Assises : Un mea-culpa très émouvant

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    Coupable d’infanticide, la petite Ouassa Togola étala les circonstances de son crime et implora la clémence du jury. Très convaincante, elle est sortira libre de la salle.

    Un enfant est considéré comme un don de Dieu. C’est une richesse inestimable pour une famille et la société. C’est le fruit ou le couronnement d’un amour. Une fois quittée cette image de célébration du bébé, on se rappelle de ceux que les circonstances de la vie ont empêché de naître. De ces circonstances, l’avortement et l’infanticide ne sont point épargnés. Abomination ! Horreur ! Les qualificatifs fusent pour décrire ces phénomènes criminels qui s’installent dans notre société. Ces crimes odieux dégradent les fondements même de notre société. Les infanticides et autres abandons de nouveau-nés font la “ Une ” des journaux. Les enfants sont les victimes dès ces ignobles actes criminels. Les atrocités commises contre ces êtres innocents sont devenues une “ plaie puante ” dans notre société. Les causes de cette gangrène sociale sont multiples et variées. Et dire que tant de crimes sont commis par des femmes qui ont porté en leur sein le petit ange pendant de nombreux mois. Phénomènes de société de plus en plus courants au point d’être banalisés, l’infanticide, la pédophilie, et autres formes de crimes commis sur les enfants constituent un sujet de préoccupation pour notre équilibre social. Il ne se passe pas de jour sans qu’un journal de la place ne relate des faits divers sur le martyr que vivent les enfants. Cette régularité dans l’horreur est inquiétante. Si le nouveau-né n’est pas abandonné sur un tas d’immondices, il est tué de sang-froid, ou il est tout simplement jeté dans une fosse sceptique. Face à cette situation, nous sommes nombreux à nous poser des questions sans trouver de réponses convaincantes.

    DANS UNE FOSSE SEPTIQUE. Qu’est-ce qui peut bien pousser une femme à commettre un acte aussi ignoble que d’abréger la vie de l’enfant qu’elle a porté pendant neuf mois dans le ventre ? La pauvreté ? La honte ? Est-ce la peur de jeter l’opprobre sur sa famille ou d’entacher sa réputation ? Le refus du partenaire à assumer sa responsabilité ? Bref, les raisons avancées sont multiples. Aucune ne justifie cependant la décision d’attenter à la vie de ces innocents. En écoutant ce que les uns et les autres avancent, les raisons sont d’ordre socio-économique. L’incapacité à prendre en charge l’enfant, l’honneur etc. Dans certaines ethnies, la fille enceinte sans être mariée est un déshonneur pour la famille. Une fois le forfait découvert, la fille est immédiatement bannie de la famille et n’a plus le droit d’adresser la parole à ses parents dans la famille. C’est ainsi qu’il faut comprendre que de nombreuses jeunes filles notamment les aide ménagères qui ne voient autre solution que l’avortement ou l’infanticide. Cependant, pour les sociologues, le phénomène est surtout la résultante de l’absence ou l’insuffisance de l’éducation à la sexualité. Conséquence, les jeunes disposent d’une liberté sexuelle incontrôlée. C’est un cas malheureux d’infanticide ou interruption volontaire de grossesse qui a été jugé la semaine dernière par la cour d’assises.

    L’accusé Ouassa Togola est une aide ménagère. ¬Âgée de 18 ans au moment des faits, elle est native de Massigui. Fiancée dans son village, la jeune Ouassa était venue à Bamako courant mars 2009 pour aider sa mère à constituer son trousseau de mariage. Selon elle, trois mois après son arrivée, elle rencontre un jeune homme du nom de Daouda Coulibaly qui vient du même village qu’elle. Les deux jeunes entretiennent une relation amoureuse très ardente qui se solda par une grossesse. Alertée par l’absence répétée de son cycle menstruel, Ouassa informa son amant. Ainsi, après une longue discussion, les amoureux décidèrent d’interrompre la grossesse. Novice, la jeune fille laissa les soins à son amant de chercher une avorteuse. Ainsi, dans la nuit du 11 octobre 2009, son amant vint la chercher pour l’amener chez l’avorteuse qui lui administra une piqûre et lui donna quelques comprimés. Cependant, après cette séance, le garçon ramena Ouassa chez sa patronne. Ainsi, après une nuit entière de maux de ventre, Ouassa expliqua à sa patronne qu’elle n’a pas dormi à cause de la souffrance. Cette dernière sans management lui répondit qu’elle n’a pas de médicaments à lui donner. C’est ainsi que la jeune fille décida de se rendre chez sa logeuse située à quelques rues de son lieu de travail pour chercher de quoi calmer son taux de ventre.

    AVORTEMENT OU INFANTICIDE. Mais, en cours de route, Ouassa fut subitement prise d’un besoin présent de se soulager. C’est ainsi elle rentra dans la maison la plus proche et demanda la permission d’utiliser la toilette. Elle explique que dès qu’elle se positionna sur la fosse d’aisances, le fœtus sorti et tomba dans la fausse. Pris de panique, sur la facilité avec laquelle le fœtus est tombé, Ouassa demanda secours à la maîtresse de ladite maison. Cette dernière informa la police qui repêcha le fœtus. Cependant cette version de la jeune fille sans doute invraisemblable et différente de celle de la police qui affirme qu’elle a accouché et jeté l’enfant dans la fosse septique. Ainsi, arrivée sur les lieux, la police repêcha le nouveau-né encore en vie, mais qui décéda après. Deux versions, une seule histoire, sur laquelle les jurés ont planché pour faire jaillir la vérité. C’est ainsi qu’ils ont choisi de situer les faits dans le temps et dans l’espace. Il s’agissait de savoir combien de temps la jeune fille a vécu à Bamako avant ce malheureux événement ? Quand a-t-elle rencontré son amant ? Qui l’a amené chez l’avorteuse ? Quelle sorte de médicament a-t-elle pris ? Autant de questions auxquelles Ouassa répondra sans ambages. Elle expliquera ainsi que c’est au 8e mois de son arrivée à Bamako qu’elle fut inculpée et sa relation avec Daouda datait de 4 mois seulement. L’infirmière qui lui avait administré la piqûre avait dit que sa grossesse datait de seulement trois mois. Les précisions sur l’état du fœtus après avoir été retiré de la fosse (l’impossibilité d’identifier le sexe) consolideront cette thèse. Forte de ces précisions, la défense demandera au juge de corriger l’intitulé du crime d’infanticide à l’interruption volontaire de grossesse.

    Ainsi, dans une plaidoirie, il demandera la clémence du jury pour sa cliente. La jeune Ouassa très agitée implora le jury et expliqua une fois de plus qu’elle ne voulait pas garder la grossesse à cause du déshonneur que cela aura sur sa famille, mais qu’elle n’a pas voulu ce qui est arrivé et que c’est une fois dans les toilettes en voulant se soulager que le fœtus est tombé. Une version battue en brèche par le ministère public qui n’arriva pas également à trouver le contraire. Cependant, le regret se lisait sur le visage de la jeune qui n’a cessé de pleurer tout au long du procès et en implorant la clémence du jury. L’émotion envahit la salle d’audience, même le ministère public dans son réquisitoire n’a pu s’empêcher de demander la peine minimale pour la jeune fille. Mais, après délibération, elle fut reconnue coupable d’interruption volontaire de grossesse et condamné à deux ans de prison. Comme, elle avait déjà séjourné pendant deux ans en prison Ouassa Togola a donc été libérée. Cependant, aussi bien le jury que l’assistance déplorent l’absence de l’amant Daouda Coulibaly (libéré après l’instruction) qui a conduit la jeune fille chez l’avorteuse. Car, son nom étant bien souligné dans le dossier et il n’a, à aucun moment nié le fait d’avoir aidé la jeune fille à mettre un terme à la grossesse.

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