines de sel de Taoudenni, en plein désert sahariens, ou au bagne de Kidal. Un enfer en comparaison de votre situation carcérale actuelle…

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Il ne m”est pas possible ici d”évoquer longuement Taoudenni et Kidal, mais faut-il le signaler, le bagne de Taoudenni a été fermé sous le régime de l”Union démocratique du peuple malien [UDPM, ex-parti unique dirige par Moussa Traoré, NDLR]. De toute façon, s”agissant de mes conditions de détention, je ne me suis plaint auprès de personne…

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Depuis votre chute, vous avez, a plusieurs reprises, rencontre votre tombeur, le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré…

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Mon tombeur ? Je vous signale que mon tombeur se trouve à Paris, plus exactement à l”Elysée. Les cadres maliens sont hélas devenus comme tous les cadres africains : ils sont réceptifs aux ordres venus d”ailleurs. M. Mitterrand pourra consacrer une partie de ses mémoires à la manière dont il a renversé le régime de l”UDPM. Du fond de ma prison, je l”ai entendu, à la radio lui et son ministre des Affaires étrangères dire que le Mali étant devenu un Etat de droit, les Maliens ne pourront désormais prétendre au statut de réfugié politique en France. Nous sommes loin des grands principes du sommet de La Baule où, pourtant, beaucoup de choses ont été dites entre chefs d”Etat.

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Quels ont ete vos sujets de conversation avec ATT ?

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J”ai rencontré effectivement le lieutenant- colonel Amadou Toumani Touré à plusieurs reprises, lorsque je me trouvais en détention à Bamako. La première fois, il m”a parlé de la trahison de mon aide de camp [il s”agit du commandant Oumar Diallo, dont la contribution a été déterminante pour la réussite du coup d”Etat de mars 1991, NDLR]. Je n”ai fait aucun commentaire particulier. Le second entretien a tourné autour de sa rencontre avec les «chefs de la rébellion touarègue». Ces derniers lui avaient fait comprendre qu”ils reprendraient les armes s”il n”honorait pas les engagements pris par mon gouvernement, en janvier 1991, à Tamanrasset.

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Après l”avoir écouté, j”ai pris la parole pour dire ceci : «Il ne faut pas donner l”occasion à ces jeunes gens de reprendre les armes, car le Mali n”a que faire d”une guerre. Le plus difficile se trouve dans l”application immédiate d”une politique de décentralisation.» Je recommandais, entre autres mesures, d”élire les gouverneurs et leurs adjoints, de procéder à un redécoupage administratif du territoire national, etc.

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Mon dernier entretien avec le lieutenant colonel Amadou Toumani Touré remonte au 15 juillet 1991. Il m”a parlé une nouvelle fois de trahison, celle dont lui-même venait d”être victime de la part tenez-vous bien de celui-là même qui m”avait trahi quelque mois plus tôt : mon ancien aide de camp, le commandant Oumar Diallo. Il a également évoqué le coup d”Etat, ourdi par le commandant Lamine Diabira (*), auquel il venait d”échapper. J”ai écouté mon interlocuteur et me suis gardé de tout commentaire.

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Que pensez-vous de ATT ?

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Il a été, des années durant, le commandant de la garde présidentielle. Pendant tout ce temps, je ne me suis jamais préoccupé de ma propre sécurité. Je ne le regrette d”ailleurs pas.

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Comment aura-je pu trouver le temps de me consacrer aux charges qui étaient les miennes si j’avais eu à m’occuper de ma propre personnalité ? Je sais par ailleurs que le Lieutenant Colonel Toumani Touré entretenait d’excellente relation avec les membres de la famille.

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Pensez-vous qu’il ait assuré une bonne transition ? Aurait il fait un bon chef d’Etat ?

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J’avoue n’avoir aucun élément objectif d’appréciation compte tenu de ma situation particulière.

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Pour en savoir plus sur la personnalité du président déchu, nous avons soumis son écriture à l”analyse de notre graphologue. Le portrait qui en ressort mérite d”être médité, à l”heure où Moussa Traoré doit rendre des comptes à la justice de son pays.

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«Une nature combative et matérialiste»

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Son écriture est celle d”un homme à l”esprit concret, imaginatif, précis, plus analytique que synthétique. Il est entreprenant, audacieux, actif, courageux. Il a besoin d”affirmer sa puissance, de prouver l”excellence de ses conceptions et de ses méthodes en imposant des disciplines toutes personnelles et souvent contraignantes. Il est enfermé dans des systèmes de pensée trop primaires pour savoir tirer parti de ses erreurs et de ses échecs. Il a une nature extravertie, sur vitale, instinctive, combative et matérialiste. Il aime l”argent pour la jouissance qu”il procure et surtout pour le plaisir de la domination sur autrui.

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En manoeuvrier habile il sait s”adapter aux circonstances et il entraîne l”adhésion de son entourage grâce à sa logique, certes sans nuances ; mais convaincante. C”est un meneur, un entraîneur qui n”a jamais de doute sur lui-même. En paroles, il est probablement de bonne foi s”il affirme vouloir faire passer l”intérêt général avant celui de ses propres affaires ; toutefois, ses actes suivent rarement.

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Orgueilleux, rigoureux à sa manière et conventionnel, il a une personnalité assez homogène et spontanée ; mais son manque de mesure et de lucidité, son tempérament brutal, peuvent le conduire à de nombreux excès.

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En conclusion, cet homme a une personnalité orgueilleuse, ardente, dynamique, de forts instincts vitaux, une nature intransigeante et il est très attaché aux êtres et aux choses qui lui appartiennent. Pas assez objectif, subtil et lucide pour vraiment dominer les problèmes, il sait tout de même, grâce à son obstination, ses méthodes et ses connaissances stratégiques imposer sa volonté et faire valoir ses droits.

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Actuellement éloigné du pouvoir, il attend son heure et accumule de nombreuses rancunes.lus le marché est vaste,

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Pensez-vous qu”il ait assuré une bonne transition ? Aurait-il fait un bon chef d”Etat ?

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J”avoue n”avoir aucun élément objectif d”appréciation, compte tenu de ma situation particulière.

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Avez-vous été brutalisé pendant votre détention ?

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Non. Nous n”en sommes pas arrivés là. Il n”y avait, du reste, aucune raison de me brutaliser…

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On vous accuse, vous ainsi que votre épouse, d”avoir puisé allègrement dans les fonds publics. A combien évaluez-vous votre fortune personnelle ?

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Au cours de l”instruction judiciaire, il m”a été notifié que j”étais inculpé pour «complicité d”assassinats», «complicité de coups et blessures» et tenez-vous bien «soustraction de fonds publics à établir». C”est exactement la formule utilisée. J”ai répondu que c”était une insulte à mon endroit car ironie du sort c”est celui qui a renoncé

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à toute indemnité et remis à l”Etat les dons qui lui ont été faits alors qu”il était aux affaires qui est traîné dans la boue. Je l”ai déjà dit, et je le répète : j”ai appris en prison que je possédais 2,5 milliards de dollars en Suisse, aux Etats-Unis, au Canada et en Allemagne. Puis, subitement, ma fortune est descendue à 1,5 milliard de dollars.

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Je ne sais quel chiffre on avancera demain. Il n”empêche : je suis prêt à collaborer à la récupération de ces fonds s”il est établi qu”ils existent. Je l”ai fait savoir au magistrat instructeur, et j”attends toujours qu”on me fasse des propositions. Sans doute attendrai-je longtemps, car la réalité est tout autre. En vingt-deux ans et quatre mois passés au pouvoir,

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je dois avoir en tout et pour tout 3 millions de F CFA sur mon compte. Je possède, bien sûr, une villa dans ma ville natale, Kayes, dont la construction remonte à 1966. Donc, deux années avant mon accession au pouvoir.

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Ensuite, mon épouse et moi-même possédons une villa à Bamako, ainsi qu”une ferme montée grâce à l”aide d”un ami, de même qu”un champ et un terrain à usage d”habitation. Tous ces biens ont été déclarés. L”attestation doit se trouver aux archives nationales…

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Avez-vous, en votre nom propre ou au nom de membres de votre famille, ouvert des comptes dans des banques étrangères ? Si oui, où exactement ? Les Suisses ont avancé le chiffre astronomique de 2,5 milliards de dollars…

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Qu”ils fassent donc connaître les numéros de compte ! Cela fait bientôt une année que ce cinéma dure et on ne voit toujours rien venir. La vérité, c”est que tout cela est inventé de toutes pièces. C”est une stratégie ourdie depuis l”Elysée. Si le Mali avait été capable de dégager un excédent de ressources de cinq cents millions de dollars, dites-vous bien qu”il n”y aurait pas eu de coup d”Etat !

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Un chef d”Etat africain peut-il être démuni ?

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Oui, c”est mon cas. Et je connais au moins deux chefs d”Etat africains qui sont dans la même situation que moi.

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Certains de vos enfants, ainsi que votre petit-fils, sont retenus au Mali, selon les autorités, pour leur propre sécurité. On a envisagé, un moment, de laisser partir à l”étranger les plus jeunes. Mais vous vous êtes, dit-on, opposés a une telle solution. Pourquoi ?

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Ce n”est pas tout à fait exact. Mes enfants et mon petit-fils séquestrés ne le sont pas par mesure de sécurité. Et je ne me suis nullement opposé au départ pour un pays étranger des plus jeunes. On m”a proposé de laisser partir les plus jeunes, les deux aînés restant en détention. J”ai alors posé aux autorités maliennes une question à laquelle je n”ai toujours pas obtenu de réponse : quelles charges pèsent contre ceux des enfants qu”on entend retenir ? N”ayant pas obtenu de réponse satisfaisante, je ne pouvais cautionner l”opération en les laissant partir.

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Apres coup, considérez-vous votre régime comme démocratique ou despotique ?

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Je faisais régulièrement le tour des circonscriptions administratives du Mali. Lorsqu”il m”arrivait de ne pas leur rendre visite pendant une longue période, les populations réclamaient leur président. Il n”est pas certain qu”elles réclamaient le responsable d”un régime despotique. J”avais pris également l”habitude de rencontrer les cadres en conférences pour trouver des solutions aux problèmes du pays. Un despote n”écoute pas les cadres de neuf heures du matin à minuit. Sans doute reviendra-t-il, un jour, aux historiens et non pas aux historiens politicards de définir la véritable nature de mon régime.

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Avez-vous des nouvelles de vos anciens pairs africains ?

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Bien sûr ! Certains de mes amis chefs d”Etat ne m”ont pas oublié.

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(*) Accusé, au mois de juillet 1991, d”avoir fomenté un coup d”Etat, le commandant Lamine Diabira se trouve, depuis, aux arrêts de rigueur.

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Propos recueillis a Bamako par , FRANCIS KPATINDE

rn18 JEUNE AFRIQUE N o 1636. DU 14 MAI AU 20 MAI 1992

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