« Au Mali, la France est encore et toujours dans le déni face aux réalités sahéliennes »

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Dès 2011, l’ancien diplomate français Laurent Bigot avait alerté sur « l’état de déliquescence du régime malien en considérant que le pays était au bord du précipice

En suivant en direct la mutinerie au Mali qui a conduit à la démission du président Ibrahim Boubacar Keïta, dit « IBK », je me souvenais d’une note que j’avais rédigée en octobre 2011 au retour d’une mission à Bamako. J’y avais donné mon sentiment sur l’état de déliquescence du régime malien en considérant que le pays était au bord du précipice.

A l’époque, un collègue diplomate m’avait répondu en disant que je faisais du pessimisme mon fonds de commerce. Six mois plus tard, le président Amadou Toumani Touré, dit « ATT », était renversé par des militaires partis de Kati et le Mali plongeait dans une crise dont on ne voit toujours pas l’issue. J’ai pensé alors que la France était enfin sortie du déni. Je me suis trompé.

Il y a trois semaines, j’échangeais des messages avec l’un des tout proches du président « IBK ». Il me demandait conseil. Je lui ai écrit que la malédiction du Mali depuis de nombreuses années était le déni face à la réalité. J’aurais pu écrire la même chose si j’avais échangé avec un officiel français. Le drame de la France c’est, encore et toujours, le déni face aux réalités sahéliennes.

Kidal, péché originel de la France

La France est intervenue militairement au Mali en 2013 pour stopper l’avancée des troupes d’Ansar Dine dirigé par Iyag Ag Ghali. J’ai déjà écrit qu’il s’agissait d’une décision pragmatique et courageuse de la part de François Hollande. L’opération « Serval » a été rondement menée et a permis de faire reculer les groupes armés dits djihadistes aux confins du Mali, pendant que l’armée régulière reprenait possession de la partie septentrionale, à l’exception notable de Kidal laissée aux séparatistes touareg du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA).

Là se trouve le péché originel de la présence militaire française, une ambiguïté à tout le moins, voire une compromission, avec les groupes armés touareg réclamant l’indépendance de l’Azawad. Je n’ai jamais compris la fascination d’une partie de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et de l’armée française pour ces groupes armés touareg qui prétendaient être disposés à lutter contre les groupes dits djihadistes en échange d’un soutien en faveur de l’indépendance de l’Azawad.

C’était oublier que l’offensive militaire contre l’armée malienne en 2012 avait été lancée par le MNLA et que c’est le ralliement des groupes dits djihadistes à cette offensive – en particulier Ansar Dine d’Iyad Ag Ghali – qui a provoqué la déroute totale de l’armée malienne. Comment la France pouvait donc prétendre sauver l’intégrité territoriale du Mali en affichant une proximité avec le MNLA, ennemi de l’Etat malien ?

Risque d’Afghanisation

Et comme si un péché originel ne suffisait pas, la France s’est encore plus compliquée la tâche en transformant l’opération « Serval » en opération « Barkhane » afin de lutter contre le terrorisme dans le Sahel. La militarisation de la lutte contre les groupes armés terroristes à l’extérieur de nos frontières est désormais une doctrine qui mériterait d’être discutée sereinement. C’est à croire que nous n’avons rien appris de l’expérience afghane.

Pourtant, Bernard Bajolet, alors ambassadeur en Afghanistan, avait écrit un télégramme diplomatique subtil pour alerter sur le risque d’afghanisation de l’intervention militaire française. Une présence militaire étrangère durable finit toujours par être considérée comme une armée d’occupation.

Surtout quand cette dernière s’arroge, sur le territoire malien, le droit de tuer (le terme « neutraliser » employé par le ministère de la défense français euphémise une réalité qu’il convient de nommer pour comprendre), des individus présumés terroristes qui sont le plus souvent des parents (frère, mari, père, fils…) de populations locales. Au-delà du fait que cette stratégie d’exécutions ciblées n’a jamais produit quelque efficacité avérée en matière de réduction de la menace terroriste, elle nourrit l’hostilité des populations locales qui voient les leurs exécutés par une armée étrangère.

Fétichisme électoral

Et comme cela ne suffisait pas, la France apparaissait comme un soutien indéfectible du régime d’« IBK », de plus en plus rejeté par la population pour cause de corruption et d’incurie généralisées. Là encore, le parallèle avec le régime corrompu d’Hamid Karzaï en Afghanistan est troublant.

L’Occident en général – et la France en particulier – pratique le fétichisme électoral en réduisant l’exercice effectif de la démocratie au rituel des élections, élections validées internationalement même quand la fraude est massive. Et une fois les élections reconnues comme justes et transparentes, alors le pays est durablement estampillé « démocratie » au mépris des réalités quotidiennes vécues par les populations. En promouvant ainsi la démocratie, on en devient les fossoyeurs.

Albert Einstein disait que la folie était de toujours faire la même chose et de s’attendre à un résultat différent. Les mêmes causes produisent donc les mêmes catastrophes. Ce qui s’est produit au Mali pourrait se produire au Niger voisin tant les similitudes sont nombreuses. Dans cette partie de l’Afrique, quand le pouvoir a perdu le soutien de la population et que le régulateur légitime de la vie politique n’est plus l’élection, alors l’armée entre en scène.

 Laurent Bigot est un ancien diplomate français devenu consultant indépendant.

Source : Le Monde Afrique

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17 COMMENTAIRES

    • Tu as raison le vol des ressources de l’Angola par ses dirigeant c’est bien mieux. On parle de sommes de 6 à 7 milliard d’euros minimum, probablement plus.

      Les portugais ont des problèmes de fric et sont sensible au pognon ougandais.

      Le risque c’est que le Portugal devienne une blanchisseuse d’argent sale.

      Mais tu as raison le Portugal c’est mieux que la vilaine France.

      Qu’est ce que t’es con, tu aurais du lire l’article avant de t’exciter sur le titre.

  1. M. Bigot uqe votre pays et son armée quittent nos pays … nous nous porterons très bien !!!

    Le malheur continuera nous frapper tant que nous serons osu la dominaSSion lbanche franSSaise !!!

    Il parait que le mali a été suspendu de la francofolie : BONNE CHOSE !!!

    J’espère que aucun fougariden ne va chercher à re-renter dans cette connerie blanche franSSaise !!!!

    On s’en fout de la franKKKOfolie !!!!
    LA franSS peut foutre dans son phion , puant de fromages qui puent, sa fraKKKofolie !

    Nous sommes fatigués de la fransS !

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  2. Mr Laurent Bigot, ARRETEZ SVP AVEC VOS CONNERIES D’EXPERT OU DE SPECIALISTE A LA CON? VOUS EVEZ DIPLOMATE? PEUT ETRE, CAR ON PEUT APPELER TOUX CEUX QUI TRAVAILLENT DANS UNE AMBASSADE DIPLOMATE, MAIS EN REALITES VOUS FAITES PARTI DES SERVICES DE RENSEIGNEMENT. ET LAISSEZ MOI VOUS DIRE UNE CHOSE: SI AUJOURD’HUI LA RUSSIE AIDE LES BASQUES ET QUE LES ALLEMANDS PROVOQUENT UN” NATIONALISTE DANS LE DEPARTEMENT DU RHIN, LA FRANCE VA S’EFFONDRER EN PLEIN 21E SIECLE DEVANT TOUT LE MONDE.
    LA VERITE EST QUE SI LA LYBIE N’ETAIT PAS TOMBEE EN 2011, LE MALI ENCORE UN PAYS TRANQUILE QUE CHERCHE A RALLIER LES RESORTISSANTS DE L’AFRIQUE DE ‘OUEST ET MEME DU CENTRE…

    ON A DES PROBLEMES, ON EN CONVIENT, Y A EN MARRE DE VOIR DES “BILAKORO’ (COMME LE DIT SI BIEN SALIF) ESSAYER DE MELANGER NOS PAYS ET NOS PRETENDU “ALPHABETISES”

  3. Ce n’est pas la faute de la France, c’est la faute de nos dirigeants et de nos peuples. Je m’explique : nous sommes tout à fait incapable de gérer nos problèmes par nous mêmes, nous refusons d’être politiquement, stratégiquement et financièrement indépendant de la France. Nous avons donné les moyens et l’occasion à la France de s’ingérer dans la gestion des crises qui sécouent le Sahel. Nos dirigeants ont géré les pays avec laxisme et foutaise, fragilisant les institutions et les fondements de l’Etat-nation. Et les peuples qu’est-ce qu’ils ont fait????? Ils ont regardé et assisté à tout ce théâtre sans rien dire ni rien faire, pendant 60 ans.

    Cependant je reste optimiste pour l’avenir, pas l’avenir immédiat ou de moyen terme, mais un avenir plus lointain. Nous commençons à prendre conscience et petit à petit les peuples prendront leurs responsabilités et leurs destins en main.

    • Lastus 28 Août 2020 at 10:55
      “Ce n’est pas la faute de la France, c’est la faute de nos dirigeants et de nos peuples. Je m’explique : nous sommes tout à fait incapable de gérer nos problèmes par nous mêmes, nous refusons d’être politiquement, stratégiquement et financièrement indépendant de la France. Nous avons donné les moyens et l’occasion à la France de s’ingérer dans la gestion des crises qui sécouent le Sahel. Nos dirigeants ont géré les pays avec laxisme et foutaise, fragilisant les institutions et les fondements de l’Etat-nation. Et les peuples qu’est-ce qu’ils ont fait????? Ils ont regardé et assisté à tout ce théâtre sans rien dire ni rien faire, pendant 60 ans.”

      Mon frère, TU AS TOUT DIT !!!👏👏👏👏👏👏👏

  4. Monsieur Laurent Bigot,

    Votre lecture de la situation au Mali démontre à suffisance les sources des problèmes et ce, si nous pouvons attribue les bavures de la France a Kidale et sa militarisation du pays en tuant nos familles, le support a un régime corrompu, etc, la France est le vrai fossoyeur de tous les maux des pays Francophone. Contrairement à la Grande Bretagne qui ne s’ immisce plus dans la vie politique de ces anciennes colonies, la France quant à elle, se comporte comme si les pays Francophone sont des provinces de la France. La France ne cache même pas son comportement irresponsable dans ces pays Francophones.
    Si le soutient aux dictateurs ne suffise pas, la France avait depuis les indépendances imposée une monnaie nazie FCFA à cette partie du continent. Aucun pays n’ atteindra le développement sans sa souveraineté économique et monétaire. pire, ces pays Francophone qui utilisent le fcfa doivent déposer leur garantie a la banque de France qui jouisse de l’ intérêt sur ces dépôts.
    L’ arnaque la plus stupide est de faire croire aux Africains que métamorphoser le fcfa avec la monnaie Eco, qui constitue d’ ailleurs le vole pure et simple du projet de la CEDEAO par la France.
    La France doit comprendre que le sentiment anti-français en Afrique pas uniquement en Afrique Francophone mais dans toute l’ Afrique gagne du terrain. Plus de 70% de la jeunesse Africaine n’ aime pas la France et la trouve comme un danger pour l’ épanouissement du continent. Si la France ne change pas de comportement en Afrique, d’ ici 20 ans, la France ne mettra pas pieds sur ce continent car, la nouvelle génération mènera une guerre sans merci à la France, une guerre que la France ne gagnera pas. la nouvelle génération commencera par attaquer les Français et leur biens partout en Afrique et il n’ y a rien ni la France, ni l’ union européenne, ni aucun pays peut faire, car, quand un peuple décide que ça suffit, ce peuple est prêt à tout et il n’ y aura aucune force sur terre qui empêchera la colère et l’ action de ce peuple.
    La France a fait trop du mal à l’ Afrique, regardons par exemple ce qui se passe en Côte d’ Ivoire. Alassane Ouattara est le plus dangereux homme pour tout le continent Africain. il se comporte sans ambages comme s’ il est le préfet de la France et la cote d’ ivoire est une province de la France.
    Faure Gnassingbé est un autre cas au Togo et la liste continue.

    Soit la France doit immédiatement arrêter son comportement du vol en Afrique ou alors elle payera très cher dans les années à venir.

    • Et qu’est-ce qui nous empêchait de dire à la France que nous ne sommes pas d’accord avec sa stratégie sur le Sahel????? Walaye on est plus coupable que la France……. C’est nous-mêmes maliens qu’il faut blâmer, depuis 1960 à nos jours.

      • Lastus 28 Août 2020 at 11:01
        “Et qu’est-ce qui nous empêchait de dire à la France que nous ne sommes pas d’accord avec sa stratégie sur le Sahel?????” 👏👏👏👏👏👏

        Depuis 60 ans “d’indépendance”😎, c’est NOUS-MÊMES qui ne cessons de mendier des aides, des appuis voire des conseils à la France POUR TOUT ET DANS TOUS LES DOMAINES SANS EXCEPTION, et en même temps, on vient crier à “l’ingérence”😂 ou au “colonialisme”😂 de celui………….QUE NOUS-MÊMES AVONS APPELÉ !😂😂😂😂😂😂😂😂😂😂😂😂😂😂😂

  5. Les peuples Africains et pas leurs dirigents politiques ou leurs elites, doivent s’emanciper, prendre possession de leur independence, de leur liberte et de leur dignite humaine. Il faut en finir avec la FrancAfrique et le neocolonialisme c’est notre choix et c’est notre devoir historique!

    • Merci! Voilà ce que je persiste à dire et à écrire. C’EST NOTRE CHOIX ET NOTRE DEVOIR HISTORIQUE. La France ne nous servira jamais notre indépendance sur un plateau d’argent, c’est à nous de nous émanciper.

        • Nfp, les Maliens n’ont pas appelé la France. C’est la France qui a sciemment créé et arme les groupes rebelles pour pouvoir justifier une intervention au Mali après avoir fait pression sur nos dirigeants qui, on le sait, peuvent pas résister aux pressions de la France. LES VRAIS TERRORISTES AU MALI, CE SONT LES FRANÇAIS. MAIS CELA NE VA PLUS DURER. JE TE JURE QUE CELA NE VA PLUS DURER!

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